
Dans le tour d’horizon des rencontres avec les supporters de foot, petite présentation de Jean, supporter des Verts.
Bonjour et merci de prendre le temps de répondre à nos questions. Pouvez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Jean, j’ai 32 ans et je vis à Paris, mais originaire de Saint-Etienne.
A quand remonte votre intérêt pour le football ?
Mon intérêt remonte à l’enfance, vers l’age de 5, 6 ans. Avec un frère fan de foot, on jouait énormément au ballon. Moi à la cage, lui à me tirer des buts, avec un ballon en mousse dans l’appartement. Qu’est ce que notre mère a pu râler. Très vite, le cuir à remplacé la mousse et la moquette de la chambre a laissé place au rectangle vert ou au sable. Deux manches à balais faisaient office de cage et c’était parti pour des heures de ballon.
Les premiers souvenirs de football remontent au début des années 90. Je n’étais pas grand, mais j’ai été frappé par le Milan. J’avais les posters de Van Basten, Ruud Gullit accrochés au mur. J’ai également en mémoire le parcours de l’OM en 91, 93… Les larmes de Boli.
https://www.youtube.com/watch?v=0jnHC3xttpU
Sans oublier les parcours de Nantes en ½ finale de ligues des champions contre la Juve, la victoire de Paris contre le Rapid de Vienne en 96, avec ce but d’N’Gotty en finale de coupe des coupes. Ce sont ces images les plus lointaines. Le PSG de 96 m’a vraiment marqué.
Supporter de football ? Si oui, lequel et depuis combien de temps ?
Je suis supporter de Saint-Etienne. Né à Saint-Etienne avec un grand père fan de foot, il est difficile de ne pas tomber dans le foot, quand on est petit.
Dans quelles circonstances êtes-vous devenu supporter de ce club ? S’agit-il d’une transmission familiale ?
Il s’agit d’une transmission familiale. Mon grand père était fan des verts et nous relatait les exploits des verts de 1976. Difficile pour moi d’imaginer la ferveur de l’époque…On n’avait pas la possibilité de regarder les matchs à la télé et la radio était le seul moyen de suivre les matchs de foot. J’ai en mémoire l’image de mon grand-père, les samedis soirs, le poste radio collé à l oreille …
Avez-vous partie d’un groupe de supporter ?
Oui, j’ai été membre des Magic-Fans pendant 8 ans entre 1998 et 2006
Quelle est selon toi, la définition d’une « bonne » ambiance dans un stade ? Quel(s) stade(s) représente(nt) le mieux cette définition ?
Difficile de donner une définition de bonne ambiance. Cela dépend de l’âge, du contexte familial. J’ai l’impression que l’avis change au cours de la vie. A mon sens, c’est le mélange subtil entre la fête et la ferveur dans les tribunes (chants, tifos) en limitant au maximum les débordements. Saint-Etienne ou Lens me paraissent bien correspondre à cette idée, même si les débordements existent ou ont existé dans ces clubs.
Que pensez-vous du supporter Ultra ?
L’ultra Supporter est celui qui participe à l’ambiance dans la tribune, que ce soit à domicile ou à l’extérieur. Mais être ultra, c’est aussi une façon de vivre, vouloir se taper des kilomètres en bus pour voir un match de foot, dépenser une bonne partie de son argent et de son temps pour le foot. On comprend aisément que cela dépasse le cadre du football et que l’intérêt du foot et du club peut passer au second plan. L’ultra fait parti d’un groupe, avec tout ce que cela comporte, avec un marchandising défini (T-Shirt, Pull, écharpes) et devient presque supporter du groupe auquel il appartient. Il peut alors naître alors des tensions entre différentes groupes de même club, souvent pour des questions de rivalités de supporters (le jeu du « Qui fera le plus de bruit ») mais aussi pour les idées politiques véhiculées. Ceci conduit à des comportements typiques avec malheureusement des débordements. En fait, je ne suis pas un grand adepte du mouvement de groupe et j’ai toujours eu du mal avec cette notion de « pensée pareille » qui fait insulter telle équipe ou à l’inverse applaudir tel groupe parce qu’un mec, dos au grillage l’a décidé. Je ne pense pas que les groupes de supporters aient réellement les capacités de s’autogérer, quand on connait un petit peu la gestion humaine et les difficultés qui incombent aux responsables. Pour toutes ces raisons, je ne me suis jamais considéré comme Ultra et ne faisais pas les déplacements avec les groupes de supporters, de manière à me dissocier au maximum de l’image véhiculée (à tort ou à raison). Il est à noter que les groupes Ultras soutiennent souvent des associations et sont toujours actifs afin de récolter de l’argent pour de nobles causes. C’est quelque chose qui n’est pas assez soulignée.
Auriez-vous une expérience de stade à nous faire partager ?
Il y en a beaucoup, mais j’ai en tête la montée de Saint-Etienne en 2004, notamment le dernier match à domicile contre Châteauroux. Les verts, déjà les deux pieds en l1, se disputaient le titre de champion avec Caen. J’ai en mémoire cette bicyclette de Bridonneau qui donne le titre de champion de D2, le public en feu et les joueurs de Châteauroux interloqués qui regardent les tribunes en folie.
Il y a aussi la demi-finale de la coupe de la Ligue contre Sochaux en 2004. Les joueurs Montbéliards, alors menés 2-0 vont revenir et s’imposer…Assurément un match inoubliable, malgré la défaite.
Je retiendrai la victoire à Gerland contre l’OL avec ce but de Payet à la dernière seconde, les victoires contre l’OL à domicile après tant d’années à souffrir, et la victoire en coupe de la ligue contre Rennes, qui a marqué un tournant pour une génération qui a enfin vécu un titre.
Vous êtes vous déjà senti en danger dans un stade de football ? Si oui, dans quelles circonstances ?
Oui, c’était pendant un derby à Geoffroy Guichard en 2006-2007. J’étais dans le Kop Nord et les supporters lyonnais et stéphanois s’insultaient. En plein match, il a commencé à pleuvoir des piles et des fusées dans le kop. C’est la première fois que j’ai pensé quitter le match à la mi-temps. Au final, Sainté s’inclinera 3-1 mais l’essentiel était vraiment ailleurs …
Il y a également le dernier derby Saint-Etienne– Lyon en mars 2012. Outre le résultat et la défaite des verts 1-0, c’est surtout l’ambiance qui m’a déçu. J’étais en Kop Sud Supérieur, en face de la tribune Charles Paret, alors en reconstruction pour l’Euro 2016. Les supporters du Kop Nord, replacés en Tribune Henri Point ont confondu les piquets de leurs drapeaux avec des javelots et se sont mis à les balancer sur la pelouse. Des pétards ont également explosés sur la pelouse à quelques mètres de joueurs lyonnais. Loin des tribunes pendant quelques années, j’ai pris vraiment conscience que la violence faisait partie intégrante des tribunes …
Aujourd’hui, à quelle fréquence allez-vous au stade sur une saison ?
Habitant désormais à Paris, j’essaie d’y aller deux à trois fois par an.
Le plan Leproux a marqué les esprits dans le paysage footballistique Français ?
Difficile de s’exprimer la dessus car je ne maitrise pas le sujet. Personnellement, j’ai fait deux déplacements (de manière indépendante) au Parc des Princes notamment en 2007 (PSG 0 ASSE 2) et 2008 (PSG 2 ASSE 2) et je n’ai eu aucun soucis particulier. J’étais placé dans la partie droite de la tribune des Boulogne Boys (quand on regarde la tribune). J’avais mon écharpe autour du cou dans la tribune. L’échange avec quelques supporters parisiens s’est fait naturellement et tout s’est très bien passé. En revanche, les virages Auteuil et Boulogne s’insultaient par chants interposés. Les problèmes qu’il y a eu au Parc sont terribles. J’avais lu une interview de Christophe Uldry (responsable du groupe Auteuil) qui expliquait ne plus rien maîtriser et avait peur pour lui et sa famille. Une mesure radicale était sans doute nécessaire pour endiguer le problème. Les soucis au parc des princes, combinés à la rénovation des stades pour l’Euro 2016, poussent l’ensemble des clubs de l1 à se pencher sur le problème dans leurs tribunes (notamment sur l’usage des fumigènes). C’est une décision qui a du mal à passer pour les supporters, considérant leur usage comme partie intégrante du spectacle. Si on peut comprendre le fond, je crois que les groupes de supporters n’ont pas la bonne approche. L’interdiction de l’usage des fumigènes est conforme à la loi, qui oblige les ERP (Etablissement Recevant du Public) à lutter contre les risques incendie, durant toute la phase de vie du Stade (conception, construction et exploitation). Les supporters auraient pu respecter les règles, faire preuve de patience et d’intelligence, ce qui aurait peut être permis d’ouvrir le débat à l’aube de la rénovation des stades pour l’Euro 2016 (en intégrant à la conception, des zones prévues pour un usage contrôlé des fumigènes). Beaucoup ont choisi de protester, d’utiliser les fumigènes librement malgré le risque de grosses sanctions individuelles et collectives (hui clos, sanctions financière pour le club). Une attitude regrettable qui les met forcément HORS-JEU et qui n’a pas vocation à ouvrir le débat avec les pouvoirs publics et les instances de football. Des pays comme l’Allemagne ou la Norvège ont pourtant montré le contraire …
Dans le milieu footballistique, on évoque souvent le supporter « footix ». Quelle en serait ta définition ?
Footix, c’est avant tout la mascotte de 98. Pour beaucoup, cette période est la découverte du foot. Ce mot s’est brusquement détourné de son origine pour désigner les nouveaux supporters, n’ayant pas de réelle attaches (historique, familiale, géographique) avec le club supporté. Mais il a aussi un autre sens, celui d’une personne qui ne comprendrait pas le foot, le jeu. Finalement, on est peut être tous le footix de quelqu’un… Quand j’ai commencé à fréquenter les tribunes, j’avais en tête la connaissance du club, mais certainement pas l’historique et les souvenirs que pouvaient avoir des personnes de 60 ou 70 ans. J’étais peut être un « footix » pour cette génération…
Quel budget consacres-tu au football par mois ?
Une trentaine d’Euros.
Enfin, qu’est ce qui pourrait vous détourner de ce sport ?
Je ne sais pas. Peut-être le nombre d’émissions qui fleurissent à la tété, d’anciennes gloires du football qui sous-prétexte d’être des anciens joueurs se prennent pour des analystes et racontent n’importe quoi. Le football, je le vis de plus en plus sur le terrain, loin de ces débats stériles télévisuels ou radiophoniques.
JM