PRO – Entretien avec Luc DAYAN

Médecin, Homme d’affaires, dirigeant de football ou producteur de film, il n’est pas simple de présenter Luc Dayan. Cet ancien médecin généraliste, touche à tout, est devenu rapidement un incontournable dans le domaine du football, au point d’être considéré comme le spécialiste français en vente ou restructuration des clubs de football. Pour notre plus grand plaisir, l’ancien président du LOSC et du Racing Club de Lens, a accepté notre invitation, afin de retracer ses différentes expériences professionnelles et nous livrer sa vision du football.

Avant d’aborder votre parcours professionnel, évoquons votre enfance. Dans quel contexte avez-vous grandi ?

J’ai vécu toute mon enfance et mon adolescence à Fresnes, une ville de banlieue sud de Paris. Le Maire de l’époque avait décidé d’installer beaucoup de complexes sportifs autour de chez nous. J’ai donc naturellement passé beaucoup de temps sur les terrains de foot après le collège ou le lycée. C’était une vraie chance.

Quels sont vos premiers souvenir de football ?

Il s’agit de la Coupe du monde 1970, j’avais 13 ans. L’associé de mon père avait une télé couleur. C’est mon premier match en télé couleur et mes premiers souvenirs intenses de football, avec la victoire du Brésil contre l’Italie et le but de Pelé de la tête. Cette équipe du Brésil 1970 m’a vraiment fait rêver.

Quel est le moment le plus fort vécu dans un stade de foot ?

Je n’ai pas de souvenir durant mon enfance d’être allé au stade. En revanche, quelques années plus tard, je me rendais au Parc uniquement pour voir évoluer Safet Sušić.

Pouvez-vous revenir sur votre parcours étudiant. Pourquoi avoir opté pour une carrière de médecin généraliste ?

Après mon bac, je ne savais pas trop quoi faire comme études. Mon père était médecin généraliste à Fresnes et j’ai décidé de prendre cette voie. Je me suis inscrit au concours de première année. J’ai eu la chance d’avoir le concours. J’ai suivi mon cursus universitaire puis je suis devenu médecin généraliste. C’est un beau métier,

De 1983 à 1989, vous exercez en tant que médecin généraliste libéral mais également médecin du sport. Parallèlement à ces activités, vous créer en 1985 la société AMR qui développe la caméra d’analyse de mouvements rapides SP2000. Comment vous est venu cette idée ?

Cette idée m’est venue car je recevais beaucoup de sportifs qui avaient des problèmes de tennis-elbow et des pathologies dont je connaissais la cause première, à savoir les mouvements répétitifs mal exécutés. Je me suis dit qu’il fallait filmer les mouvements, afin de corriger la position de mes patients, dans un but thérapeutique. Mais à l’époque, aucune caméra n’allait au-delà de 25 images par seconde. On ne voyait rien du tout. Par relation, on m’a informé qu’il y avait une caméra aux États-Unis qui permettait de genre d’analyse. Je suis parti aux Etats-Unis, j’ai loué la caméra qui était utilisée dans l’industrie militaire. Tout est parti de là…

Ainsi, j’ai créé ma première société de caméra permettant l’analyse scientifique des mouvements rapides. Cela m’a permis de rencontrer Canal+ au tout début de l’aventure de la chaine et de filmer le football mais également les athlètes d’athlétisme.

Cette idée m’est venue car je recevais beaucoup de sportifs qui avaient des problèmes de tennis-elbow et des pathologies dont je connaissais la cause première, à savoir les mouvements répétitifs mal exécutés. Je me suis dit qu’il fallait filmer les mouvements, afin de corriger la position de mes patients, dans un but thérapeutique.

Dans les années 1990, vous lancez DITES 33, agence de communication santé, puis WND, agence spécialisée dans le conseil en marketing sportif. Comment passe-t-on de médecin à consultant pour les grandes sociétés ?

Cette société est liée à une rencontre avec un grand patron de la communication, Bernard Brochand, qui est venu se faire soigner au cabinet. Lors d’un échange, il me dit « vous avez un drôle de parcours, je n’ai pas de communication dans la santé, si vous faites l’affaire… ». J’ai fait l’affaire et ils m’ont proposé de créer cette agence. A ce moment-là, j’ai arrêté la médecine. Ma vie n’est faite et basée que sur des opportunités et des rencontres. Je suis assez curieux, et c’est comme cela que j’évolue

Le marketing sportif est-il le même dans le Rugby et le football ? Sinon, qu’est ce qui diffère ?

La vraie différence : Le football écrase tous les autres sports. Les autres sports ont beaucoup de difficultés à se financer, à se structurer car dans le domaine de l’économie du spectacle et on le voit encore maintenant, le football est le sport Roi.

Pourquoi les partenaires et sponsors du foot sont-ils si peu « qualitatifs » (Uber Eat, Dominos Pizza, Paris en Ligne) ?

Le football étant très diffusé, il touche des audiences beaucoup plus larges. A partir de ce constat, vous avez des marques grand public qui savent qu’elles vont toucher leur cible de consommation. C’est la raison principale de la présence de ces marques là.

En 1999, vous créé la société Socle SA, holding propriétaire de LOSC SASP et assurez la Présidence du LOSC qui devient champion de L2, puis 3ème de Ligue 1, et une qualification en Champions League. Quel souvenir en gardez-vous, au-delà des résultats ?

J’ai eu une mission qui m’avait été demandée par Canal+. Charles Biétry, qui était devenu président du toutes les sections du Paris Saint-Germain, m’annonce un jour qu’il avait reçu une demande de la part du gouvernement pour que le Stade de France, tout juste construit, trouve un club résident. Il me demande de faire un rapport sur le PSG. Je lui ai donc fait un rapport détaillé et Canal+ a décidé de ne pas transférer le Paris Saint-Germain au Stade de France. Mais à ce moment-là, il fallait toujours un club résident au Stade de France. J’ai donc eu une idée originale : Etant donné qu’aucun club francilien ne pouvait y aller, et que le club de Lille végétait en deuxième division, mon idée était d’acheter le LOSC avec l’idée de l’appeler Olympique du Nord et de le faire jouer au Stade de France avec un centre de formation à Lille. J’ai rencontré Martine Aubry et d’autres personnalités et l’idée a été refusée.

Pour quelles raisons ?

Lille était un club historique du Nord avec une forte identité, ce dont je ne m’étais pas forcément rendu compte. Cependant, le club était endetté et il n’y avait plus de projet alors ils m’ont rappelé et avec Francis Graille, nous avons racheté le LOSC. Nous avons été les premiers à privatiser un club de football. Ce fut une très belle aventure humaine. Malheureusement, nous avons réussi trop vite et trop bien si j’ose dire. Tout ce qui était prévu au niveau des infrastructures a mis beaucoup plus de temps que prévu à se construire et je n’ai pas pu rester actionnaire principal plus longtemps, faute de moyens. J’ai donc revendu mes actions à Michel Seydoux et à Monsieur Partouche et je suis devenu spécialiste de privatisations car la loi obligeait les associations à passer du statut sportif associatif à privé. J’ai donc participé aux structurations de Nice, VA, puis sont venus les clubs en difficultés financières.

Luc Dayan et Francis Graille au LOSC – Source L’Equipe

Vouez avez côtoyé Claude Puel. Que pensez-vous de l’homme et de l’entraîneur ? Quel regard portez-vous sur sa dernière expérience à Saint-Etienne ?

Claude est quelqu’un de très droit et de très déterminé. Il a appris à être manager de club dans son entièreté. Quand il travaille avec des actionnaires qui lui font confiance et qu’il participe aux décisions, tout se passe très bien. A Lille, il a effectué un travail fantastique et a participé à la conception de Luchin. Après à Saint Etienne, je vous avoue ne pas avoir suivi ce qu’il a réalisé en détail donc je ne peux pas porter de jugement sur la responsabilité des uns et des autres. Mais moi, je n’ai que des bonnes choses à dire sur Claude Puel.

Entre 2002 et 2005, vous participez à la quasi-totalité des projets de sauvetage et ou de restructuration de clubs de football français : Cannes, Nice, Saint-Etienne, Le Mans, Valenciennes. Quelle est selon vous la première qualité à avoir pour assurer ces tâches délicates ?

C’est assez difficile de parler de soi mais j’aime beaucoup les clubs de football qui sont des entités passionnantes à faire vivre et à structurer et chaque cas est différent. Après il faut apporter à chaque club une solution différente. La situation n’est pas la même à Cannes et à Valenciennes. Chaque club a ses spécificités. Je pense néanmoins qu’il faut beaucoup d’empathie et être très créatifs.

Un adjoint du sport au maire de Paris, a déclaré dans la presse sans connaître le projet, qu’il ne voulait pas de fond exotique. L’émir du Qatar a très mal pris cette déclaration et a décidé de se retirer.

En 2006, vous tentez de racheter le PSG, avec Colony Capital et les Qataris. En vain. Quel était votre projet ?

Canal+ décide en 2006 de quitter le Paris Saint Germain et missionne la banque Lazard. A ce moment-là, je décide de monter un projet, mais il est difficile de remplacer Canal+. Cependant, je réussi à monter un tour de table où effectivement, des investisseurs du Qatar étaient présents à hauteur de 40% du capital, ainsi que des investisseurs français. C’est un projet qui est allé à la signature, dans lequel j’aurais dû être président, réaliser la restructuration du club, et partir au bout d’une saison. Malheureusement, le projet a échoué pour une faute de communication.

Quelle est cette faute de communication ?

Il y a eu une fuite dans la presse, notamment chez Le Parisien. Un adjoint du sport au maire de Paris, a déclaré dans la presse sans connaître le projet, qu’il ne voulait pas de fond exotique. L’émir du Qatar a très mal pris cette déclaration et a décidé de se retirer. Nous avons essayé de les remplacer mais nous avons échoué.

Entre 2012, vous devenez président du RC Lens, le restructurez et en assurez la succession à la RCL Holding (Gervais Martel et Baghlān Group). Dans quel contexte prenez-vous ce poste et quelles étaient les difficultés du RC Lens ?

J’arrive au RC Lens, car je suis appelé par le Crédit Agricole. L’objectif était de restructurer le club, maintenir l’équipe en deuxième division, rénover le Stade Bollaert et trouver des nouveaux repreneurs. J’ai eu cette mission pendant un an.

Luc Dayan, président du Racing Club de Lens – Source La Voix du Nord

Après Lille, et Lens, vous rejoignez Valenciennes pour participez au sauvetage du VAFC. Comment exercez ces activités dans des clubs rivaux ? Se détache-t-on de ces rivalités ?

Oui, c’est vrai que c’est une sacrée performance ça je vous l’accorde. Je suis arrivé à me détacher de ces rivalités. En arrivant à Lens, j’ai appelé directement tous les clubs de supporters et je leur ai expliqué que j’étais là pour restructurer le club car celui-ci était en difficulté. Et moi, je suis attaché au club de foot de manière générale mais je n’ai aucune attache particulière car j’ai fait tellement de clubs. Je suis loin de l’émotion que peuvent ressentir les supporters. Pour moi, il s’agit d’un métier, que j’essaie de faire le mieux possible et en toute transparence. Et cela a marché. Cela étant, on retrouve à chaque fois les mêmes problématiques, tout le monde se parle dans le milieu du foot : les supporters avec les salariés etc…mais nous avons réussi à organiser les matchs de Ligue des champions de Lille à Bollaert.

En disant les choses, en étant transparent, cela se passe au mieux et ce n’est pas aussi violent qu’on peut l’imaginer. Tout s’est très bien passé à Lens malgré mon passage à la présidence Lilloise.

A Lens, j’ai vraiment gardé des amis et un attachement particulier. C’est là où je me suis senti le plus à l’aise

Pensez-vous que le clubisme, de plus en plus présent en France, est une bonne chose pour le Football Français ?

Les gens d’une ville sont attachés à leur club, et c’est très important. Je trouve même que nous sommes en manque de ça en France. Cela étant, il y a beaucoup de tensions avec les ultras qui est, selon moi, le reflet de l’incohérence du système football. Désormais, le football est devenu un business poussé au maximum, en particulier sur la vente des joueurs. Cette économie basée sur le trading est problématique. car les joueurs qui composent les équipes, jouent de moins en moins longtemps ensemble. Comment voulez-vous que cela fonctionne ? Tous ceux qui ont joué un peu au foot le savent, il n’y a pas de secret : Pour se connaitre, il faut s’accorder du temps. Or, vous avez un turnover permanent avec les transferts en périodes de mercato. Je pense que beaucoup de supporters ne se retrouvent pas là-dedans. Il n’y a pas ou plus d’identité d’équipes, des joueurs ou personnalités qu’on ne peut plus apprécier longtemps avec le maillot de son club. Et puis vous avez des disparités financières colossales. Quand vous êtes un supporter de milieu modeste et que les joueurs sur le terrain touchent des sommes autour de 300 000, 500 000€ par mois, vous créez des fossés trop importants et vous perdez des gens. La France ne s’est pas occupée de sa culture footballistique. Heureusement, il y a des endroits où il y a cet attachement historique comme à Lens par exemple mais il n’y a pas tant de clubs qui ont cette force.

Vous avez travaillé pour beaucoup de clubs. Si vous deviez retenir la plus belle expérience de votre carrière, quelle serait-elle ?

Ce n’est pas à moi de juger. Mais Lille, c’est quand même un sacré dossier. On est parti de tout en bas, pour arriver tout en haut. Mais c’est à Lens, où j’ai vraiment gardé des amis et un attachement particulier. C’est là où c’est que je me suis senti le plus à l’aise.

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est Champions-de-L2.jpg.
Champions de France de D2 – Source Le PetitLillois

Quelles sont les pires difficultés que vous avez surmontées ?

Le pire que j’ai vécu, est à Sannois Saint-Gratien. J’avais un projet magnifique avec un actionnariat de très grande qualité et je me suis heurté aux instances, à la Ligue et à la Fédération notamment que j’ai faites condamner. J’ai compris que le système ne voulait pas d’un second club en Île-de-France et que le système était déjà établi. J’ai perdu de l’argent, j’ai lutté pendant six ans et ça n’a servi à rien. C’est une vraie déception professionnelle et personnelle.

Le pire que j’ai vécu, est à Sannois Saint Gratien. J’avais un projet magnifique avec un actionnariat de très grande qualité et je me suis heurté aux instances, à la Ligue et à la Fédération notamment que j’ai faites condamner.

C’est votre plus gros regret ?

Oui, je pense qu’il y a vraiment de la place pour deux ou trois clubs en Île-de-France dans l’élite. Mais les instances sont gouvernées par des gens qui habitent des petites villes comme Guingamp, Auxerre et qui n’ont pas envie que des concurrents prennent leur place. Alors que c’est la concurrence qui fait progresser le niveau de tous, poussent les clubs à s’améliorer, s’inventer et être compétitifs. Mais quand vous êtes un club de province, vous n’avez pas envie d’avoir trois ou quatre clubs parisiens dans l’élite.

Vous êtes l’une des rares personnes à gagner de l’argent en investissant dans le foot. Quel est votre secret ?

J’ai gagné de l’argent avec Lille mais j’ai perdu exactement la même somme avec Sannois Saint-Gratien. Après je travaille, je suis payé en honoraires mais je suis loin d’être un milliardaire et je n’ai jamais touché d’argent sur les transferts ou participé à cette économie du football.

Les instances sont gouvernées par des gens qui habitent des petites villes comme Guingamp, Auxerre et qui n’ont pas envie que des concurrents prennent leur place.

On a l’impression que les acteurs économiques du monde du foot font appel à vous qu’en cas de difficultés. Est-ce le cas ? Pourquoi ?

Oui. J’ai prouvé que j’étais capable de faire face aux difficultés et de restructurer les clubs. Mais depuis deux ou trois ans, je refuse des dossiers qui sont tout simplement infaisables. Vous avez des clubs avec des endettements tels, que malgré une certaine force d’expertise, on ne peut pas trouver de solution. Regardez Bordeaux par exemple. Ce sont des endettements de dizaines de millions d’euros…

Certains acteurs sont souvent jusqu’auboutistes avec leur club et ont du mal à passer la main. On pense à Robert Louis-Dreyfus à l’OM, ou plus récemment Roland Romeyer ou Bernard Caiazzo à Saint-Etienne. Le foot rend-il fou ? Pourquoi les présidents s’accrochent-ils autant à leurs clubs ?

Simplement, c’est une passion. Ils ont mis de l’argent et croient toujours que demain sera un meilleur jour. Le premier que j’ai vu quitter la fonction de président, c’est Francis Borelli, quelqu’un que j’appréciais énormément. C’était terrible pour lui car il n’existait qu’à travers sa présidence du Paris Saint-Germain. Le jour où il a perdu cette fonction sociale, il a perdu les gens qui le flattaient, l’admiraient et le sollicitaient et a plongé dans une dépression. C’est très particulier. Le président de Football, pendant la période où vous êtes président propriétaire, tout le monde se dirige vers vous, vous avez du pouvoir. C’est passionnant et passionnel et c’est difficile de lâcher ça. Une fois qu’on lâche, on sort de cet univers particulier. Regardez, j’en suis moi-même l’exemple. Je suis issu d’un milieu modeste et je me suis retrouvé à être assis à côté de ministres, de personnalités publiques. Je n’aurais jamais imaginé vivre ça et côtoyé un tel milieu. C’est grâce à mon poste de président du LOSC que j’ai pu vivre de tels moments.

Nombre d’acteurs au sein du foot français recherchent des investisseurs souvent minoritaires (Lyon, St Etienne par exemple). Pourquoi ne font-ils pas appel à leurs fans selon vous ?

Ils pourraient le faire, mais le vrai problème, c’est qu’il faut être transparent. Quand vous ouvrez le capital à cet actionnariat de fans, des partenaires ou des fonds d’investissement, il faut ouvrir vos comptes. C’est là qu’on se rend compte que les clubs sont dans une situation financière beaucoup moins bonnes qu’elle n’y parait. Il est déjà dur d’être actionnaire minoritaire dans une société quelle qu’elle soit, mais alors dans le football. Si à Bastia, cela a fonctionné, c’est que nous sommes partis de zéro et sans aucune dette.

Luc Dayan, Claude Ferrandi, Gilbert Ferrandi et Me Lucca – Source CorseMatin

Vous avez été consultant auprès du S.C Bastia et avez construit un modèle avec les supporters. Quel était votre rôle ?

Avec Bastia, nous sommes repartis de l’association et j’ai imaginé la forme de société participative. Nous avons fait redémarrer l’association puis nous avons monté la société coopérative et nous avons très bien travaillé pour le mettre en place. Cela a duré quelques mois avec des gens de très grande qualité, qui sont devenus des amis. Cela s’est passé de façon remarquable après une situation traumatisante parce que le club a fait faillite avec dépôt de bilan.

Vous avez été missionné en 2007 par le groupe Dassault pour vendre le FC Nantes à Valdemar Kita. Comment s’est déroulé le processus de vente ?

Quand le club est descendu, j’en ai pris la présidence et en parallèle nous avons communiqué sur le fait que le club était en vente. La banque Natixis recevait l’intérêt de certains repreneurs et moi, je gérais en parallèle le club pour le rendre toujours compétitif et analysable. Monsieur Kita s’est présenté à la banque d’affaires, a fait une proposition qui a été acceptée par l’actionnaire majoritaire.

Que pensez-vous du projet mené par Mickaël Landreau avec le collectif Nantais ?

Je ne le connais uniquement que par la presse mais je n’ai pas été concerné. En revanche, j’ai présenté le projet du SC Bastia au collectif A la Nantaise il y a quelques temps.

Strasbourg est un autre club qui a connu de grosses difficultés et qui est en train de renaitre. Comment analysez-vous le chemin parcouru depuis quelques années ?

Marc Keller est un ami. Il a réuni autour de lui une cellule d’actionnariats solides et il s’est mis d’accord avec la collectivité pour reconstruire pas à pas une équipe, un club, dans une ville où il y a tout : la passion du foot, un stade, un centre de formation. Il connaît très bien le football, n’a pas fait passer des vessies pour des lanternes. Il a structuré le club de façon remarquable avec prudence et efficacité

Marc Keller a annoncé l’accord pour la construction du nouveau Stade de la Meinau pour 2025. J’ai lu qu’il pourrait s’appeler La Jagermeister Arena pour 2025. Comment cette appellation pourrait être autorisée avec la loi Evin ?

Je ne suis pas au courant.

La loi Evin restreint économiquement des clubs français comme Reims ou Bordeaux. Plus globalement, seriez-vous favorable une abrogation de cette loi pour plus de compétitive ?

Non, je ne suis pas favorable à l’abrogation de cette loi. Je trouve bien de ne pas faire de publicité pour des produits qui ne sont pas nécessairement bons pour la santé. Si vous faites la promotion du tabac ou de l’alcool, dans un milieu sportif, c’est pour moi un contre sens total.

Vous aviez commencé à travailler pour le FC Tours il me semble. Où en est ce projet ?

J’ai eu le dossier de Tours il y a quelques mois où la volonté du club était de faire fonctionner la société en société coopérative. J’ai participé à l’audit qui a duré 3 ou 4 mois. Mais en faisant l’audit, on s’est rendu compte qu’il y avait un endettement… Il est difficile de solliciter les socios tant qu’on n’a pas réglé le problème de l’endettement. Et un endettement, ce sont des trous qu’il faut renflouer. Malheureusement le projet n’a pas pu aboutir et le projet est totalement au point mort.

Faut-il selon vous pour nos clubs professionnel un statut intermédiaire entre une SASP et une association et s’inspirer du modèle Allemand avec leur « 50+1 » ?

Ce n’est pas uniquement la structure capitalistique de gestion qui est le problème. Je pense que le système autour des joueurs dénature totalement les clubs et met tout le monde en émoi. Ce n’est pas un système régulé, il n’y a pas de salary cap, pas de ligue fermée. Logiquement, ce système fait craquer certains clubs et certains actionnaires à un certain moment.

Il existe de nombreux projets alternatifs en France. Que pensez-vous de réunir tous ces projets dans un collectif pour promouvoir le modèle socios en France ?

J’en pense du bien. Cela étant, il faut avoir des compétences, peu importe que vous soyez socios ou pas. Finalement socios, entrepreneurs ou sponsors, il faut bien comprendre le fonctionnement d’un club de football. Il faut avoir les compétences pour bien gérer et manager un club de football. Ce sont des choses qui ne s’improvisent pas. Ce n’est pas en lisant l’Equipe ou en regardant les matchs qu’on sait gérer un club. Il ne s’agit pas de choisir un arrière gauche, un arrière droit et de dire « allez les gars, on est parti ». Non, c’est beaucoup plus compliqué. J’ai appris cela au fur à mesure de mon parcours professionnel et c’est très complexe.

Que pensez-vous du modèle « club état » comme au PSG ou City par exemple ?

Je trouve ça surprenant qu’un état devienne propriétaire de club de football d’un état différent du sien. Le PSG est un cas particulier, un projet qui a été monté par monsieur Sarkozy pour sauver Colony Capital et faire des relations diplomatiques avec le Qatar en matière de communication notamment. Le projet initié et arrêté en 2006 a pris forme par la suite. Je suis un peu responsable de la chose, même s’il est vrai que les Qataris ne représentaient que 40% du capital à l’époque. C’était donc un projet différent de celui d’aujourd’hui. Mais c’est comme si la France était actionnaire de Manchester United, c’est particulier…

Vous avez déclaré : « Depuis dix ans, la stratégie du PSG, c’est quoi qu’il en coute ! ». Pouvez-vous nous expliquer votre déclaration ?

Oui, il n’y a pas de limite aux dépenses. Ils ont les moyens d’acheter les meilleurs joueurs et de concurrencer n’importe quel autre club sur les joueurs. Ils ont pu prendre Neymar, mais ils n’ont aucune limite. Ils peuvent signer des joueurs de talent « quoi qu’il en coûte » …

Alors que le PSG a gagné son 10ème titre de champion de France, la fracture semble entamée avec les supporters. Comment l’analysez-vous ?

Il semble exister un grand décalage entre les supporters et les actionnaires. Il y a des gens qui ont la volonté d’avoir une continuité dans leur politique de club, dans la gestion de l’image : ce sont les supporters. Et puis, vous avez les actionnaires qui veulent gagner et qui achètent des joueurs et qui promettent des résultats. À la longue, on sent un clivage, des personnes qui ne s’entendent plus et ne parlent pas la même « langue sportive».

Que faites-vous aujourd’hui ? Travaillez-vous pour un ou des propriétaires de club ?

Non. J’ai 64 ans et je ne suis plus sur le même niveau d’activité qu’auparavant, j’ai des petits enfants, j’ai écrit ce qu’il fallait faire sur le football et je suis au « repos ». Aujourd’hui, je fais du conseil dans l’immobilier dans un groupe qui a racheté le stade Bauer notamment. Et je fais de la production avec notamment un film sur Jesse Owen qui s’appelle Race (la couleur de la victoire). C’est la chose dont je suis le plus fier.

Race, sorti en 2016

Auriez-vous un conseil si jamais un de nos lecteurs voulait mettre en place un modèle socios dans son club ?

Je leur conseillerais de se rapprocher des gens de Bastia et qu’ils soient accompagnés, ne pas restés seuls. Collectivité, entreprises, il faut monter des budgets, avoir une stratégie claire, être solidaire et composer une union sacrée autour du club. En ce moment, ça craque de partout. Après à titre individuel, il faut bien comprendre le milieu du foot, accepter l’impact de l’économie qui est très lourde sur le football, comprendre l’influence d’une relégation en termes de recettes. Qu’on soit socios, ou pas, peu importe son milieu social, on peut toujours apprendre la finance, le droit, l’économie afin d’appréhender au mieux le milieu du football. C’est capital pour monter de tels projets

Nous souhaitons remercier chaleureusement Luc Dayan pour sa disponibilité et lui souhaitons une bonne continuation dans ses divers projets.

JM