PRO – Entretien avec Olivier TERZI, auteur du livre « Les lésions méconnues du jeune sportif : informer, sensibiliser et éduquer »

Kinésithérapeute, Olivier Terzi est l’auteur du livre Les lésions méconnues du jeune sportif : informer, sensibiliser et éduquer (2021). Dans cet interview, il nous éclaire sur les pathologies apophysaires qui touchent particulièrement les jeunes footballeur(se)s et leur prévention.

Bonjour Olivier Terzi, merci d’avoir accepté notre invitation. Pouvez-vous rapidement vous présenter ?

J’ai 46 ans je suis kinésithérapeute depuis plus de 20 ans, spécialisé dans les méthodes chaines musculaires et trigger points myofasciaux. Très tôt j’ai orienté ma pratique vers la prévention et le traitement des douleurs musculo-squelettiques. En 2008, j’ai publié Santé et bien-être au travail, un livre consacré à la prévention des douleurs d’origine professionnelle. Depuis, je suis intervenu dans de grandes entreprises comme Thalès, Danone, Sanofi, Safran, ou encore le Ministère de l’Intérieur. A présent et durant les années à venir je souhaite mon consacrer aux jeunes sportifs et à la formation des éducateurs.

Vous êtes kiné depuis plus de 20 ans, mais également sportif depuis tout jeune. Quels sports avez-vous pratiqués ?

Le football a occupé toute ma jeunesse, tout mon temps libre, que ce soit en club (à l’US Colomiers) à l’école, pendant mes loisirs, le dimanche matin avec mon père et mon frère, mais j’aimais également jouer au tennis avec mes copains. Depuis 2001, je pratique le trail en montagne, un sport qui me permet de m’évader, de découvrir des paysages magnifiques, j’aime toujours les défis et la compétition. En 2022 j’aimerais participer au Trail des Aiguilles Rouges (55km, 4000m+).

Comment est née l’idée de faire un livre consacré à la prévention des lésions cartilagineuses touchant les jeunes sportifs ?

Depuis de nombreuses années je constate que les jeunes sportifs ne s’étirent pas ou très peu et très mal. Parallèlement à cela, on assiste à une explosion des pathologies apophysaires, en particulier chez les jeunes footballeurs dont la pratique est intensive. Faut-il y voir une relation de cause à effets ? Fin 2019, le fils d’une amie qui habite en Italie a été victime, à l’âge de 14 ans, d’une fracture-arrachement de la tubérosité ischiatique en réalisant simplement un contrôle aérien. Cet épisode fut l’élément déclenchant. J’ai alors profité du premier confinement lié à la crise sanitaire pour approfondir le sujet et proposer un outil de prévention destiné avant tout aux éducateurs sportifs.

Olivier TERZI – Image tirée du livre Les Lésions méconnues du jeune sportif : Informer, sensibiliser et éduquer (2021) – © Stretch Concept Tous droits réservés – www.stretchconcept.fr

Qu’est-ce qu’une apophysose et un arrachement apophysaire ?

Apophysose est un terme médical qui désigne un trouble de l’ossification d’une apophyse. Une apophyse est une sorte de proéminence de l’os sur laquelle s’insèrent les tendons. Soumise à des tractions répétées des tendons et/ou à une contraction musculaire brutale, l’apophyse peut devenir douloureuse et finir par se fracturer et s’arracher de l’os, c’est l’arrachement apophysaire ou « avulsion apophysaire ».

Comment expliquez-vous que le secteur médical, médecins, kinés passent à côté de ces pathologies ?

Je ne pense pas que les professionnels de santé passent à côté d’une apophysose aussi évidente que la maladie d’Osgood-Schlatter ou de Sever. Néanmoins, il est possible que certains d’entre eux prennent les apophysoses du bassin pour des tendinopathies, pire, des arrachements apophysaires pour des déchirures musculaires, ce qui peut poser problème à court, moyen ou long terme.

Vous revenez dans votre livre sur votre histoire personnelle, notamment la maladie d’Osgood-Schlatter que vous avez diagnostiquée tardivement et qui explique beaucoup de vos problèmes physiques quand vous étiez-jeunes. Pouvez-vous revenir sur cette maladie fréquente chez les footballeurs ?

La maladie d’Osgood-Schlatter correspond à une souffrance de la tubérosité tibiale antérieure (TTA) qui est l’apophyse sur laquelle s’insère le tendon rotulien.

Comment se manifeste-t-elle ?

Souvent bilatérale, elle se traduit par des douleurs sur la face antérieure du genou, au niveau de la TTA, qui surviennent pendant ou juste après l’effort et qui diminuent au repos. Selon l’évolution de la maladie, les douleurs peuvent néanmoins persister au repos.

Cette maladie est liée à une raideur musculaire. D’où vient ce manque de souplesse ?

Comme je l’explique dans mon livre, l’hypo-extensibilité musculaire est l’une des principales causes mécaniques des pathologies apophysaires. Elle est liée à une différence de vitesse de croissance entre les os et les muscles d’une part, et au développement de la force d’autre part.

Quelle sont les conséquences de ce manque de souplesse ?

Chez l’adolescent plus un muscle, ou plus précisément une chaine myofasciale, est rétractée plus les forces de traction sur le tendon augmentent, et plus des phénomènes douloureux peuvent s’installer au niveau de l’apophyse qui peut finir par se fragmenter, se fracturer voire s’arracher de l’os.

Sommes-nous égaux devant la souplesse des muscles ? Existe-t-il des facteurs génétiques favorisant ces apophysoses ? Les hommes sont-ils autant touchés que les femmes ?

Même si les femmes sont généralement plus souples que les hommes, dans ma pratique de cabinet je reçois des femmes qui présentent également des rétractions musculaires plus ou moins marquées souffrant de pathologies musculo-squelettiques (Osgood-Schlatter voire mal de dos côté ados, tendinopathies, cervicalgies et sciatiques côté adulte). S’il existe des facteurs génétiques pour expliquer ces apophysose, ils restent minimes. Des facteurs extrinsèques et propres à chaque individus (surentraînement, terrain, chaussure, alimentation, particularités anatomiques, troubles posturaux, raideurs musculaires…) participent activement au développement pathologies apophysaires qui touchent les deux sexes.

Pourquoi ces apophysoses sont confondues avec des tendinites ou des claquages alors que ces pathologies sont assez rares chez l’adolescents ?

En effet, elles sont assez rares « tant que les tendons s’insèrent sur des cartilages apophysaires qui ne sont pas entièrement ossifiés ». Mais elles existent néanmoins, j’en rencontre parfois au cabinet. Avec les enfants il faut toujours faire preuve de prudence et penser d’abord à une pathologie de nature cartilagineuse avant de penser à une lésion tendineuse ou musculaire, certains ont a priori tendance à l’oublier…. Malheureusement, une erreur de diagnostic peut être lourde de conséquences.

Vous évoquez dans votre ouvrage l’action de Christophe Dugarry en 1998 contre l’Arabie saoudite qui, en tendant sa jambe pour contrôler le ballon dans la surface de réparation, vaudra à ce joueur de 26 ans un claquage des ischios jambiers. Est-ce que la même action auparavant lui aurait causé une apophysose et non un claquage ?

L’apophyse ischiatique, également appelée « tubérosité ischiatique », sur laquelle s’insèrent les ischio-jambiers, achève son ossification autour de 20-25ans. Jusque-là , l’apophyse ischiatique reste plus fragile que les muscles et les tendons. C’est pourquoi, plus jeune, Christophe Dugarry aurait pu être victime d’un arrachement apophysaire au lieu d’un claquage.

Votre livre est aussi un appel aux jeunes à prendre soin de leur corps. Les joueurs de foot font de plus en plus de musculation. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Je comprends que les méthodes d’entraînement évoluent. Mais beaucoup semblent ignorer qu’un enfant n’est pas un adulte en miniature mais un être en construction particulièrement vulnérable. En développant la force au détriment de la souplesse, les contraintes apophysaires augmentent. Ceci explique peut-être pourquoi les apophysoses et les arrachements apophysaires sont de plus en plus fréquents chez les jeunes footballeurs…

Beaucoup semblent ignorer qu’un enfant n’est pas un adulte en miniature mais un être en construction particulièrement vulnérable. En développant la force au détriment de la souplesse, les contraintes apophysaires augmentent. Ceci explique peut-être pourquoi les apophysoses et les arrachements apophysaires sont de plus en plus fréquents chez les jeunes footballeurs…

Pouvez-vous nous présenter vos outils de prévention, notamment le questionnaire GASST (Growth Apophysitis Simple Screening Test) ?

GASST est l’acronyme de Growth Apophysitis Simple Screening Test, ce qui signifie test de dépistage des apophysoses de croissance simple à mettre en œuvre.

A quoi sert-il et par qui est-il fait ?

J’ai surtout élaboré ce questionnaire pour aider les éducateurs et les parents à identifier et évaluer les douleurs des jeunes sportifs annonciatrices d’une éventuelle lésion cartilagineuse à venir.

A quel moment faut-il le faire ?

Régulièrement. Le Directeur d’une Fédération Sportive (U.E) m’a d’ailleurs contacté récemment pour me demander l’autorisation de mettre le questionnaire GASST dans le cahier d’entraînement afin que les jeunes athlètes prennent l’habitude de se questionner sur leur corps et que leurs entraîneurs prennent également l’habitude d’être plus vigilants.

Vous abordez par la suite le test d’extensibilité de la chaîne postérieure (TECP). A quoi sert ce test ?

Ce test permet d’apprécier globalement l’extensibilité de la chaine postérieure. Un manque d’extensibilité de cette chaine myofasciale augmente le risque de pathologies apophysaires.

Par qui est-il fait ?

N’importe quel éducateur/parent peut apprécier en un clin d’œil un défaut d’extensibilité de la chaine postérieure. Dans mon livre j’explique comment réaliser ce test et quelles sont les configurations que l’on peut observer.

A quel moment ?

Durant toute la croissance il faut s’assurer que la chaine postérieure conserve une bonne extensibilité.

Les muscles à l’intérieur de la cuisse – Image tirées du livre Les Lésions méconnues du jeune sportif : Informer, sensibiliser et éduquer (2021) – © Stretch Concept Tous droits réservés – www.stretchconcept.fr

Enfin, vous abordez votre méthode, le Stretching Physiologique. Pouvez-vous nous présenter cette méthode ?

Le Stretching Physiologique est une méthode d’étirements à tendance posturale, qui s’adapte à l’âge et aux capacités cognitives et physiques du jeune sportif, où la respiration occupe une place primordiale. Je propose ainsi plus qu’une méthode, une véritable pédagogie de l’étirement, dans laquelle les étirements deviennent des postures en se complexifiant progressivement au fur et à mesure que l’adolescent(e) est capable d’intégrer différentes informations. En plus de limiter le risque de pathologies apophysaires, le Stretching Physiologique constitue également un formidable outil de relaxation idéal pour réduire le stress qui touche de plus en plus les jeunes sportifs.

Les étirements peuvent se faire à froid ou à chaud, suivant l’objectif recherché. Qu’est-ce qu’on cherche dans un étirement à chaud après une activité sportive ?

Les étirements post exercices servent uniquement à réduire les tensions parasites, à détendre le muscle, ils sont réalisés sur un temps court (1 à 3 expirations) sans recherche d’allongement maximal. Ils peuvent être utilisés avec succès lors du retour au calme.

Votre méthode d’étirement préconise un étirement à froid, pour améliorer la souplesse. Quels sont les principes fondamentaux à respecter ?

Sans douleur, sans à-coups, sans bloquer la respiration. Pour le reste il faudra acheter le livre ou mieux s’inscrire à ma formation (sourire).

La formation que je propose permet aux éducateurs de mieux comprendre les pathologies du jeune sportif, de maitriser les outils de détection précoce, d’identifier les profils à risque et bien sûr d’acquérir les connaissances nécessaires pour appliquer les principes de bases du Stretching Physiologique

D’ailleurs, parlez-nous de cette formation que vous proposez aux éducateurs.

La formation que je propose permet aux éducateurs de mieux comprendre les pathologies du jeune sportif, de maitriser les outils de détection précoce, d’identifier les profils à risque et bien sûr d’acquérir les connaissances nécessaires pour appliquer les principes de bases du Stretching Physiologique (maitrise des postures d’étirements et de la pédagogie).

On imagine votre livre naturellement présent dans les associations sportives, ou centre de formation. Est-ce le cas ? Avez-vous contacté des clubs de football ou centre de formation ?

Je suis, en effet, en relation avec des clubs de football de la région toulousaine. Des partenariats sont en cours. Certains m’ont déjà fait part de leur souhait de voir leurs éducateurs participer à ma formation. Plus globalement, j’aimerais que mon livre soit présent dans les différentes structures sportives, le temps me manque malheureusement pour faire connaitre cet ouvrage. Nul doute que votre interview contribuera à répandre la nouvelle, je vous remercie très sincèrement.

Nous tenons à remercier chaleureusement Olivier TERZI pour sa disponibilité et lui souhaitons bon courage pour la suite de ses projets. Pour approfondir vos connaissances et aller plus loin, découvrez le livre écrit par Olivier TERZI, les Lésions méconnues du jeune sportif : informer, sensibiliser et éduquer (2021) disponible sur https://stretchconcept.fr.

Source

[1] – Radiographies tirées du livre Les Lésions méconnues du jeune sportif : Informer, sensibiliser et éduquer (2021) – © Stretch Concept Tous droits réservés – www.stretchconcept.fr

JM