Entretien avec les Socios de Rouen

Après notre entretien avec les Socios Etoile Club Bastiais, nous continuons notre tour d’horizon des projets français, en prenant la direction de Rouen à la rencontre de la Fédération des Culs Rouges. Quel est le rôle de cette association qui regroupe les amoureux du Football Club de Rouen ? Comment est structurée cette association ? Quelle est son ambition et quelles sont leurs difficultés au quotidien ? Des éléments de réponse avec Christophe, secrétaire général de cette Fédération.

Bonjour Christophe. Pouvez-vous vous présentez en quelques mots ?

Je m’appelle Christophe Bellanger. J’ai 54 ans, j’ai travaillé en tant que directeur régional d’un réseau Retail depuis 20 ans et j’en ai pris la responsabilité du développement foncier en 2015. Je suis passionné du F.C Rouen depuis mon tout jeune âge. J’ai également un fils de 15 ans qui est désormais un aficionado du F.C Rouen à ma grande satisfaction.

J’ai fait toutes mes classes « football » au sein de ce club (de 7 à 18 ans). J’ai eu la chance de jouer aux côtés de joueurs devenus professionnels et qui ont eu des carrières honorables : Christophe Horlaville, Jean-François Richard, Jean-François Szklarek.

Vers 15/16ans, j’ai eu vocation à faire des études et il aurait fallu que je m’investisse beaucoup plus pour entrer au sein du centre de formation. Cependant, ma famille m’a fait comprendre que le football n’était pas un métier en tant que tel ou alors réservé vraiment à une élite.

Vous êtes donc supporter du F.C Rouen de père en fils ?

Mon fils aime bien les grands clubs « classiques » comme le Real Madrid ou l’A.S Monaco. Mais il est également devenu un supporter du F.C Rouen malgré la difficulté pour un jeune de s’intéresser au F.C Rouen étant donné la division dans laquelle évolue notre club. Il l y a une vraie concurrence des grandes stars internationales dans les grands clubs. Cela fait deux ans qu’il vient au stade en tant qu’abonné, qu’il a vu également la ferveur de notre stade même quand nous étions en division d’honneur. Il adore arborer fièrement à l’école le maillot du club et faire valoir son appartenance au F.C Rouen.

Quelle est pour vous la plus grande émotion en tant que supporter du F.C Rouen que vous avez vécu au stade ?

En qualité de supporter, il y a incontestablement le match Rouen-St Étienne en 1977, victoire des Verts deux buts à un dans un stade plein comme un œuf. Les Verts de l’époque, c’était le PSG d’aujourd’hui.

J’ai aussi un souvenir mémorable du match Rouen/Nancy en 1983 au cours duquel Jean-François Beltramini avait marqué cinq buts. J’étais un gamin, accroché au grillage derrière les buts, avec les yeux qui brillaient. En tant que joueur du club, j’ai adoré les levers de rideaux (qui existaient à l’époque) juste avant les affiches de D1 ou de D2. J’ai eu cette chance de jouer devant 6000/7000 spectateurs.

Vous regrettez justement qu’il n’existe plus ces levers de rideaux dans le football moderne ?

Oui, je les regrette car ces levers de rideaux permettaient une connexion entre le public et les équipes de jeunes ou les réserves, même si désormais les équipes réserves sont principalement composées de jeunes des différents centre de formation. Cela créait une émulation autour des jeunes. Pour eux, c’était forcément plus intéressant de jouer devant mille personnes dans un beau stade plutôt que dans un stade de district où il y a quinze personnes derrière une main courante. C’était un truc super à vivre pour eux. On pourrait très bien réinstaurer des levers de rideau avec des équipes de football féminin aujourd’hui. Pourquoi pas.

Revenons sur votre club, quel est le statut de celui-ci ?

Notre club est une S.A.S.

Qui êtes-vous dans l’organigramme de l’association des « Culs Rouges » ?

J’ai rejoint l’équipe des administrateurs de la Fédération des « Culs Rouges » en 2018 à l’époque du crowdfunding. Je suis devenu le secrétaire en 2020.

Expliquez-nous-en quelques mots le concept des Culs Rouges de Rouen ?

La Fédération des Culs Rouges est une association créée en 2013. Elle a vu le jour quand la SASP du F.C Rouen a été liquidée, entraînant le club en DH à l’été 2013. Puis en 2015, le F.C Rouen s’est vu imposer un projet de rapprochement avec l’US Quevilly, un voisin qui s’est surtout distingué lors des coupes de France 2010 et 2012.

Les élus de la métropole voulaient mettre les subventions principalement dans ce club. Pour nous, cette fusion était une vraie catastrophe. Mais le F.C Rouen vivait son troisième dépôt de bilan en vingt ans. Nos politiques locaux pensaient qu’une fusion pouvait être la solution pour construire enfin un grand club à Rouen et sa métropole.

120 ans d’histoire – Source F.C Rouen

Seulement, le football n’est pas qu’une histoire politique…

Oui, c’était très mal connaitre le football à Rouen. Le F.C Rouen, c’est 120 ans d’histoire, un leadership, une ferveur populaire et une passion qui dépasse le tissu local. L’objectif majeur de la Fédération des Culs Rouges a été de défendre l’existence du F.C Rouen au regard de son histoire, et de s’opposer à tout rapprochement visant à faire disparaître notre club historique. C’est à cette date que les actions de l’Association se sont multipliées. Nous avons travaillé par exemple sur les 120 ans du club en organisant un match de gala avec d’anciens joueurs et des personnalités. Nous avons aussi, en collaboration avec Paris-Normandie, édité un magnifique livre illustrant toute l’histoire du club à l’occasion de cet anniversaire. La Fédération des Culs Rouges a également mené des actions visant à récolter des fonds pour les équipes de jeunes ou plus récemment pour les soignants de la fondation Charles Nicolle.

La Fédé regroupe tous les amoureux du club quelque soit leur histoire avec le club, leur génération, leur lien avec le club, leur proximité. Un « cul rouge » est un supporter qui a usé son fond de pantalon sur les sièges rouges du Stade Diochon.

Avez-vous senti un ras-le-bol des élus locaux suite à ce nombre record de dépôt de bilan ?

Oui, tout à fait. Ce ras-le-bol était général, pas uniquement de la part des élus locaux. On nous présentait toujours un homme providentiel qui allait révolutionner notre club et au final, les écarts budgétaires persistaient et l’issue identique, mettant en cause la crédibilité du club.

C’est la raison pour laquelle une poignée de fidèles ont décidé de monter une association pour essayer d’accompagner le club et sauver sa peau.

Il y a donc un vrai engouement populaire pour le F.C Rouen en comparaison de l’U.S.Q.R.M ?

Il n’y pas photo entre les deux clubs malgré le fait que Quevilly monte en Ligue 2. Notre ferveur est incomparable. Nous faisions parfois entre 1500 et 2000 spectateurs pour un match de DH, alors que Q.R.M peine à atteindre les 500 spectateurs dans le même stade.

Quevilly rassemble des spectateurs et non des supporters. Il n’y a peu d’identité dans le Q.R.M. Il s’agit vraiment d’un club politique et il ne faut pas connaître le football pour avoir souhaité cette fusion. Mais à l’époque, Q.R.M avait l’appui des politiques et aussi une crédibilité. Monsieur Mallet, le président de Q.R.M qui siège au COMEX de la fédération française de football a été perçu par les politiques locaux comme quelqu’un de compétent très bon gestionnaire

Heureusement, l’association F.C Rouen a voté et s’est totalement désolidarisée de ce projet de fusion, et le F.C Rouen a pu retrouver son autonomie.

Un « cul rouge » est un supporter qui a usé son fond de pantalon sur les sièges rouges du Stade Diochon.

Qui sont les membres fondateurs des culs rouges et quels sont les objectifs ?

Sous la houlette de Matthieu Gudefin, accompagné de 17 fidèles, l’association voyait le jour avec trois objectifs majeurs :

  • Défendre l’existence du club, ses composantes historiques à savoir son nom, ses couleurs, son stade ;
  • Participer à la gouvernance du club ;
  • Reconstituer les archives du club.

Bon nombre d’anciens joueurs sont devenus membres d’honneur de la Fédération des Culs Rouges. Ils ont toujours témoigné leur fidélité et leur amour de nos couleurs quelque soient les générations.

Vous êtes actionnaires à hauteur de 7% au capital du F.C Rouen depuis 2019. Pouvez-vous nous présenter les différentes étapes qui vous ont permis d’obtenir ce pourcentage au capital du club ?

En 2017, lorsque les membres de l’Association F.C Rouen, titulaire du numéro d’affiliation, se sont prononcés pour un retrait du rapprochement avec l’US Q.R.M, le F.C. Rouen a repris son destin en toute autonomie sous l’égide de M Fabrice Tardy, son Président.

La Fédération des Culs Rouges a émis l’idée de devenir actionnaire afin d’accompagner M. Tardy dans la renaissance du F.C Rouen. Il nous a ouvert la possibilité d’entrer au capital mais en tant qu’Association, nous ne disposions pas de fonds propres. En revanche, nous possédions une certaine légitimité auprès de tous les supporters du club et nous avons mis en place une opération de crowdfunding, qui nous a permis de rassembler 40 000 € par l’intermédiaire de plus de 400 donateurs.

Le montant de 40 000€ n’était-il pas trop faible ?

Le but était d’entrer au capital du club, pas forcément d’être majoritaire, et la part était de 25 000€.

Quel est le but final de l’association ?

Le but de l’association n’est pas de prendre la présidence du club mais de l’aider à entrer de nouveau dans l’ère professionnelle. En qualité d’actionnaire, nous avons un droit de regard sur la gestion du club pour éviter les dérives du passé qui nous ont amenées à trois dépôts de bilan en vingt ans. Nous nous positionnons en qualité de garant de la transparence de la gestion du club et sommes force de proposition pour aider le club.

Aujourd’hui, M Tardy, que nous tenons à remercier chaleureusement pour tout ce qu’il a fait pour le club, a décidé de vendre ses parts. C’est l’occasion pour nous d’aller plus loin et de proposer un projet structurant, novateur ou les supporters seraient directement acteurs car l’actionnariat populaire à le vent en poupe. Il y a une prise de conscience que les clubs doivent à l’avenir, impliquer leurs supporters à l’instar de ce qui se fait depuis longtemps en Espagne par exemple.

Fabrice Tardy – Source FootNormand

Avez-vous des entreprises qui vous suivent dans ce projet ?

Effectivement, et cela nous conforte dans notre projet. Nous avons reçu de multiples soutiens et intentions financières, et ce, avant même d’avoir finalisé notre copie. C’est dire combien le F.C Rouen suscite des passions et combien la Fédération des Culs Rouges est un acteur majeur vers une transition d’un modèle de gestion du club plus saine.

Qui sont ces entreprises ?

Les noms sortiront quand nous pourrons présenter le projet au Comité de Direction (ce lundi 17 Mai) car nous sommes à l’heure actuelle dans un imbroglio juridique. Nous nous battons pour faire valoir un droit de préemption et c’est assez complexe. Nous ne voulons pas que le club soit racheté encore par quelqu’un qui ne nous semble pas compétent. Nous sommes soutenus en cela par un gros porteur et nous sommes capables d’amener grâce aux différents acteurs 500 000€ par an pendant 3 ans hors acquisition des parts de monsieur Tardy, évaluées à 302 000€. En tout, cela fera 2M€.

Pensez-vous une fois majoritaire faire évoluer les statuts du club pour qu’il devienne une S.C.I.C ?

Nous souhaitons conserver la S.A.S pour prendre le contrôle du club immédiatement. Mais rien n’est figé dans le marbre, nous verrons en temps et en heure. Notre rôle est d’être facilitateur pour le club et nous souhaitons nous donner le temps pour répondre à ce genre de questions en temps voulu.

Les entreprises partenaires où vos adhérents ont-ils « droit » à une défiscalisation de leurs cotisations ou de leurs dons ?

Oui effectivement, les financeurs, personnes morales, pourront bénéficier de la défiscalisation dans le cadre du mécénat..

En avril 2021, M. Tardy a démissionné de son poste de président du F.C Rouen. Quels étaient vos rapports avec lui ?

Nous avons toujours entretenus de bons rapports avec M. Tardy. Il a su répondre présent quand le club était en voie de disparition avec le projet Q.R.M qui retenait l’attention de nos politiques locaux. Cette question est l’occasion pour nous de lui dire un grand MERCI au nom de tous les amoureux du F.C Rouen. Merci, Merci, et encore Merci M. Tardy car vous avez prouvé l’amour que vous avez pour le F.C Rouen.

C’est l’occasion pour nous de lui dire un grand MERCI au nom de tous les amoureux du F.C Rouen. Merci, Merci, et encore Merci M. Tardy car vous avez prouvé l’amour que vous avez pour le F.C Rouen.

Aviez-vous des choses à lui reprocher dans sa gestion du club ?

Notre présence au sein de la SAS F.C Rouen n’a pas toujours été perçue comme elle aurait dû l’être. Notre rôle a toujours été de vouloir défendre les intérêts du club (SAS et Association) ainsi que de veiller à ne pas reproduire les erreurs du passé. Malheureusement, nous avons constaté que toutes les informations financières et budgétaires ne nous avaient pas été communiquées ou alors qu’elles étaient erronées. Lorsque nous nous sommes procuré le rapport de la DNCG, nous sommes tombés des nues. Celui-ci ne correspondait en rien à ce que l’on voulait bien nous annoncer oralement lors des CA de la SAS F.C Rouen.

A plusieurs reprises, nous avons demandé par écrit, des explications à M Tardy sur les comptes présentés à la DNCG et les irrégularités que nous avions constatées. Mais malgré plusieurs relances de notre part, il a toujours refusé de répondre à nos questions. Cela a crée une rupture de confiance dans nos relations. Nous avons donc informé nos adhérents et tous nos soutiens car nous ne voulions pas cautionner une telle gestion.

Notre Président Grégoire Meurice n’a d’ailleurs pas donné quitus aux comptes 2019/2020 présentés lors du CA de Décembre 2020. A partir de là, les relations se sont effectivement tendues, à notre grand regret. Mais nous lui disons merci et nous sommes certains que c’est un grand amoureux du F.C Rouen

F.C Rouen – Source Twitter

Vous êtes assistés par le cabinet d’avocats Poulmaire. Comment ce cabinet vous aide-t-il concrètement ? Et sur quel dossier spécifique ?

Lorsqu’il a pris connaissance qu’un projet Socios pouvait voir le jour à Rouen, M. Poulmaire a pris contact avec nous afin de nous proposer ses services. C’est quelqu’un qui a une forte croyance dans ce système de gérance des clubs et nous aide par convictions personnelles. Il nous accompagne avant tout pour défendre nos droits au sein de la SAS F.C Rouen afin que nous puissions faire entendre le bien fondé de notre projet. Il a la fois un rôle de cadrage mais aussi de facilitateur. Son expérience du haut niveau sportif nous permet d’affiner notre action. L’objectif prioritaire est bien de renouer le contact avec la direction actuelle.

Et arrivez-vous à renouer le contact avec les dirigeants du F.C Rouen ? Et comment sont vos relations à l’instant T ?

Ne nous voilons pas la face, elles sont très délicates aujourd’hui. Si nous avons la même passion pour ce club, nous n’avons pas la même philosophie. Pour éviter de tomber dans les excès, nous avons aussi pris conseil auprès de Maitre Thierry Levesques, spécialisé en droit de sociétés, afin de dépassionner les débats et mettre tout le monde autour de la même table pour discuter. Le seul intérêt qui compte à nos yeux, c’est la pérennité du F.C Rouen, au-delà des égos.

Il y a eu beaucoup de très grands joueurs qui sont passés par Rouen. Sont-ils à vos côtés ? Vous aident-t-ils dans la réalisation de ce projet ?

Notre Association regroupe tous les amoureux du F.C Rouen. Elle possède en son sein des joueurs actuels passés par le club ou d’anciens joueurs ayant été marqués par leur passage au F.C Rouen (Damien Da Silva, Jean-Pierre Orts, Nicolas Rabuel, Fred Dembi, Christophe Cottet, Abdel Bourebbou pour ne citer qu’eux car la liste est longue). Sans oublier, les hommes de média comme Philippe Doucet. Ils ne sont pas actifs en soi, mais nous n’hésitons pas à leur demander des conseils et à les inviter à certains évènements.

Notre Association regroupe tous les amoureux du F.C Rouen, des joueurs ayant été marqués par leur passage au club comme Damien Da Silva, Jean-Pierre Orts, Nicolas Rabuel, Fred Dembi, Christophe Cottet, Abdel Bourebbou pour ne citer qu’eux…sans oublier, les hommes de média comme Philippe Doucet.

Avec tout ce passif, je suppose qu’il existe une rivalité forte avec le club De Quevilly Rouen. Avez-vous quand même des relations avec les dirigeants de Q.R.M ?

Oui, il existe une rivalité avec Q.R.M mais je vais être très clair sur le sujet : Le football à Rouen, c’est le F.C Rouen. La ferveur populaire, c’est le F.C Rouen. Pour le reste, nous devons concevoir une proximité avec un club monté de toutes pièces par les politiques et bénéficiant d’un président très actif au sein du COMEX de la FFF. Le mépris est la règle mais rien n’empêchera le F.C Rouen de retrouver le monde professionnel prochainement.

Il nous appartient de structurer le club et d’asseoir sa gestion. Le temps fera les choses et le F.C Rouen retrouvera la place qui lui revient de droit. Vous savez, notre rival historique est Le Havre. Je pense que la saison prochaine, beaucoup de supporters du F.C Rouen seront pour le H.A.C la saison prochaine… c’est dire.

Quevilly Rouen vient d’accéder au championnat de Ligue 2. Il existe une vraie concurrence économique dans le football. Celle-ci ne sera-t-elle pas trop accrue pour la ville de Rouen qui compte 110 000 habitants ?

Le nouveau Maire de Rouen et Président de la Métropole, Monsieur Nicolas Mayer-Rossignol ne s’y est pas trompé en annonçant lors de notre dernière AG en septembre dernier, un rééquilibrage des subventions entre les deux clubs. Il a bien compris que le F.C Rouen resterait le club de football phare de la ville de Rouen. Et cela même si Q.R.M jouera en ligue 2 la saison prochaine. Pour reprendre ses propres termes, « il faut remettre l’église au milieu du village ». Après, c’est au F.C Rouen de faire les choses aussi dans le bon ordre, de monter les échelons. Le premier objectif est de remonter en National rapidement. C’est l’étape minimale pour une ville de plus de 100 000 habitants avec un tel public qui fait en moyenne 2500 supporters par match en National 2.

Les sponsors vous suivront-ils alors qu’en plus de la concurrence d’un club de football professionnel dans votre ville il existe un club de hockey sur glace professionnel qui performe et fait rayonner la ville ?

Vous savez, les sponsors s’investissent dès lors qu’il y a des projets sérieux et porteurs. Le F.C Rouen est un club mais aussi une marque sur laquelle il est tentant de miser. Il y a de la place pour tout le monde. Faire de Rouen une place forte du sport professionnel doit être perçu comme un sacré atout en termes de visibilité.

Notre projet socios est basé sur du sponsoring/mécénat qui permettra au F.C Rouen d’avoir un beau budget et ce pour les trois prochaines années, durée minimale d’engagement pour les porteurs « publics » et « entreprises ». Et si nos résultats sportifs sont positifs, les sponsors frapperont à la porte. L’après Covid nous permettra de remplir les tribunes de Diochon et d’y mettre une ambiance de feu grâce à nos groupes de supporters. Cela ne laissera pas indifférent les sponsors pour leur visibilité.

Pensez-vous que les Ultras sont les principaux acteurs de l’ambiance dans les tribunes Diochon ?

Oui, l’ambiance est fantastique à Diochon grâce aux Rouen Fans. Ils tirent le stade vers le haut en termes d’ambiance. Ce qu’ils font est fantastique.

Tifo Rouen – Source Actu

Pensez vous que les ultras ont permis à votre club de rester en vie dans un sens ?

Effectivement, ils ont eu un rôle extrêmement important. À l’intérieur de ce groupe cohabitent plusieurs générations, notamment beaucoup de jeunes qui n’ont jamais connu Rouen en L1 ou en L2. Ils ont connu le F.C Rouen uniquement dans les divisions amateures voire en DH. Et malgré cela, ils ont su s’identifier à ce club. Ils savent vraiment mettre une ambiance de feu dans ce stade, et tirer vers le haut les autres supporters. Ce sont vraiment eux qui gèrent le tempo de l’ambiance de Diochon.

Le concurrent principal de Quevilly Rouen cette année dans le championnat de national est le Sporting club de Bastia. Quelles sont les différences entre votre projet et le projet Socios Etoile club de Bastia ?

Je ne connais pas parfaitement la construction de leur projet. Je crois savoir qu’il est quelque peu différent en ce sens qu’il est coopératif et qu’ils possèdent 20% du capital. La feuille de route a été écrite avec eux dès le départ.

Nous, nous sommes déjà actionnaires du club et nous souhaitons être majoritaires via nos soutiens qu’ils soient physiques ou moraux. Le président sera élu par l’ensemble des socios mais en aucun cas, celui-ci sera un membre de la Fédération des Culs Rouges. Il faut des compétences que nous n’avons pas en interne mais nous proposerons un Président via notre partenaire financier majeur.

Mais une chose est sûre, les projets du S.C Bastia et du F.C Rouen répondent à une même logique : Stop aux investisseurs privés et uniques dont les motivations sont parfois éloignées du football et demeurent purement financières. Il suffit de regarder ce qui se passe à Bordeaux, Nantes ou Marseille. Le football de demain se fera avec les supporters.

Quels sont vos rapports avec les élus locaux ?

Ils sont très bons. Notre nouveau maire Nicolas Mayer-Rossignol et son adjointe aux Sports Sarah Vauzelle ont toujours fait preuve d’écoute à notre égard. Ils apprécient notre projet car il est fédérateur et non clivant. Il englobe tous les aspects du football : l’élite, le féminin, la formation des jeunes, le partenariat avec les petits clubs locaux, le volet social. Notre maire est très impliqué et a bien compris les erreurs du maire précèdent qui a voulu imposer la fusion avec Q.R.M et les effets dévastateurs associés. Il a très bien compris que là ferveur populaire était du côté du F.C Rouen et que pour reprendre ses propres mots, « le F.C Rouen a été humilié ».

Cela nous donne une responsabilité supplémentaire pour monter un projet structuré. Il souhaite comme nous, et c’est tout à son honneur, que le club prenne la direction d’un club fédérateur et non clivant. Nous leur avons présenté un projet très collectif, qui intégrera bien évidemment l’équipe première mais aussi la formation, le foot féminin et si possible une section handicapée et bien évidemment la mairie est très à l’écoute de notre projet.

Le F.C Rouen était-il au centre des débats politiques ?

Non, pas à ma connaissance et nous n’avons pas fait de lobbying dans ce sens en tout cas.

En voulez-vous à l’ancienne municipalité d’avoir laissé pourrir la situation ?

Oui, nous leur en voulons dans un sens. L’ancienne municipalité n’a pas du tout défendu l’intérêt du club et la ville de Rouen à l’époque. Elle n’a pas soutenu son club historique sans doute lassé par le nombre record de dépôts de bilan…

Sur votre site internet vous parlez beaucoup des socios espagnols. C’est vraiment une inspiration pour vous ?

Oui, c’est bien sûr une inspiration mais cela fonctionne depuis bien longtemps chez eux. En France, c’est novateur. Nous sommes donc conscients du chemin à parcourir pour faire accepter ce mode de fonctionnement. Mais nous débordons d’énergie. Et puis, il y a aussi une question de culture. Le football en France n’a pas la même portée qu’en Espagne où parfois une carte de socios est offerte dès la naissance d’un enfant…

Rouen Fans – Source Twitter

Pensez- vous possible qu’une forme de Socio à la française puisse voir le jour ?

Selon moi, c’est impératif. Le modèle socios espagnol n’est pas compatible avec notre culture française. Il faudra donc inventer notre propre modèle français adapté à la culture du supporter de football de l’Hexagone.

Entretenez-vous des discussions avec différents organismes de supporters comme l’association nationale des supporter ou fans Europe (FSE) ?

Non du tout. Il faut rappeler que la Fédération des Culs Rouges n’est pas une structure de supporters à proprement parler. Elle rassemble plus largement des personnes ayant un lien affectif avec le club mais ne s’apparente pas à un groupe de supporters. Nos actions se situent plus autour du club et dans sa gouvernance que dans le stade les soirs de matchs.

Regrettez vous de n’avoir aucune relation avec tout organisme qui puisse vous aider ?

Non, nous ne le regrettons pas. Notre objectif est vraiment de restructurer le club à minima en National et nous l’espérons bientôt en Ligue 2. À l’instant T, ce serait mettre un petit peu mettre la charrue avant les bœufs. Quand notre combat initial sera gagné, nous verrons. Cela serait intéressant d’avoir des assemblées avec les projets alternatifs comme Tours F.C et S.C Bastia par exemple.

La place des réseaux sociaux est très importante dans notre société actuelle. Êtes-vous très présents sur les réseaux sociaux ?

Oui, nous disposons d’un site officiel nous permettant de communiquer sur l’ensemble de nos activités : www.federationculsrouges.fr et nous utilisons les réseaux sociaux traditionnels Facebook et Twitter. Par ailleurs, nous avons apporté notre savoir faire au club pour mettre en place la communication digitale et son animation. Un de nos membres gère aussi depuis plusieurs années les « live » des matchs de l’équipe fanion, que ce soit à domicile ou à l’extérieur. C’est quelque chose de rare en N2 et déjà en place lors des années DH. Cela fait partie de nos contributions pour structurer la SAS F.C Rouen et pour le plus grand bonheur de nos nombreux supporters locaux ou expatriés ne pouvant se rendre au stade.

Existe-t-il d’autres groupes de supporters du F.C Rouen ? Font-ils partie intégrante de votre projet ?

Oui, nous avons deux groupes de supporters : les Rouen Fans et dans une moindre mesure le 12 Rouennais. Ces groupes sont totalement indépendants de notre projet. Les Rouen Fans (groupe majoritaire) est un groupe ultra très actif mais leur rôle se concentre sur l’animation des tribunes. Ils ont un fonctionnement et une organisation qui leur sont propres, dont l’activité fait des envieux en ligue 2 et chez nos voisins du Q.R.M. Certains se plaisent à faire l’amalgame entre la Fédération des Culs Rouges et les ultras mais les deux entités sont complètement dissociées.

Rouen fans – Source Twitter

Quels avantages vos socios et les entreprises obtiennent-ils en contrepartie de leurs adhésions ?

Le principe est 1 Homme = 1 Voix. Par conséquent, la principale contrepartie est d’avoir un droit de vote dans les décisions majeures comme l’élection/la réélection du Président par exemple.

Deux entités existeront : l’entité Cul Rouge Entreprise et l’entité Cul Rouge Supporter.

En termes d’avantages, on peut aussi citer le prix sur les abonnements, une priorité sur les matchs de coupe de France, les prix des loges, des réductions sur la boutique du club et chez bon nombre de nos partenaires, etc… Outre bien sur le fait de détenir une petite part du club se son cœur.

Quand allez-vous présenter ce projet au grand public ?

Lors du comité de direction de la SAS la semaine dernière, le président cédant Tardy à confirmé sa volonté de vendre au duo De Wailly/Maarek. Monsieur De Wailly a été nommé Président par anticipation car la date officielle de prise de fonction est le 1er juillet. Nous avons fait une offre de rachat supérieure. Nous avons rendez-vous avec Monsieur De Wailly ce lundi 17 Mai car il semble comprendre l’obligation de composer avec la Fédération des Culs Rouges, qui détient un pouvoir populaire et financier non négligeable

La Super League, comment vous positionnez vous sur ce sujet ?

Je suis fondamentalement contre. J’ai une affection particulière pour le Real Madrid mais je n’ai vraiment pas apprécié ce qu’a fait monsieur Florentino Perez.

Cependant, les socios du Real Madrid ont l’air plutôt favorable à ce format de compétition. Comment l’expliquez-vous ?

Je peux les comprendre mais selon moi, l’intérêt est que le football garde cet aspect populaire, notamment dans le format. Ce modèle de ligue fermée ne laissera pas la place à des équipes surprises comme l’Atalanta Bergame ou l’Ajax Amsterdam. Il y a suffisamment d’intérêts financiers dans le football actuel pour ne pas en rajouter…

Selon vous, faut-il un statut intermédiaire entre une SASP et une association et s’inspirer du modèle Allemand avec leur « 50+1 » ?

Je ne suis pas un spécialiste du modèle allemand mais je pense effectivement qu’un modèle intermédiaire est plus juste. Ce qui me gêne le plus est la prise de possession des clubs de football par des entreprises, des fonds d’investissement vautours ou des états. Mais c’est le revers de la médaille du « tout libéral ». Et souvent, ces gens-là n’y connaissent rien au football.

La réappropriation des clubs de football par les supporters est-il l’avenir ?

C’est effectivement l’avenir. Vous évoquiez tout à l’heure la Super League. Mais, qui s’est opposé justement à ce modèle en dehors des clubs qui n’étaient pas retenus ? Ce sont les supporters, majoritairement contre cette réforme, accompagnés des joueurs et entraineurs qui ont fait pression. Le football business a ses limites. Et la base du foot, ce sont les acteurs : les supporters, les joueurs et les entraîneurs, qui font que le cœur du football bat. Et si vous vous coupez trop de votre base, tôt ou tard… vous tuez ce sport.

Après, vient la question du rôle du supporter de football…

On doit être capable de construire ensemble et d’intégrer les supporters dans un projet constructif, en n’étant pas dans une opposition systématique. Le supporter doit être force de proposition et être un soutien des dirigeants.

On touche un sujet de société, où celle-ci se rend compte de toutes ses dérives à l’heure actuelle ?

L’argent dans le football a eu une expansion incroyable, violente pour certains. Les montants des droits télé en Angleterre atteignent des chiffres astronomiques, qui expliquent que des joueurs de division 3 gagnent des fortunes et que le prix des places ont augmenté…Mais les problématiques du supporter n’ont pas changé : Il doit aller travailler, garder son boulot, élever ses gosses, payer sa maison et si possible avoir des prix de places pas trop chers. Le supporter est le grand perdant de cette expansion de l’argent dans le foot. Beaucoup de supporters se sacrifient financièrement (mais pas que) pour le football. Pour beaucoup, se rendre au stade tous les week-ends est devenu un luxe qu’ils ne peuvent plus s’offrir. Un club de football n’est pas la propriété d’une seule personne. C’est un bien commun, une marque, une histoire, une ville, des couleurs et un fanion. Nous le voyons également dans le monde économique où des S.C.C.O.P se forment un petit peu partout. On se dirige de plus en plus vers un monde participatif.

Florentino Perez évoquait dans un de ses arguments, la longueur des matchs. Pour la jeunesse d’aujourd’hui, les matchs seraient trop longs. Que pensez-vous de cela ? Est-ce une affaire d’éducation ?

Non pas foncièrement. Cette génération consomme le foot comme elle consomme d’autres produits. C’est la société actuelle qui veut ça : un maximum de choses, tout de suite, en un minimum d’attente (culture, musique, sport, nourriture). A l’époque, nous avions un match par semaine. C’était déjà très bien et on le regardait en famille. Aujourd’hui, les jeunes regardent un match de football comme une série Netflix. La surabondance de matchs est un facteur important et pour capter leur attention, il faut créer un évènement.

Êtes-vous pour ou contre la Ligue un à 18 clubs ?

Je m’attendais à cette question. Je suis contre la ligue un à 18 ou 16 clubs. C’est paradoxal (rires)

Pensez-vous que ce genre de projets socios est réalisable dans des clubs de L1 ?

Oui, ces projets sont totalement réalisables dans des clubs où là ferveur populaire existe. Je pense notamment à Saint-Étienne ou Lens, où malgré les difficultés rencontrées, l’engouement est là.

Que pensez-vous apporter de plus à votre club ?

Nous n’avons pas de leçons à donner à qui que ce soit et nous n’avons pas l’intention de tout révolutionner. Cependant, nous voulons apporter une vision complémentaire du football, celle qui fait preuve de raison, qui tient compte de la voix du supporter et qui permet de rebattre les cartes de la gouvernance du club si celle-ci s’éloigne des engagements budgétaires et sportifs. Avant tout, nous voulons apporter de la stabilité car le club en a fortement besoin.

Nous voulons apporter une vision complémentaire du football, celle qui fait preuve de raison, qui tient compte de la voix du supporter et qui permet de rebattre les cartes de la gouvernance du club si celle-ci s’éloigne des engagements budgétaires et sportifs.

Si vous aviez à refaire l’histoire des culs rouges, quel est le piège que vous voudriez éviter ?

Le piège à éviter serait de croire dans des discours euphorisants de dirigeants et de laisser les pleins pouvoirs à un seul homme. Nous avons donné. Il faut désormais raisonner collectif et inclure les supporters.

Dernière question : Auriez-vous un conseil si jamais un de nos lecteurs voulait mettre en place des socios dans son club ?

Soyez patients et persévérants. N’ayez pas peur des coups. Faites preuve de bon sens et entourez-vous de partenaires sérieux.

Nous tenons à remercier chaleureusement Christophe pour sa grande disponibilité et souhaitons bonne continuation avec la Fédération des Culs Rouges. Vous retrouverez toutes les informations sur Facebook ou sur leur site internet.

JM & Jerem