Suite et fin de l’entretien avec notre invité du jour Tripy Makonda. Après avoir retracé son parcours de formation et ses débuts professionnels au Paris-Saint-Germain, Tripy revient sur son expérience Brestoise, ses années au Portugal, ses périodes de galère de footballeur au chômage, son rebond au Luxembourg avant de conclure sur ses différentes pistes de reconversion professionnelle.
DEPART A BREST
Pouvez-vous revenir sur ce transfert et les circonstances de votre arrivée à Brest ?
J’ai vécu une deuxième saison assez délicate sous l’ère Kombouare d’un point de vue relationnel. Je savais qu’avec le coach en place, j’aurais des difficultés à avoir du temps de jeu. Par ailleurs, j’étais sélectionné en équipe de France espoirs, j’avais l’euro était dans le viseur, et l’idée de changer d’air est née. Lorsque le club a été acheté par les Qataris, j’ai eu une discussion avec Leonardo qui m’a dit « écoute, on vient d’arriver, on va faire une revue d’effectif, et tout le monde aura la possibilité de montrer son niveau ». Mais ma décision était prise, et je ne l’ai pas changée.
Brest s’est manifesté rapidement, Corentin Martins aimait mon profil. Péguy Luyindula m’a donné quelques conseils aussi car il connaissait très bien Corentins Martins. Il a dû évoluer avec lui à Auxerre si je ne dis pas de bêtise.
Après des débuts comme titulaire en 2011/2012, vous allez perdre votre place. Pouvez-vous revenir sur vos débuts brestois ? Comment l’expliquez-vous ?
Il faut revenir sur le contexte de mon arrivée à Brest. Je suis transféré la dernière semaine de Juillet avant le début du championnat. L’équipe en place se connaissait très bien, avait fait un super début de championnat l’année précédente en étant Leader pendant quelques journées. Ainsi, je débarque dans une équipe rodée dans cette période de fin de préparation et il est difficile pour le coach de sortir le joueur titulaire pour me laisser la place. Je n’étais pas un joueur confirmé, mais toujours un joueur de 20 ans en post-formation. Le latéral gauche titulaire se blesse au genou, et je joue le premier match titulaire. Ma performance a été « moyenne plus » ce jour-là..
J’enchaîne avec quelques matchs, dont mon retour au Parc des Princes, où j’ai été correct. Puis, vient le match important contre Ajaccio à domicile, où il faut enfin lancer notre saison. On mène 1-0, il reste 25 minutes et je fais une erreur, avec une passe en retrait pas assez appuyée pour Steeve Elana. Richard Socrier, l’attaquant ajaccien, anticipe ma passe, devance Steeve et marque. On fait match nul à domicile. Après ce match, c’était très dur psychologiquement. Personne ne s’attend à ce que je fasse cette erreur, encore moins quand tu viens du PSG… je n’ai pas été aidé par le coach non plus.
Après une première saison à la 15ème place, Brest va descendre en ligue 2. Comment vit-on une descente quand en plus on vit cette saison sur le banc ? N’y-a-t-il pas un sentiment d’impuissance ?
Je le vis très mal, entre le banc et les non-convocation. Mais honnêtement qu’est-ce que j’aurais pu faire de plus que mes coéquipiers qui se donnaient à fond sur le terrain tous les Weekends ?
C’est également de ma faute. Quand j’étais sur le terrain, j’étais moyen. Et les entraîneurs n’attendent pas que tu sois moyen ou bon, mais que tu sois très bon. Je n’ai pas répondu aux attentes de l’entraineur et sa frustration était légitime.
Personnellement, j’étais dans une position délicate, en recherche permanente de certitudes, de performances. La relation avec Landry Chauvin était délicate dans les rapports humains, avec des choses que je n’ai pas appréciées de sa part. Mais c’est comme ça, cela fait partie de la vie. C’est également de ma faute. Quand j’étais sur le terrain, j’étais moyen. Et les entraîneurs n’attendent pas que tu sois moyen ou bon, mais que tu sois très bon. Je n’ai pas répondu aux attentes de l’entraineur et sa frustration était légitime.
DEPART AU PORTUGAL
La relégation, c’est un aveu d’impuissance individuelle et collective, d’une saison qui se termine au plus mal
Après une saison en ligue 2 et 21 matchs joués, vous quittez Brest pour partir le Portugal à l’Academia de Coimbra en Janvier 2015. Qu’est-ce qui a motivé votre choix de partir en milieu de saison ?
J’étais depuis trois ans et demi à Brest, il me restait 6 mois de contrat, et je ne voulais pas me retrouver sans club à la fin de l’année. Je ne voulais pas connaitre ce sentiment et surtout je n’y étais pas préparé. J’avais envie de connaitre autre chose, une autre dynamique dans laquelle m’engouffrer et le choix de partir au Portugal s’est fait vite. L’Academia de Coimbra s’est montrée intéressée, était en délicatesse dans son championnat (premier club non relégable).
Vous quittez votre la France pour débuter une aventure à l’étranger, avec beaucoup de choses à appréhender : ville, langue, équipe etc. Comment s’est faite cette période de transition ?
Quand on est sportif de haut niveau, il faut être prêt à faire ce genre de transition et s’adapter très rapidement. Gérer la langue, le nouvel appartement, l’arrivée de la famille, l’apprentissage du football et des schémas tactiques locaux…Le football est une adaptation permanente.
Mais ce qui fait toujours office de référence, c’est la performance sur le terrain. Le foot est universel : Si tes nouveaux partenaires s’aperçoivent que tu as du ballon, que tu es un bon coéquipier, que t’es une plus-value pour l’effectif, l’intégration sera facilitée.
Le foot est universel : Si tes nouveaux partenaires s’aperçoivent que tu as du ballon, que tu es un bon coéquipier, que t’es une plus-value pour l’effectif, l’intégration sera facilitée.
Comment est vécu le football au Portugal ?
Le championnat portugais est très technique et cela m’a beaucoup plu. Par ailleurs, c’est aussi un championnat très solide, où les joueurs « se rentrent dedans », avec une forte présence de joueurs sud-américains, de caractère, qui donnent leur vie sur le terrain
Le football au Portugal a une bonne réputation aux yeux de l’Europe. On s’aperçoit que le championnat sort de plus en plus de bon ou très bons joueurs qui s’envolent pour des gros championnats comme David luis, Di Mari ou James Rodriguez. Mais c’est un championnat aussi très attractif, très rapide en termes de transferts. On peut faire 6 mois dans un club moindre, faire 15 bons matchs et signer à Porto. Après une bonne saison à Grenade, Brahimi signe à Porto. Marega qui vient de Nationale, part au Marítimo et l’année suivante signe à Porto. Les choses peuvent donc aller très vite et c’est aussi ce qui m’a attiré, il faut être honnête.
L’Academia de Coimbra, on est loin du football bling bling. Quelles étaient vos rémunérations ?
C’est sûr qu’on est loin des paillettes, mais il s’agit de l’une des plus vieilles institutions sportives du Portugal, très respectée au Portugal par rapport à son histoire. La ville est très étudiantes, et l’Academia a été été créée par des étudiants de l’Université de Coimbra.
Au Portugal, il n’y a pas énormément d’argent, les salaires ne sont pas très élevés à moins de jouer au Sporting, Benfica ou Porto, et dans Braga dans une moindre mesure. Mon salaire était autour de 6000 et 8000/10 000€. Attention tout de même, je ne néglige pas ces montants, qui sont très importants par rapport à la moyenne des gens au Portugal ou en France. Mais dans le milieu du football, on est loin de ce qui se pratique en France et très loin des salaires de Premier League.
Tripy Makonda – Source Culture-PSG
Votre parcours portugais est marqué par cette blessure au genou gauche, rupture des ligaments croisés antérieurs. Avez-vous les images en tête de votre blessure ?
J’avais déjà un peu mal en partant de Brest mais je n’y prêtais pas d’importance. En arrivant au Portugal, je fais des examens qui ont décelé une rupture partielle du ligament. J’ai suivi un protocole de renforcement musculaire et de réathlétisation et tout allait mieux.
Deux mois après mon transfert, j’enchaîne mon deuxième match titulaire, et je me blesse. Les blessures aux genoux sont celles qu’on redoute beaucoup. Mais je suis quelqu’un qui croit beaucoup au destin et quand la blessure arrive, c’est qu’elle doit arriver. Au départ, on est sonné mais j’ai eu une super équipe de médecin et un physiothérapeute autour de moi qui m’a permis de revenir dans les meilleurs délais, et surtout dans de super conditions. Après cette blessure, je suis revenu beaucoup plus fort physiquement mais surtout très fort dans la tête.
Avez-vous immédiatement compris la gravité de la blessure ?
Oui, tout de suite. Peu avant la fin de la première mi-temps, sur une remise en jeu anodine, je me retourne vers mon latéral gauche. Mon genou se bloque et je sens un point au niveau de mon ménisque interne. Immédiatement, je me dis « Voilà c’est fini ! ». Je sais tout de suite que je ne vais pas reprendre le jeu. Je pensais que seul le ménisque était touché mais les examens plus poussés ont révélé une rupture du ligament antérieur gauche, avec le ménisque interne d’abimé.
Sur une remise en jeu anodine, je me retourne vers mon latéral gauche. Mon genou se bloque et je sens un point au niveau de mon ménisque interne. Immédiatement, je me dis « Voilà c’est fini ! ». Je sais tout de suite que je ne vais pas reprendre le jeu.
S’en suit une longue rééducation. Comment gère-t-on cette période de convalescence dans un sport collectif ? Raphaël Poulain, ancien rugbyman professionnel, expliquait dans son livre la solitude de la rééducation où personne ne s’intéresse à ses états d’âmes, ses envies de revenir et de se sentir étranger à son équipe : « Je rejoins les gars dans le vestiaire. Ils sont encore dans leur match. J’en suis étranger ». Qu’est-ce que ces propos vous inspirent ? Comment vivez-vous personnellement votre blessure ?
Je rejoins les propos de Raphaël, surtout dans mon cas où on se blesse seul, sans contact ou duel avec un adversaire. Au niveau du groupe, on se sent un peu mis de côté car nous ne sommes pas dans la même dynamique collective, loin des entraînements, on ne ressent pas la pression ou le stress des matchs.
Mais mon capitaine Nuno Piloto s’était fait également une rupture des croisés une semaine avant moi et nous avons vécu cette période de rééducation ensemble. J’ai eu quelques complications avec mon genou, il a eu un temps d’avance sur moi dans sa rééducation… Mais cette blessure nous a rapproché, nous avons noué des liens malgré la barrière de la langue, nous participions tous les deux aux exercices de réathlétisation. Ce soutien moral mutuel nous a permis de vivre cette période de la meilleure des manières
On sous-estime l’entourage dans le sport de haut niveau, dans les moments où la réussite est moins au rendez-vous. C’est capital d’avoir un entourage sain pour gérer ces épreuves ?
Oui, l’apport des proches est primordial pour faire aux baisses de moral inévitables dans cette période. En effet, on passe par des phases de moins bien pendant la rééducation, où on est au plus bas mentalement. Passer du temps en famille vous fait relativiser la situation, permet de faire la part des choses, distrait votre quotidien et vous fait oublier la blessure et la longue période d’indisponibilité. Quelque part, la famille vous extrait du monde du foot pro qui vous rappelle perpétuellement votre blessure pour vous placer comme un individu normal de la famille. L’entourage est partie intégrante de la thérapie.
Comment revenir sur les terrains, sans avoir peur ? Comment s’affranchir de la blessure ou du contact ? Avez-vous bénéficié de l’aide d’un psychologue du sport, ou d’un préparateur mental ?
C’est une période délicate. En sortant du bloc, j’avais des doutes, je ne savais pas si j’allais pouvoir remarcher un jour, et quelles séquelles j’allais garder. Le chirurgien m’a rassuré en me disant que mon genou était tout neuf et que je n’avais aucune inquiétude à avoir. Ce fut un déclic et je n’ai pas eu d’appréhension, j’étais impatient de reprendre et allais devoir gérer cette frustration de rester loin des terrains. J’ai fait beaucoup d’imageries mentales, d’exercices avec le physiothérapeute. Ça m’a facilité la tâche pour revenir patiemment, avec le groupe pro.
PERIODE DE CHÔMAGE ET RETOUR A POISSY
Collectivement le club va descendre en Ligue 2, la saison suivante vous êtes titulaire et jouez 32 matchs. Comment vous retrouvez-vous alors à rejoindre l’AS Poissy, club de N2 d’Île de France ?
Effectivement, le club descend en ligue 2 et l’année suivante je fais la meilleure saison de ma carrière. Je réalise près de quarante matchs, ce qui ne m’étais jamais arrivé. Le processus que j’avais entamé à Brest a porté ses fruits, certes beaucoup plus tard, mais chacun son chemin.
Après deux années et demi de contrat pro au Portugal, on entre dans la période du mercato. Sportivement, j’avais été performant et je pensais honnêtement rebondir dans un club de première division portugaise. Des équipes s’étaient renseignés sur ma situation et avaient montré un intérêt. Mais le mercato est fait de choses qu’on ne contrôle pas. On vous appelle, on vous promet monts et merveilles, on doit en tant que joueur se projeter quelque part… et puis le deal ne se fait pas. Mentalement, c’est une période très difficile et j’ai été un peu dégouté de ce système.
J’ai failli signer à KAS Eupen, où Claude Makélélé était coach. Je devais signer le mardi après-midi, et le matin je me blesse. Ce sont des détails qui font l’histoire. Les mauvaises nouvelles se sont enchainées. Je me retrouve donc sans club, et je suis accueilli par Poissy en île de France à Poissy en Nationale 2. J’avais besoin de me ressourcer, relancer la machine, surtout mentalement. A Poissy, j’ai enchaîné les pépins physiques, qui m’ont empêché d’enchaîner les performances.
Comment vit-on ces périodes de chômage, d’années sans contrat quand on est issu du monde professionnel qui brasse énormément d’argent ?
Du jour au lendemain, on perd notre quotidien et notre travail. On est coupé de l’entrainement collectif, des matchs le week6end. Ça fait partie du foot, c’est au joueur de la vivre de la meilleure des manières, il est important de s’ouvrir à d’autres univers et intérêts, et ne pas être centré que sur le football pour appréhender au mieux la situation
Avez-vous été soutenu par le milieu du foot ?
Ah c’est une très bonne question que tu me poses. Oui le milieu du foot est solidaire mais c’est un comité très restreint, une infime partie du milieu. C’est comme ça que je l’ai ressenti. Le téléphone sonne beaucoup moins, parce qu’on disparait des radars. Quand on passe de clubs en clubs, c’est plus des coéquipiers que l’on fréquente. Les amis, on peut les compter sur les doigts d’une main.
Le milieu du foot est solidaire mais c’est un comité très restreint, une infime partie du milieu. C’est comme ça que je l’ai ressenti. Le téléphone sonne beaucoup moins, parce qu’on disparait des radars
Vous rebondissez au Luxembourg. Comment se fait le transfert et combien êtes-vous payé aujourd’hui au Luxembourg ?
A la sortie de Poissy, je n’avais plus rien. Il faut savoir que je ne travaille avec aucune société d’agents, je travaille seul, la tâche est un peu plus compliquée mais ça ne me dérange pas et c’est un choix de ma part. En 2019, je rejoins le club de Muhlenbach (Luxembourg) après un essai concluant. Aujourd’hui, je joue au Hamm Benfica, fruit de la fusion avec mon ancien club. Actuellement, je suis au smic luxembourgeois (1999 euros par mois en 2019)
Vous imaginez continuer le football encore combien de temps ?
Tant que je prends du plaisir à jouer, à me rassembler avec les coéquipiers, à sentir le stress avant la rencontre, je continuerai à jouer au foot. Ceci ne m’empêche pas pour autant de réfléchir à l’après carrière.
LA RECONVERSION : UNE PHASE A ANTICIPER
Certains jeunes retraités parlent souvent d’un manque. Pourquoi prendre la décision de continuer à un niveau moindre ?
Je continue le foot pour le plaisir de jouer, le plaisir du jeu et de la compétition, le plaisir de m’entrainer avec mes coéquipiers pour progresser. Même aujourd’hui à 30 ans, je continue d’apprendre. Je reviens vraiment au foot de mon enfance, au plaisir quand nous étions jeunes avec les copains. C’est ça qui m’anime aujourd’hui.
En regardant dans le rétroviseur, comment jugez-vous votre carrière ?
Je n’ai pas eu une carrière facile, elle ne l’est pas non plus aujourd’hui par rapport au système footballistique. Quand on est joueur de football, la seule chose qu’on maitrise vraiment est la gestion de son corps. Autour de nous, beaucoup de choses se passent mais pour la plupart, nous ne les maitrisons pas et certaines choses nous dépassent complètement.
Je dirais que ma carrière est ascendante, non pas en termes de nombre de matchs disputés ou de clubs que j’ai pu faire. Mais je vois une progression humaine, dans le comportement, la méthodologie de travail, l’exigence que j’ai eu de vouloir progresser humainement et footballistiquement. J’en suis très content.
Mamadou Sakho – Source RMCsport Yacine Brahimi – Source culturepsg
Avez-vous gardé des personnes proches dans le milieu du football, des relations avec anciens joueurs, coachs ?
Oui j’ai gardé des contacts avec certains joueurs et coachs. Je pense à Mamadou Sakho que j’ai de temps en temps par messages, Yacine Brahimi, des joueurs avec qui j’ai été formé au PSG et qui n’ont pas joué pro avec le PSG et que je revois très régulièrement dès que je reviens sur Paris.
Non, je ne changerai rien car ça signifierait que je dévalorise tout le chemin que j’ai parcouru pour être l’homme que je suis aujourd’hui.
En coach, je suis en contact avec Omar Daf, Péguy Luyindula que j’ai félicité pour sa nomination au poste de Directeur Sportif à Dijon.
Le football se joue à des détails. Est-ce qu’il y a des choses que vous changeriez, des erreurs que vous avez faites et qui ont peut-être nui à votre carrière ?
Durant ma carrière professionnelle, je n’ai pas fait d’erreur professionnelle, je n’ai manqué ouvertement de respect à personne, ni coach ou joueur.
Vous n’avez aucun reproche ou regrets ?
Pour les reproches que je peux me faire, j’en vois deux : – J’ai parfois joué certains matchs avec une forme de frein à main, sans être totalement libéré. Mais peut-être n’étais-je pas assez prêt mentalement. Et Je n’ai pas su dire ce que je pensais quand j’avais quelque chose sur le cœur qui me rongeait… Mais est-ce que ce sont des erreurs ? Pour moi, ce ne sont pas des erreurs, mais des phases d’apprentissage importantes qui construisent le joueur professionnel et plus encore, l’homme sous le maillot de foot. Et j’en suis fier.
Pour moi, ce ne sont pas des erreurs, mais des phases d’apprentissage importantes qui construisent le joueur professionnel et plus encore, l’homme sous le maillot de foot. Et j’en suis fier.
La carrière professionnelle est un cheminement, chacun fait sa route et trace sa destinée. Dans ma vie privée et professionnelle, je ne suis plus le même qu’à mes débuts. Aujourd’hui, je suis un autre homme, je le sens, je le vois et je l’entends. Je vais prendre un exemple : Si j’avais été très bon à 22 ans par exemple, quelle aurait été ma carrière par la suite ? Comment aurais-je géré le succès ? N’aurais-je pas explosé en plein vol ? Peut-être qu’à 26/27 ans, je serais tombé dans l’oubli ou peut-être que j’aurais arrêté le foot, parce qu’on peut vite passer de la lumière à l’ombre dans ce milieu.
Aujourd’hui, ma carrière personnelle m’a fait prendre conscience que j’aime vraiment le foot, le jeu et sa pratique et je n’ai aucun regret.
L’après-carrière est-elle une appréhension pour un footballeur de haut niveau ?
Oui, je l’imagine être une appréhension pour tous les joueurs de haut niveau. On vit de notre passion depuis 20 ans, sous le feu des projecteurs. Mais quand la lumière s’éteint, on doit l’accepter et le digérer. Le deuil prend du temps. Beaucoup de joueurs tombent en dépression, en burn-out, perdent la sensation de vivre en même temps que la médiatisation et peu de joueurs professionnels en parlent. C’est dommage.
Mais l’après-carrière doit être imaginée et préparée psychologiquement, pas uniquement lors des dernières années de sa carrière. Il faut y réfléchir dès le début. Les anciens joueurs disent souvent aux plus jeunes « attention, une carrière ça passe très vite ». Ils ont raison.
Mais quand la lumière s’éteint, on doit l’accepter et le digérer. Le deuil prend du temps. Beaucoup de joueurs tombent en dépression, en burn-out, perdent la sensation de vivre en même temps que la médiatisation et peu de joueurs professionnels en parlent. C’est dommage.
Votre parcours est aussi un exemple que le parcours d’un joueur de football n’est pas linéaire. Vous êtes un exemple pour beaucoup de jeunes. En avez-vous conscience ?
Je ne sais pas si je suis un exemple. Mais il est important de dire aux jeunes qu’une carrière se construit, qu’on n’apprend pas forcément que dans la pente ascendante. Il existe de multiples carrières. Mais quand on est jeune pro, on a tous le même réflexe de regarder toujours plus haut, de vouloir vivre les grands rendez-vous. Quand j’étais au PSG, je rêvais d’une carrière à la Totti, je regardais également beaucoup Manchester United à cause de Patrice Evra. Je jouais le même poste et je m’imaginais dans un futur en disant « punaise si un jour t’es le successeur de Patrice Evra, ça peut être génial ». Mais on ne pense pas à ce qui peut arriver dans une carrière, qui comme tu dis, est rarement linéaire en termes de performances.
On aspire tous à jouer le plus haut niveau et tutoyer les sommets. C’est très bien, mais il faut aussi réfléchir aux aléas d’une carrière, à ce qui peut ne pas marcher, être mentalement structuré pour ne pas vivre de désillusions en désillusions si les objectifs qu’on s’est fixés ne sont jamais atteints.
C’est bien de viser, mais pour viser haut, il faut construire pierres par pierres. C’est ce que les jeunes doivent avoir dans la tête.
Avez-vous anticipé votre après carrière ? Quelles sont les pistes possibles ?
Très tôt, j’ai pensé à mes idées de carrière après le foot. J’étais à Brest lorsque j’ai débuté mes réflexions et mes idées de reconversion. Pendant ma carrière, je me suis documenté, j’ai passé quelques formations, notamment sur la préparation physique, la nutrition et la récupération. Ça m’a permis de connaitre mon corps, comprendre les axes d’améliorations sur lesquels travailler. En ce moment, je suis une formation sur l’optimisation de la performance, dispensée par Laurent Edriat qui a la gentillesse de me former et que je remercie beaucoup.
J’ai également rejoint la Team de Bruno Salomon sur France Bleu Paris. Je participe à des podcasts hebdomadaires sur l’actualité et les matchs du PSG. C’est vraiment très agréable de découvrir la radio et le domaine du journalisme et d’échanger des avis dans la bienveillance.
Je pense également retourner à l’école pour passer un diplôme afin d’acquérir la compétence, qui viendra compléter ma carrière professionnelle dans le football et mes expériences diverses à l’étranger.
Rester dans le football est une possibilité ? Sur le terrain, ou dans les coulisses ça pourrait vous intéresser ?
C’est difficile d’envisager autres choses quand on n’a connu que le foot dans sa vie et qu’il a occupé notre quotidien pendant 20 ans. Le football touche un panel de métiers très divers : directeur sportif, manager général, directeur technique, entraineur, formateur, travailler dans la communication dans un club… Mais pour en arriver là, il faut avoir les connaissances, suivre les formations, ne pas avoir peur, et saisir les opportunités.
Nous remercions chaleureusement Tripy Makonda pour s’être prêté à l’exercice et lui souhaitons bonne chance dans la suite de ses projets. Vous pouvez suivre son actualité sur les réseaux sociaux notamment sur twitter (@https://twitter.com/MakondaTripy)
JM