PRO – Entretien avec Baptiste HAMID, préparateur physique au SM CAEN

Baptiste HamidSource Linkedin

De ses débuts de kiné à Toulouse, à son poste de préparateur physique au Stade Malherbe de Caen, Baptiste HAMID a accepté de retracer son parcours et aborder sa vision du métier de préparateur physique. C’est également l’occasion pour nous de revenir la gestion du confinement par imposée par l’épidémie mondiale du Covid-19.

LA DÉCOUVERTE DU FOOTBALL

Avant d’aborder avec vous votre parcours de préparateur physique, pouvez-vous revenir sur votre enfance, le contexte dans lequel vous avez grandi ? Quels sont vos premiers souvenirs de football ?

J’ai grandi à Tournefeuille dans l’agglomération Toulousaine avec mes parents et ma sœur. J’ai joué au football jusqu’à l’âge de 15 ans à Tournefeuille avant de m’orienter vers les sports de combats. Mes premiers souvenirs sont les moments passés avec mes amis d’enfance.

Étiez-vous supporter d’un club ?

Non, pas particulièrement.

Jeune, aviez-vous des modèles dans le football ?

Oui, Gabriel Batistuta

L’idée d’une carrière professionnelle a-t-elle été envisagée ?

Non jamais.

Je crois savoir que vous avez un diplôme de kiné à la base. Quel est votre parcours de formation et vos diplômes ?

Après l’obtention du Baccalauréat Scientifique, je me suis orienté en Licence Staps. J’ai obtenu un Diplôme d’Etat de Masseur Kinésithérapeute avec des Certifications diverses et variées en kinésithérapie et en préparation physique

KINÉ / PRÉPARATEUR PHYSIQUE EN CLUBS PROFESSIONNELS

2010 – 2018 au Toulouse Football Club

Vous débutez d’ailleurs votre carrière dans le sport professionnel au TFC en tant que kiné. Dans quelles circonstances rejoignez-vous ce club et quel était votre rôle ?

J’ai intégré le TFC après avoir réalisé mon stage de fin d’études de kinésithérapie dans ce club. J’ai commencé comme kinésithérapeute au centre de formation du TFC, puis je suis monté avec le groupe pro comme kiné dans un premier temps puis préparateur physique adjoint dans un second temps, avant de devenir préparateur physique principal.

Kiné dans le football est-il le même que dans le rugby, sport dans lequel vous avez exercé au niveau Fédéral ? Qu’est-ce qui diffère dans le métier de kiné ?

Ce sont des milieux avec des similitudes et des différences principalement sur les strappings, sur le type de pathologie ainsi que sur le rôle du kiné au bord du terrain.

Après 4 ans en tant que kiné au centre de formation du TFC, vous allez devenir préparateur physique adjoint au TFC. Dans quelle mesure votre diplôme de kinésithérapeute est-il complémentaire de la préparation physique ?

Baptiste Hamid – Source Baptiste Hamid

J’ai fait deux ans en tant que kiné au centre puis je suis monté sur le groupe professionnel. Mon diplôme de kiné est extrêmement complémentaire pour la prise en charge des joueurs blessés. Il permet de mieux comprendre la pathologie et le « return to play » de mon point de vue. Ce double diplôme permet aussi de mieux pouvoir échanger avec le corps médical.

Vous commencez avec les professionnels en 2014, tout d’abord en tant que préparateur physique adjoint puis préparateur physique dès 2015. Quelle est la différence entre le préparateur adjoint et le préparateur physique dans son rôle au quotidien ?

Mon diplôme de kiné est extrêmement complémentaire pour la prise en charge des joueurs blessés. Il permet de mieux comprendre la pathologie et le « return to play » de mon point de vue. Ce double diplôme permet aussi de mieux pouvoir échanger avec le corps médical.

Le rôle est totalement différent car en tant qu’adjoint ma mission était ciblée sur la prise en charge des blessés et le travail prophylaxique des joueurs. En tant que préparateur physique principal, le rôle est tout autre et la mission est d’optimiser la performance de tout un groupe, de répondre à l’exigence de l’entraîneur principal et de gérer un certain nombre de paramètres.

Comment définiriez-vous votre vision du métier de préparateur physique ? Quelles sont les qualités que doit-avoir un préparateur physique ?

C’est un métier en évolution permanente avec une remise en question constante. Pour les qualités, je dirais : l’exigence, l’humilité et savoir travailler en équipe.

En l’absence de coupe d’Europe, quelle est la durée d’une préparation pour un joueur non blessé ? Et quel est le programme classique ?

Généralement, la préparation est six semaines avec une périodisation linéaire pour, pendant la saison, devenir non linéaire.

Baptiste Hamid – Source Baptiste Hamid

A quoi sont consacrés les premiers jours de la reprise ? Quels sont les tests effectués lors d’une préparation physique ?

Les premiers jours sont consacrés aux tests médicaux et athlétiques. Sur le plan athlétique, on va retrouver le profilage moteur et athlétique. Cela consiste à faire une succession de tests : Analyse de la posture statique, dynamique, analyse de l’œil, analyse de la mobilité, test aérobie, profil force-vitesse, test isocinétique entre autres..

Comment jugez-vous l’état de forme d’un joueur ? Sur quelles données physiologiques vous appuyez-vous pour définir l’état de forme d’un joueur ?

On se base sur un ensemble de paramètres avec des croisements de données (charge interne et externe).

La préparation physique dépend-elle du poste ou de l’âge du joueur ? Un gardien bénéficie-t-il d’une préparation particulière ?

Oui, la préparation est différente même si un tronc commun existe. Les gardiens vont, en effet, bénéficier d’une préparation spécifique construite avec l’entraîneur des gardiens.

On parle souvent de la préparation physique d’avant-saison, mais vous intervenez également sur la charge de travail en pleine saison. Au cours de la saison, entre deux matchs le samedi, comment organisez-vous la semaine ?

La semaine est basée sur une reprise de 48h après le match. Ensuite, les jours se composent d’un entrainement quotidien sauf le mardi où on peut doubler les séances pour certains joueurs. Le reste du temps est consacré à un travail individualisé : préparation physique, soins kiné, travail vidéo.

Baptiste Hamid – Source Baptiste Hamid

Quels sont les joueurs qui vous ont marqué durant cette période Toulousaine ?

Deux joueurs m’ont particulièrement marqué : Issa Diop pour son professionnalisme et son exigence ainsi que Moussa Sissoko qui était le plus athlétique.

2019 – Le Stade Malherbe de Caen

Pourquoi avoir choisi de quitter Toulouse en 2018, et rejoindre le Stade Malherbe de Caen ?

J’ai quitté Toulouse pour vivre une aventure humaine avec Pascal Dupraz.

Baptiste Hamid au SM Caen Source OuestFrance

Le métier est-il différent à Caen, en ligue 2 ?

Le métier reste le même en s’adaptant à son nouvel environnement.

De la même manière, quelle est la différence entre un préparateur physique dans un club qui joue le maintien, et celui qui joue l’Europe ?

Entre une équipe qui jouent le maintien et la coupe d’Europe, les objectifs et les joueurs sont différents. Jouer la coupe d’Europe implique un calendrier plus dense, des matchs rapprochés, avec une des joueurs potentiellement internationaux et un budget supérieur pour travailler.

Une préparation physique durant la trêve hivernale est-elle nécessaire pour les équipes qui jouent la coupe d’Europe ?

Je pense que c’est une réponse qui est propre à chaque club.

Baptiste Hamid au SM CaenSource Footnormand

On évoque souvent les grosses préparations en Italie, avec beaucoup de travail foncier, celles qui font apparaitre très vite le ballon comme Bielsa… On a aussi le « profe » Oscar Ortega, homme de base de Simeone. De quelle approche vous sentez-vous le plus proche ?

Je dirais mixte, la préparation athlétique est au cœur du projet mais nous touchons le ballon dès le premier jour.

Vous allez côtoyer différents entraîneurs, notamment Alain Casanova, Pascal Dupraz, Mickaël Debève, Dominique Arribagé. Dans quelle mesure la préparation physique d’avant saison dépend-elle du coach ?

Le préparation physique est fonction de l’importance que va donner le coach à la partie athlétique, de la manière dont il veut faire jouer on équipe et du coup, de l’exigence athlétique que cela implique.

Qui définit la date de la reprise des joueurs ? Sur quels critères est défini le programme des reprises ?

Elle est définie par l’ensemble du staff technique et elle est définie en fonction de la date de fin de championnat et de reprise du championnat suivant.

Dans le football actuel, les matchs amicaux sont télévisés, décortiqués et analysés. Cela-a-t-il du sens selon vous, dans une phase de préparation où le but recherché n’est pas le résultat ?

Cela fait partie de notre profession d’assumer la problématique de la blessure même si en effet, nous ne sommes pas H24 avec les joueurs et nous ne maîtrisons pas si le joueur a une attitude responsable en dehors du club.

Oui cela peut avoir du sens. Nous réalisons de même pour la préparation physique. Nous décortiquons également précisément nos matchs amicaux au niveau des datas pour apprécier l’évolution athlétique de nos joueurs.

Quand les clubs (Monaco, Lyon à une époque, Paris ou encore Saint-Etienne cette saison) accumulent les joueurs blessés, les préparateurs physiques sont souvent pointés du doigt. Est-ce forcément justifié ? Quid de l’approche professionnelle du joueur, qui n’a pas une bonne hygiène de vie ?

Cela fait partie de notre profession d’assumer la problématique de la blessure même si en effet, nous ne sommes pas H24 avec les joueurs et nous ne maîtrisons pas si le joueur a une attitude responsable en dehors du club.

Nous avons eu le plaisir d’échanger avec une nutritionniste du Sport, qui nous expliquait que tous les staffs de clubs pros ne disposaient pas de nutritionnistes. Est-ce que vous confirmez ?

Oui je confirme. Après ici à Caen, nous avons un nutritionniste, en la personne de Michel Martino.

Baptiste Hamid au SM CaenSource Smcaen

Comment est gérée l’alimentation des joueurs dans les clubs professionnels ?

Nous sommes très attentifs à ce paramètre qui est indispensable à la performance. Tout est contrôlé du petit déjeuner, à la collation d’après entrainement etc….Chaque joueur bénéficie d’un suivi et d’un plan personnalisé. La plupart des clubs assurent deux repas à savoir le petit déjeuner et le repas du midi.

Quid de l’approche mentale dans le sport de haut niveau, où l’esprit et le corps sont intimement liés. Le préparateur physique joue-t-il ce rôle de préparateur mental ?

Oui, ils sont intimement liés. Lorsqu’on est prêt sur le plan athlétique, on a davantage de chance d’être prêt mentalement aussi. Après, chacun a son rôle. Le préparateur physique ne réalise pas d’entretien spécifique ou d’évaluation sur le plan mental. La préparation mentale doit être réalisée par un professionnel diplômé en tant que tel tout comme la gestion de l’alimentation.

Le préparateur physique ne réalise pas d’entretien spécifique ou d’évaluation sur le plan mental. La préparation mentale doit être réalisée par un professionnel diplômé en tant que tel tout comme la gestion de l’alimentation.

Très peu de club ont un préparateur mental attitré. Comment l’expliquez-vous ? Est-ce une erreur ?

Je pense que c’est un manque de moyens ou une question de priorité. Beaucoup de grands clubs ont saisi l’importance de bénéficier d’un préparateur mental.

Après plus de 10 ans dans le milieu professionnel, avez-vous aperçu une évolution du métier ?

Oui, le métier a évolué en même temps que le football, avec une évolution des joueurs, du jeu, des moyens, l’arrivée des datas et l’importance de la partie athlétique dans les projets de jeu.

Beaucoup de clubs travaillent avec des GPS et Monitoring. Est-ce que vous utilisez cet outil ? Quelles sont les données pertinentes à récolter ?

Oui, nous utilisons les GPS quotidiennement à l’entraînement et en match. Nous analysons le volume parcouru, le métrage par minute, les différentes distances à haute intensité, le nombre de sprints. Puis nous réalisons des croisements de données sur l’ensemble de nos datas, ce qui nous permet d’anticiper ou prévenir une blessure.

Baptiste Hamid au SM Caen – Source Baptiste Hamid

Certains joueurs professionnels font le choix d’avoir un préparateur physique personnel. Est-ce que ça vous est arrivé ? Comment réagissez-vous face à ce choix ?

Oui, c’est une composante actuelle et nous essayons de la gérer au mieux avec toujours le même but : l’optimisation de la performance du joueur.

CORONAVIRUS ET GESTION DU CONFINEMENT

Difficile de ne pas revenir sur la saison 2019/2020, impactée par l’épidémie de coronavirus. Le championnat est en stand-by depuis la 28ème journée. Comment vivez-vous personnellement cette situation ?

Je le vis bien, je n’ai personne de mon entourage qui est touché en j’en suis reconnaissant. Je profite de ma famille.

Comment vont vos joueurs ? Certains ont-ils été touchés ?

Les joueurs vont bien, ils ont conscience de la situation et aucun d’entre eux n’est pour le moment touché.

Le dernier match de Caen date du 6 Mars. Quel est l’impact physique de cette mise à l’arrêt forcée depuis un mois maintenant ? Quel lien entretenez-vous avec vos joueurs ?

Les joueurs se sont vus proposer un programme athlétique de façon à avoir le minimum de déperdition possible mais rien ne remplace l’intensité des entraînements. Nous gardons le contact. J’ai les joueurs au téléphone ou par SMS très régulièrement.

Désormais, au moins quatre semaines de préparation devront être respectées avant de reprendre le championnat.

Plusieurs scenarii sont envisagés pour la suite notamment celui de finir le championnat en Juillet ou Août. On n’imagine mal que les joueurs puissent reprendre sans une phase de préparation physique. Combien de temps est selon vous nécessaire pour pouvoir reprendre le championnat ?

Désormais au moins quatre semaines de préparation devront être respectées avant de reprendre le championnat.

Enfin, un mot pour conclure ?

Merci à vous pour vos questions, merci à notre profession et au football.

Nous remercions chaleureusement Baptiste pour sa disponibilité et lui souhaitons bonne continuation avec le SM Caen sur les terrains le plus rapidement possible, nous l’espérons tous.