

Après seize ans de carrière au plus haut niveau, Olivier Quint est devenu responsable technique d’une section sportive et occupe le poste de consultant pour France bleu Loire Océan. Pour notre plus grand plaisir, il a accepté un entretien afin de revenir sur sa formation, sa carrière sportive de haut niveau, et sa reconversion dans le football auprès des jeunes et dans les médias.
LA DÉCOUVERTE DU FOOTBALL
Avant d’aborder votre formation et carrière,pouvez-vous revenir sur votre enfance, le contexte dans lequel vous avez grandi ?
J’ai grandi à Saint-Quentin (02), avec une enfance heureuse où j’ai joué au rugby jusqu’à mes 13 ans.
Quels sont vos premiers souvenirs de football ?
Mon premier souvenir est en minime 2ème année à l’Olympique Saint-Quentin, avec Serge Boucher comme entraîneur.
Petit, aviez-vous des idoles/modèles foot (ou hors foot) ?
Oui, j’adorais Eric Cantona.
Eric Cantona – Source Manchesterdevils Eric Cantona – Source La Dépêche
Quel est votre parcours junior ?
J’ai joué en minime et cadet à Saint-Quentin. J’ai ensuite franchi les paliers cadets nationaux à Chauny, puis je suis entré en centre de formation à Rouen.
Étiez-vous supporters d’un club en particulier ?
J’étais supporter de l’AS Saint-Étienne.
DE LA FORMATION AU MONDE PROFESSIONNEL
Formation à Rouen
Dans quelles circonstances êtes-vous repéré par Rouen et intégrez-vous le centre de formation ?
J’ai été repéré sur un match de cadets nationaux avec Chauny. Il m’a fallu deux essais pour intégrer le centre de formation de Rouen.
Matthieu Bideau, responsable du recrutement à Nantes et Laurent Mommeja ont coécrit « Je veux devenir footballeur professionnel ». Un livre instructif, délivrant des conseils aux jeunes et parents. Comment vos parents ont-ils réagi à cette éventualité de rejoindre un centre de formation ?
Mon père était ravi, ma mère beaucoup moins…
Aviez-vous en tête de faire une carrière professionnelle ?
Au départ, absolument pas. L’idée de venir professionnel est venue progressivement, au fil des années.
Au départ, absolument pas. L’idée de venir professionnel est venue progressivement, au fil des années.
Si aujourd’hui les centres de formation insistent sur les études, était-ce le cas à Rouen en 1985 ?
C’était moins le cas qu’aujourd’hui forcément. Mais on nous permettait de passer le baccalauréat et même de débuter les formations d’entraîneur.
On imagine mal à quel point la concurrence est rude pour percer non ?
Il y a tellement de gamins qui veulent être pros pour si peu de places…Mais je n’ai jamais douté de ma capacité à devenir professionnel. Il faut avoir un mental d’enfer.
Après quatre ans au centre de formation, les choses se passent plutôt bien puisque vous signez un contrat professionnel. Quel souvenir gardez-vous de ce moment ?
Mon sentiment est mitigé dans la mesure où je ne signe qu’un an. Le club souhait savoir si j’avais les capacités à progresser.
Quelles sont les personnes que vous aimeriez remercier et citer dans votre parcours au centre de formation de Rouen ?
Je souhaiterais remercier Daniel Zorzetto, Nasser Larguet, Carlos Lopez et Arnaud Dos Santos.
Quelles sont les circonstances de vos débuts et votre première apparition dans le grand bain du football pro ?
Mon premier match professionnel est contre Ancenis il me semble où j’avais joué quelques minutes. J’ai commencé à être remplaçant en D2 puis à jouer de plus en plus. Collectivement les choses se compliquent puisque nous sommes relégués en Nationale 1. A ce moment là, j’accepte de rejoindre Épernay en Nationale 2.
Il s’agit d’un pari gagnant puisque un an plus tard, vous rejoignez Sedan. Comment se sont noués les contacts et votre arrivée au club ?
J’ai envoyé mon CV à tous les clubs de division 1, division 2 et nationale. Sedan m’a proposé de faire un essai. Le test s’est avéré concluant et je les ai rejoint.
Olivier Quint- Source chezlavista Olivier Quint – Source Fcnantes
Le contexte n’est pourtant pas simple. A l’intersaison, Sedan est en sursis. Les dirigeants ne savent pas si l’équipe pourra jouer en Nationale. Qu’est ce qui vous a motivé à rejoindre Sedan ?
Je savais que Sedan était un bon club, une ville de foot où je pourrais m’épanouir. J’ai découvert Bruno Metsu comme entraîneur, un homme exigeant, dur, mais juste qui m’a relancé. Je lui dois beaucoup.
Vous faites parti d’une longue liste de joueurs à rejoindre le club : Nicolas Sachy, Cédric Mionnet, Luis Sattora, Pius N’diefi, Pierre Deblock, Aliou Cissé, Alex Di Rocco, Cédric Elzard, Bruno Pabois, Christophe Jouault. Une mayonnaise qui fonctionne puisque sportivement, vous terminez second. Quelle image gardez-vous de cette saison ?
Je garde en tête une bande de potes revanchards, qui s’éclatent ensemble et qui prouvent leur réel niveau.

Malgré un refus par la DNCG, le club monte en deuxième division et dans le même temps change d’entraineur. Patrick REMY remplace Bruno MESTU et Sedan réussit une deuxième montée consécutives. Comment expliquez vous cette réussite sportive aussi soudaine ?
Le succès repose sur la qualité des joueurs mais surtout l’unité que nous avions construit dans le groupe, l’amitié même entre nous. C’était très fort.
Le succès repose sur la qualité des joueurs mais surtout l’unité que nous avions construit dans le groupe, l’amitié même entre nous. C’était très fort.
Quel est votre premier match de première division ?
Je débute en première division à Marseille, au Vélodrome, dans un match qu’on a perdu 3/0.
Sedan va également vivre une finale de coupe de France, perdue contre le FC Nantes. Un souvenir douloureux j’imagine. Qu’est ce qu’on ressent quand on passe si près d’un titre ? Combien de temps faut-il pour digérer un tel scénario ?
C’est très difficile. J’aurais préféré perdre 3/0 que dans les circonstances du match à savoir 1/0, sur un pénalty imaginaire. Il ressort beaucoup de frustration de ne pas avoir fait un meilleur match collectivement. Mais dans le haut niveau, on n’a pas le temps de s’attarder sur une défaite. Il fallait digérer, car le week-end suivant, nous jouions la montée à domicile contre Saint-Étienne.
Après deux saisons en division 1 où vous allez briller avec Sedan, vous tapez dans l’œil du FC Nantes. Vous rejoignez les canaris, tout juste champion de France. Que retiendrez-vous de ces années sedanaises ? Que représente le FC Nantes à ce moment là dans votre tête ?
Sedan, je n’y retiendrai que du plaisir. C’est le club qui m’a relancé, de me révéler au plus haut niveau et rejoindre le FC Nantes. Je rejoins les canaris, qui viennent juste d’être champions de France, qui représentent le beau jeu, avec une ligue des champions à venir pour un challenge très excitant.

Vous découvrez la ligue des champions. Quelles sont les images qu’ils vous restent ?
J’ai en tête la musique de la ligue des champions, la qualification pour la 2ème phase de poule dans un groupe relevé, avec de gros matchs contre Galatasaray, le PSV Eindhoven et la Lazio Rome.
Vous allez cotoyer Raynald Denoueix pendant quelques mois seulement puisqu’il quitte son poste en Décembre. Que diriez-vous sur l’homme et l’entraîneur ?
Raynald Deinoueix est un coach très compétent et ouvert.
Le FC Nantes va terminer la saison 10ème. On dit souvent qu’il est difficile de digérer le succès. Diriez-vous que le FCNA n’a pas réussi à digérer le titre en 2001 ?
Oui, on peut dire ça. Et le limogeage trop rapide et inutile de Raynald Deinoueix n’a pas arrangé les choses?

Les deux saisons suivantes au FC Nantes se passent un peu mieux avec une 9ème, 6ème place au championnat. Vous vivez une autre défaite en Finale de Coupe (de la ligue) contre Sochaux aux tirs aux buts. Cette défaite est-elle plus difficile à vivre que celle contre Nantes avec Sedan ?
Oh oui…Nous avons eu le TAB de la gagne. Je me voyais soulever la coupe. Quelle déception !!
La saison 2004/2005 va être compliquée avec une lutte pour le maintien. Comment expliquez vous cette saison difficile sportivement ?
Nous, joueurs, n’adhérions plus au discours. Ajoutons à cela un changement d’entraîneur, et des joueurs pas au niveau. Cela donne une saison très difficile.
Cette saison va être doublement difficile puisque vous allez être victime d’une rupture des ligaments du genou en 2004. Comment est intervenue cette blessure ? Avez-vous senti la gravité de la blessure immédiatement ?
Je joue face à Lille. Et sur un banal changement d’appui, j’entends mon genou craquer, et je sais instantanément que c’est très sérieux.
Raphaël Poulain, ancien rugbyman professionnel, expliquait dans son livre la solitude de la rééducation où personne ne s’intéresse à ses états d’âmes, ses envies de revenir et de se sentir étranger à son équipe : «Je rejoins les gars dans le vestiaire. Ils sont encore dans leur match. J’en suis étranger». Qu’est ce que ca vous inspire ? Comment vivez-vous personnellement votre blessure ?
Oui, il a raison. Nous sommes seuls face à la blessure, la rééducation, la reprise du footing. Il faut être très fort mentalement pour revenir.
Nous sommes seuls face à la blessure, la rééducation, la reprise du footing. Il faut être très fort mentalement pour revenir.
Vous reprenez l’entrainement en novembre 2005 mais mettez un terme à votre carrière professionnelle en 2006, après 6 matchs lors de la dernière saison. Qu’est ce qui vous décide à dire stop ?
A cette époque, le FC Nantes décide de ne pas me prolonger. Je suis usé mentalement. Je ne me vois pas partir jouer ailleurs et souhaite éviter de faire la saison de trop, et je raccroche les crampons.
Quel est votre meilleur souvenir de footballeur pro ? Et votre pire souvenir ?
Le meilleur souvenir est la demi-finale de coupe de France contre Le Mans. Les pires souvenirs sont les deux finales perdues.

Quel est selon vous :
- Votre plus beau but ?
Mon but avec le FC Nantes contre l’OM.
- Votre meilleure saison?
La saison 2000/2001 avec Sedan
- Votre plus grand regret ?
Je n’ai aucun regret.
L’APRÈS CARRIÈRE ET LA RECONVERSION
L’après-carrière est-elle une appréhension pour un footballeur de haut niveau ?
Très certainement pour les joueurs qui ne l’ont pas préparée. Dès mes débuts à Rouen, j’avais passé mes diplômes d’entraineur.
Malgré l’arrêt de votre carrière professionnelle, vous avez continué le football amateur jusqu’en 2012. Les terrains vous manquaient-ils ?
Oui, il est difficile de se passer de jouer au football après une carrière professionnelle.
Éducateur / responsable technique
L’idée de passer du terrain au banc ou à la formation était une évidence ?
Oui, au fur et à mesure de ma carrière, je savais que je resterais dans le football. J’ai mis 15 ans pour obtenir mes diplômes d’entraineur. J’ai coaché deux saisons au FC Montaigu. Aujourd’hui je suis entraîneur à l’AC Chapelain en division d’honneur, avec trois séances d’entraînement par semaine.

Vous occupez également le poste de responsable technique dans une section sportive au lycée La colinière. Quel est le but de la formation ? Vos fonctions principales ?
L’objectif de cette formation est de proposer aux filles, un double cursus qui permet aux filles d’allier les études et le Sport, et pour certaines de jouer à un bon niveau. Mais les études restent la priorité. J’ai le rôle d’éducateur et de référent, et mon but est de faire progresser les filles.
L’objectif de cette formation est de proposer aux filles, un double cursus qui permet aux filles d’allier les études et le Sport, et pour certaine de jouer à un bon niveau. Mais les études restent la priorité.
Consultant pour France Loire Océans
Depuis l’arrêt de votre carrière professionnelle, vous êtes également consultant pour France Loire Océans. Comment est née cette idée de couvrir le football et de travailler pour un média ?
J’ai toujours aimé les médias, et l’idée de commenter ou analyser des matches m’a plu.

Aujourd’hui, les médias sont de plus en plus nombreux, les réseaux sociaux importants… Comment trouvez la bonne distance ?
C’est difficile. Nous sommes épiés au moindre propos, tweet ou autre. La base est de savoir rester mesuré
Quel regard portez-vous sur le football actuel ?
L’excès d’argent tue le foot…
Quelles sont les grosses différences que vous observez avec votre époque ?
Les salaires que peuvent toucher des joueurs de qualité moyenne
Vous occupiez un poste d’ailier gauche, qui aujourd’hui n’existe plus, les joueurs ayant tendances à rentrer dans l’axe pour frapper. Regrettez-vous cette évolution du football ?
Oui, mais cela fait partie des évolution du football avec des joueurs qui jouent en « faux pied »
La formation française a parfois privilégié les joueurs physiques aux détriments des profils plus fluets et techniques… Avez-vous aperçu cette évolution dans les profils de ligue 1 ?
Oui, le profil de petit joueur, technique disparait et c’est bien dommage.
Ce choix de formation a été revu et aujourd’hui, la technique est au cœur des centres de formation. J’imagine que ce n’est pas pour vous déplaire…
Effectivement, mais cela va prendre du temps pour faire changer les mentalités.
Auriez-vous aimé jouer avec le VAR ?
Non
Quels sont les entraîneurs qui vous inspirent ?
Josep Guardiola et Jürgen Klopp
Êtes-vous favorable à une ligue européenne fermée ?
Non, pas du tout
La saison 2018/2019 a été marquée par la disparition tragique d’Emiliano Sala. Quel souvenir garderez-vous du footballeur et de l’homme ?
C’était un homme et un joueur généreux, humble, qui adorait son métier, son club et ses supporters.

Enfin un dernier mot aux amateurs de foot et supporters en France, qui sont de plus en plus interdits de déplacements. Qu’est ce que ça vous inspire ?
Un stade sans supporters n’a pas la même saveur. Cette politique est désolante.
Nous tenons à remercier chaleureusement Olivier pour sa disponibilité et sa sympathie et lui souhaitons bonne chance dans la suite de ses projets.
JM