Entretien avec les Socios de Nancy

Nous continuons notre tour d’horizon des Socios, en prenant la direction de Nancy à la rencontre de Stéphane Lamaix.

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots votre parcours professionnel et de supporter ?

Je m’appelle Stéphane Lamaix Je suis abonné à Nancy depuis 35 ans. J’ai créé à la fin des années 80 le premier groupe ultras de Nancy qui s’appelait Ultras Nancy. L’âge m’a assagi et voyant les dérives du football français, j’ai décidé en 2012 de créer l’association « socios Nancy ».

Pouvez-vous nous expliquer le fonctionnement des socios Nancy et quelles sont les grandes lignes de votre projet ?

Nous souhaitons faire participer le plus grand nombre de supporters à la vie du club. Les associations de supporters participent activement à la vie des clubs notamment dans le soutien qu’elles apportent aux joueurs avec l’ambiance.
Cependant. pour les supporters qui sont en latérales, c’est plus compliqué d’avoir un véritable sentiment d’appartenance au club. Ce sont aussi des supporters et leur situation n’est pas forcément prise en compte par le club.

Quelle est pour vous la plus grande émotion en tant que supporter de l’ ASNL ?

Ma Madeleine de Proust, ce sont les matchs des années 1980. Les stades n’étaient pas si modernes qu’actuellement et en arrivant au stade, on sentait une atmosphère différentes. L’odeur des frites merguez par exemple… C’était un contexte beaucoup plus accueillant. Les joueurs de football étaient beaucoup plus proches de leurs supporters et il n’y avait pas tous ces réseaux sociaux, le contact était beaucoup plus direct.

Quel est le statut juridique des socios de Nancy ?

Nous sommes une association loi 1901 agréés par le ministère des sports.

Quelle a été la démarche juridique pour être agréé par le ministère des sports ?

Pour être agréée par le ministère des sports, il faut faire preuve de transparence au niveau comptable et avoir une relation continue avec le club. À l’époque, nous avions ces relations avec nos dirigeants notamment avec Monsieur
Rousselot qui était l’un des derniers dinosaures du football français , un local qui gérait le club de façon familiale en bon père de famille. Bien sûr, nous n’étions pas forcément d’accord sur tout avec lui mais la discussion était ouverte franche et sincère. À l’heure actuelle, nous n’entretenons aucun contact avec les nouveaux actionnaires de New City capital. C’est une situation qui perdure depuis qu’ils ont racheté le club.

Qui sont les fondateurs des socios de Nancy ?

Je suis l’un des fondateurs des Socios Nancy, dirigés par un bureau de douze personnes dont Eric Bertrand, un
ancien joueur de l’AS Nancy Lorraine et un un ancien dirigeant du club : Philippe Venu

Comment s’est déroulé la mise en place du projet des socios de Nancy ?

La première année, nous étions cinq pour mettre en ordre le projet. Une fois prêt, nous avons décidé de le rendre public en rencontrant notamment les dirigeants de l’époque. Au final, l’intérêt de la part des dirigeants s’est arrêté à cette rencontre. Je pense que pour le dirigeant d’un club de football, le supporter fait peur et qu’il est plus un problème qu’une solution. A nous d’essayer d’obtenir leur confiance sur certaines actions. Ce n’est pas évident mais nous pouvons y arriver. C’est un combat de tous les jours.

Quel est pour vous le but final de l’association ?

Le but de l’association est d’avoir un représentant au sein du Conseil d’administration du club. Nous savions très bien en montant ce projet que celui-ci n’aboutirait pas du jour au lendemain. Mais, nous avons proposé plusieurs formats au club dont un que nous avions appelé : « conseil des supporters ». Le format est simple, c’est un conseil qui regrouperait un représentant de chaque associations de supporters de l’ A.S.N.L et quelques personnes indépendantes pour échanger sur des sujets propres aux supporters comme le design du maillot par exemple.

Faites-vous des actions pour vous faire connaître les soirs de matchs ?

Nous tenons lors de chaque match à domicile une table de présentation de notre association. Nous vendons aussi quelques goodies, mais depuis la reprise par New city capital du club, nous n’avons plus l’autorisation de tenir cette table. Faute de cette autorisation, nous avons organisé des « points mobiles » ce qui reste un gros problème organisationnel. Mais il est important pour nos sympathisants et pour notre association de retrouver ce point de rendez-vous fixe.

Si votre projet voit le jour, votre cotisation sera-t-elle permanente comme chez les kalons où annuelle comme à Bastia ?

Je pense que nous choisirons la cotisation fixe pour entrer au capital du club et par la suite, nous demanderons une cotisation annuelle pour soutenir les frais de l’association.

Nous trouvons inadmissible de n’avoir aucune réponse de leur part malgré les nombreuses relance de notre part. Nous souhaitons juste échanger et la moindre des politesses est de nous répondre.

Avez-vous rencontré les dirigeants de l’ASNL et quelles sont vos rapports avec eux ?

Nous avons rencontré tous les dirigeants de l’A.S.N.L depuis notre création mais nous n’avons pas réussi à rencontrer les dirigeants actuels. Ce sont des propriétaires chinois et américains donc pour les rencontrer ce n’est pas évident.
Nous avons rencontré le président délégué du club, Monsieur Ganaye, une seule fois lors de la présentation des nouveaux actionnaires au club. Depuis, nous n’avons aucune nouvelle. Nous trouvons inadmissible de n’avoir aucune réponse de leur part malgré les nombreuses relance de notre part. Nous souhaitons juste échanger et la moindre des politesses est de nous répondre même négativement. C’est une manque de respect flagrant.

Gauthier Ganaye et Chien Lee, président du conseil de surveillance de l OGC Nice – Source France Bleu

Avez-vous des soutiens politiques ?

Nous avons rencontré plusieurs élus locaux. Nos interlocuteurs nous disent qu’il s’agit d’une société privée et qu’ils n’ont aucun moyen de pression pour nous aider dans notre démarche. Cet argument n’est pas valable car le stade appartient à la métropole de Nancy. Il devrait être un levier pour nos élus pour faire pression sur le club.

Oui, pour le moment c’est un échec. Mais rien n’empêchera dans l’avenir que cela soit une réussite en voyant l’état du football français et surtout celui de Nancy.

Votre association date de 2012 et elle n’est pas au capital du club ni même actionnaire. C’est un échec aujourd’hui ?

Oui, pour le moment c’est un échec. Mais rien n’empêchera dans l’avenir que cela soit une réussite en voyant l’état du football français et surtout celui de Nancy. Nous discutons beaucoup avec l’association A la Nantaise qui est très bien structurée également. Mais ils ont le même problème que nous : Tant que le président du club n’ouvre pas la porte au dialogue, ils resteront en dehors du club.

Avez-vous des entreprises qui vous suivent dans ce projet ?

Nous ne nous sommes pas mis en recherche d’entreprises pouvant nous aider. En revanche, nous connaissons pas mal de commerçants notamment qui pourraient nous apporter leur soutien.

Quel est votre principal atout et votre principale faiblesse chez les socios Nancy ?

Notre principal atout et que nous sommes des supporters Nancéiens, que nous faisons notre vie en fonction du club. Cela, personne ne pourra nous l’enlever. Notre principal défaut est la situation actuelle : Pour le moment, nous avons en face de nous des personnes qui ne sont pas intéressées par le club et qui ne pensent uniquement qu’à leur profit personnel.

Quand nous essayons de savoir ce qu’il se cache derrière ce déficit structurel, nous n’avons jamais de réponse. La direction actuelle est totalement opaque, ce qui nous fait craindre le pire.

Avez-vous réussi à avoir des documents concernant la situation financière du club ?

Jacques Rousselot publiait les comptes à l’époque et nous savons que le club était en déficit structurel entre 2M € et 3M€ chaque année. Quand nous essayons de savoir ce qu’il se cache derrière ce déficit structurel et le pourquoi du comment, nous n’avons jamais de réponse. La direction actuelle est totalement opaque, ce qui nous fait craindre le pire.

Le club se trouve dans une situation sportive précaire. Trouvez vous vos dirigeants compétents?

Notre président M. Ganaye est également président d’un autre club, celui d’Ostende en Belgique. Cette situation doit être unique en Europe. Il est déjà dur de se consacrer à un seul club alors deux. Bien évidemment, cela complique grandement notre relation avec M. Ganaye, peu présent à Nancy. Ces personnes prennent le club comme une vitrine pour exposer des joueurs puis les revendent. Les résultats sportifs sont le cadet de leur souci.

Gauthier Ganaye à Ostende – Source Footnews.be

M. Ganaye est également président d’un autre club, celui d’Ostende en Belgique. Cette situation doit être unique en Europe. Il est déjà dur de se consacrer à un seul club alors deux…

La concurrence sportive et économique est rude dans l’Est de la France avec beaucoup de clubs professionnels comme Metz ou Strasbourg. Ce projet de Socios Nancy vous permettra-t-il à terme de faire la différence au niveau de l’engouement régional ?

Nous avons participé au C.N.S.F. Nous avons eu l’occasion d’échanger avec les socios de Metz et nous sommes dans le même cas : Il y une bonne base de supporters mais nous avons du mal à fédérer devant l’incompétence où l’ignorance de nos dirigeants. Malheureusement, sans dialogue avec les dirigeants, nous ne pouvons pas communiquer comme nous le souhaiterions sur les avancées de notre projet.

Quel est le principal adversaire de l’ASNL selon vous ?

Étant donné notre position à l’heure actuelle, dernier au classement, les 19 autres clubs de Ligue 2 sont nos adversaires Après en Ligue1, nous n’avons qu’un seul derby et club rival : Le FC Metz.

Il existe de nombreux ultras à Nancy. Quel regard portent ils sur votre association ?

Nous avons quelques ultras qui, à titre privé, adhèrent à notre association. Nous échangeons également en tant qu’association avec les organisations ultras. Pour le moment, nous n’avons rien fait de commun. Nous essayons de mettre en place un représentant de chaque association de supporters au sein de notre conseil d’administration. C’est très délicat, car nous n’avons pas les mêmes objectifs : Les ultras se concentrent sur l’animation et la vie au quotidien des tribunes et préfèrent organiser les déplacements, les animations, l’utilisation des fumigènes etc. Nous nous concentrons plus sur le domaine de la gouvernance du club.

Ultras Nancy – Source ASNL

M. Le Graët est favorable à la coupe du monde tous les deux ans. Le rejojgnez-vous ?

Non, je suis totalement opposé à l’idée d’une coupe du Monde tous les deux ans. Si on continue à tirer sur la corde, le football partira en crise…

Les socios Nancy seraient-ils intéressés à l’idée de de faire partie d’une structure spécifique des socios français ?

Oui, bien sûr cela serait vraiment très intéressant. Nous avions essayé avec les culs rouges de Rouen et le projet à la nantais. Le CNSF était une bonne initiative mais malheureusement on s’est cassé les dents dessus pour fonder une telle
structure. Il fallait des moyens et une présence à Paris pour être au côté des différentes instances comme la fédération française de football et la Ligue de football professionnel. Au fil du temps malheureusement, cela s’est essoufflé et nous n’avons pas pu mettre en place correctement cette organisation. Je le regrette.

La place des réseaux sociaux est très importante dans notre société actuelle. Êtes-vous présents sur ces plateformes ?

Nous sommes présents sur toutes les plateformes Facebook, Twitter, YouTube, Instagram et bien sur LinkedIn

Faut il selon vous développer pour nos clubs un statut intermédiaire entre une SASP et une association et s’inspirer du modèle Allemand avec leur « 50+1 » ?

Je ne suis pas un expert juridique mais le modèle allemand est difficilement transposable en France car c’est un modèle historique qui remonte à des décennies et que les clubs ont dans leur ADN. Ils ont de fait intégré le dialogue avec leurs supporters. En L1, ce genre de modèle est impossible. Il est possible de trouver une solution hybride, de s’en inspirer. En faire un un copier coller, non.

Êtes-vous pour la L1 à 18 clubs ?

Il y a de la place en France pour 20 clubs de football professionnels en L1. Bien sur que si on combine avec une multitude de compétitions comme l’ancienne Coupe de la Ligue, la Coupe de France… cela peut vite devenir compliqué pour le calendrier et les joueurs. Le cœur même du football reste le championnat et nos dirigeants doivent respecter cela.

Ce genre de projet est tout à fait réalisable en L1. Il faudrait une locomotive dans un grand club avec un très gros soutien populaire comme Lens, Marseille ou Saint-Étienne.

Pensez vous que ce genre de projets est réalisable dans des clubs de L1 ? si oui lesquels ?

Ce genre de projet est tout à fait réalisable en L1. Il faudrait une locomotive dans un grand club avec un très gros soutien populaire comme Lens, Marseille ou Saint-Étienne. Ces clubs ont une assise populaire et si l’un d’entre eux ouvre la brèche, cela permettrait vraiment de faire un « effet bouchon de champagne » .

Récemment l’Arabie Saoudite vient d’acheter Newcastle, le PSG est dirigé par le Qatar et Man City par les Émirats Arabe Unis. Que pensez vous de ce modèle et le trouvez vous viable dans le temps ?

A mon sens, ce genre de modèle n’est pas viable dans le temps. Nous voyons à Nancy, racheté par ce consortium, tout un tas de magouilles où les joueurs viennent d’un club qui appartient à la même personne. Cela engendre forcément une mauvaise image de notre club…

Les supporters de l’ A.S Nancy Lorraine sont là depuis plus de 50 ans, ils ont participé à la création du club et ils n’accepteront jamais d’avoir le sentiment comme c’est le cas aujourd’hui d’être mis à la porte de leur propre club.

Si vous aviez à refaire l’histoire des Socios Nancy, quel est le piège que vous voudriez éviter ?

Déjà quand on est supporter de Nancy, ce n’est pas facile (rire). Peut être qu’au début de notre projet, nous prenions trop pour argent comptant ce que le club nous racontait. Avec le recul, le club a tout fait pour temporiser les choses, et gagner du temps. Il aurait fallu avoir beaucoup plus d’esprit critique.

Auriez-vous un conseil si jamais un de nos lecteurs voulait mettre en place des socios dans son
club ?

Je lui conseillerais de s’entourer, de trouver des supporters qui ont des compétences et la même vision du football et de de créer ensemble un projet structuré. Une fois les bases solides posées, la direction du club doit être contactée.

Un dernier mot pour la direction de l’ASNL ?

Les supporters de l’ A.S Nancy Lorraine sont là depuis plus de 50 ans, ils ont participé à la création du club et ils n’accepteront jamais d’avoir le sentiment comme c’est le cas aujourd’hui d’être mis à la porte de leur propre club.

Nous tenons à remercier chaleureusement Stéphane pour sa grande disponibilité et souhaitons bonne continuation dans l. Vous retrouverez toutes les informations sur Twitter ou sur leur site internet.

JM & Jerem