Bruno Prost occupe le poste de référent départemental de la Division de Lutte contre le Hooliganisme et les violences sportives. C’est avec plaisir que nous avons retracé son parcours et ses missions dans le cadre du football amateur et professionnel.
Avant de revenir sur votre rôle, pouvez-vous nous définir la notion de hooliganisme et l’origine de ce mouvement ?
Le hooliganisme est le comportement d’un individu qui se livre à des actions violentes lors de compétitions sportives, ces actions pouvant être physiques ou verbales. Il touche plus particulièrement le monde du football. L’origine de ce phénomène est anglo-saxonne et remonte au début du siècle dernier. Il est réapparu dans le football dans les années 60 pour faire partie intégrante du paysage footballistique anglais à partir des années 1970.
Depuis quand ce phénomène est apparu en France ?
Les violences dans les stades existent depuis fort longtemps, depuis la création du football. Seulement, le terme même de hooliganisme n’est évoqué en France que dans les années 70-80. A l’origine, ce sont les médias qui ont qualifié les premiers les actes de violences dans les stades de hooliganisme, prenant partie pour ces groupes de supporters violents, qui légitimaient leurs exactions à cause d’une erreur d’arbitrage.
A l’origine, ce sont les médias qui ont qualifié les premiers les actes de violences dans les stades de hooliganisme, prenant partie pour ces groupes de supporters violents, qui légitimaient leurs exactions à cause d’une erreur d’arbitrage.
Quand on évoque l’hooliganisme, on pense souvent au football. Est-ce le sport le plus touché ? D’autres sports sont-ils impactés ?
Le terme de hooliganisme reste propre au football, et en dehors de cette discipline, les violences dans les stades touchent peu de sports. Quelques phénomènes isolés peuvent se voir attribué au rugby mais sans aucune comparaison avec le football.
Vous occupez un rôle de référent départemental de la division de Lutte contre l’Hooliganisme et les violences sportives. Qu’entendez-vous par violences sportives ? Violences physiques, violences verbales ?
On entend violences sportives tous ce qui est réprimé par le code pénal et repris par le code du sport. (Violences physiques, dégradations, insultes…)
Nicolas Hourcade, sociologue spécialiste des supporters, distingue deux types de supporters : Ceux qui viennent autour du match dans l’intention de se battre, d’autres qui peuvent parfois déraper mais sans préméditer leur passage à l’acte. Faites-vous cette distinction dans le cadre de vos activités ?
En effet ces deux phénomènes existent, et l’échelle de répression s’adapte à la personnalité mise en cause et des circonstances de l’infraction, comme la justice dans son ensemble d’ailleurs. Si l’infraction a été commise dans ou à l’extérieur de l’enceinte, si elle a été commise en réunion, en listant les cas d’aggravation.
Hooliganisme, supporter Ultras, faites-vous la différence ?
Bien sûr, on peut faire partie d’un groupe Ultra et pousser bruyamment et avec vigueur son équipe sans pour autant sortir du cadre législatif.
Quel lien entretenez-vous avez Antoine Mordacq, chef de la division nationale de lutte contre l’hooliganisme ?
Il est le patron de la DNLH, à ce titre il nous donne des consignes, des règlements à mettre en œuvre et de notre côté on lui rend compte des problèmes rencontrés ou pas après chaque match. La communication avec la DNLH se fait sans filtre et en toute transparence.
Comment est organisée cette division ? Quelles sont les missions de la DNLH ?
Il y a un état-major, basé sur Paris et des référents et leur adjoint auprès de chaque équipe professionnelle de football L1 et L2. Les missions de cette division sont essentiellement d’avoir un regard sur l’évolution du hooliganisme en France. A ce titre, il collationne l’ensemble des infractions commises dans les stades, informations remontées par les différents référents et font évoluer la doctrine de la sécurité publique en matière de maintien de l’ordre à l’intérieur des stades. D’autre part ils évaluent et ils déterminent les rencontres dites « à risques »
Quelle est la définition d’un individu à risque ou un match à risque ?
Il n’y a pas de définition propre, un individu seul, même turbulent, n’est pas proprement dit à risque. Il peut le devenir s’il se trouve au milieu d’un groupe qu’il harangue afin de commettre des violences. Un match à risque est classé comme tel quand il y a un passif entre groupe de supporters officiels.
Quelles sont vos fonctions au sein du département ?
A mon niveau, je dois évaluer les risques d’une rencontre en partenariat avec la DNLH (Direction Nationale de Lutte contre le Hooliganisme) et le DSS (Directeur Sûreté & Sécurité) de mon club. Je dois connaître mon public et les groupes officiels de supporters. Je dois être présent sur chaque rencontre afin de déceler et d’identifier les fauteurs de troubles, et bien sûr rendre compte de mes actions aussi bien à ma hiérarchie qu’à la DNLH. Mais mon domaine de compétences peut se trouver élargie au football amateur, car il peut aussi y avoir des rencontres à risques entre quartiers par exemple. D’autre part certaines rencontres dans d’autres sports peuvent se voir impacter par des violences entre supporters. Je suis là pour faire remonter ses informations.
Le premier responsable est l’organisateur, comme décrit dans la loi Pasqua du 21 janvier 1995 et confirmé par un avis du conseil d’état d’octobre 2007. Il est aidé dans son rôle par un directeur sûreté et sécurité, épaulé par des agents de sécurité privés.
Qui est responsable de la sécurité des stades à l’intérieur de l’enceinte ? Autour des stades ?
Le premier responsable est l’organisateur, comme décrit dans la loi Pasqua du 21 janvier 1995 et confirmé par un avis du conseil d’état d’octobre 2007, il est aidé dans son rôle par un DSS (directeur sûreté et sécurité) épaulé par des agents de sécurité privés. Les forces de l’ordre n’interviennent quant à eux qu’en dernier recours pour rétablir l’ordre dans le stade si l’organisateur le demande ou en cas de nécessité absolue.
Cependant, l’état est toutefois responsable de la sécurité aux abords des stades. Des forces de l’ordre sont alors systématiquement déployés lors des matchs de ligue 1 et quelque fois de ligue 2.
Lors d’une rencontre, vous participez à l’organisation des dispositifs de sécurités. Comment se prépare un match Saint-Etienne / Lyon concrètement ? Quelles sont les étapes préparatoires d’un match à risques ?
Bien avant la rencontre, le référent hooliganisme s’entretient avec ses groupes de supporters pour connaître leurs états d’esprits, leurs intentions. Puis, de nombreuses concertations et de nombreux échanges ont lieu entre les deux référents des équipes et les acteurs de la sécurité. Les informations relevées sont envoyées à la DNLH, pour analyse et décision.
Quels sont les outils à votre disposition ?
Tous les fichiers de Police et en particulier le « fichier national des interdits de stade ». Le relationnel et la confiance entre le référent hooliganisme, les acteurs de la sécurité et les groupes de supporters sont primordiaux.
Dans votre activité, la prévention est aussi une activité importante. Quelles relations entretenez-vous avez avec le Ministre des Sports et la LFP, les différents groupes de supporters ?
A mon niveau, je n’ai aucune relation avec les instances nationales du football. Seule la DNLH entretient des contacts avec ses instances dirigeantes. En revanche, j’ai des contacts réguliers avec mes groupes de supporters. Des réunions ont déjà été effectuées avec les présidents des associations de supporters, le DSS, le président du club, le référent supporter du club et moi-même.
Avec vous des relations, discussions, colloques avec l’Agence Nationale des Supporters, les groupes de supporters ou des différents référents Supporters des clubs ?
Avec l’agence nationale du supporters, non. Avec les autres acteurs, oui très régulièrement.
Autrefois utilisé pour les matchs à risques (Lyon/Saint-Etienne, Paris/Marseille), la France a recours à l’interdiction des déplacements de supporters adverse de manière plus régulière. A titre d’exemple, 38 arrêtés préfectoraux (1 arrêté toutes les deux journées pour la L1/L2) ont interdit aux fans de football d’assister aux matchs à l’extérieur de leur équipe en 2019. Qu’est-ce qui motive ce genre de décision ?
Ces décisions sont motivées par les antécédents entre groupe de supporters de ces équipes.
Quelles sont les vos relations avec le préfet de département et le directeur de la sécurité publique ?
Des relations hiérarchiques pour l’un et administratives pour l’autre. Ces relations sont d’ordre très factuelles, en fonctions du degré de probabilité de risques d’un match.
Une des motivations peut être financière. Combien coûtent aux contribuables la sécurité pour un match à risques comme Saint-Etienne / Lyon par exemple ?
En fonction du degré de risque du match, il y aura plus ou moins de forces mobiles (CRS et/ou gendarmes mobiles). C’est la convention signée entre le club et les autorités publiques qui règle en partie ces problèmes financiers. Le club recevant est vraiment partie prenante dans le coût de la rencontre.
La banalisation de l’interdiction des déplacements de supporters n’est-elle pas inquiétante ?
Elle n’est pas inquiétante si elle est prise à bon escient. Cette interdiction est prise en concertation entre de nombreux acteurs de la sécurité. Comme certains groupes ne semblent pas revenir à davantage de calme, ces interdictions sont là pour leur rappeler les règles. Tant qu’ils n’auront pas trouvé une voie plus apaisée de leur supporterisme, ils continueront à regarder leur équipe fétiche à la télévision.
Comprenez-vous la frustration des supporters d’être interdits de déplacement quand ceux-ci n’ont aucun passif de violence ? Comprenez-vous que l’amalgame dérange ?
Je n’ai pas d’exemple en tête. Mais il est rare d’interdire un déplacement de supporters sans passif de violence… A part dernièrement pour les raisons sanitaires que l’on connaît.
Dans le cadre de l’Euro 2016, des affrontements ont éclaté entre hooligans Russes et Britanniques. Pourquoi cette mesure d’interdiction de supporters n’a-t-elle pas été adoptée ?
Je ne sais pas, mais l’organisation de l’euro n’est pas chose aisée en termes de sécurité et de prévision de déplacements de supporters. Il faudrait poser la question aux autorités en charge du dossier.
Nous souhaitons remercier chaleureusement Bruno pour sa disponibilité et lui souhaitons bonne continuation dans la suite de ses activités.