PRO – Entretien avec Bruno VALENCONY, ancien gardien professionnel et entraîneur des gardiens

Burno Valencony

Après 16 ans de haut niveau et plus de 350 matchs professionnels au poste de gardien de but à Bastia et Nice, Bruno Valencony a embrassé une carrière d’entraîneur de gardien de but à Nice, Monaco et Bastia. Pour notre plus grand plaisir, l’ancien entraîneur des gardiennes de l’équipe de France féminine a accepté de répondre à nos questions et revenir sur son parcours, sa carrière, sa reconversion et son travail avec les gardiennes du PSG qu’il occupe depuis 2018.

DE L’INF AU MONDE PROFESSIONNEL

Bonjour Bruno, Pouvez-vous nous décrire le contexte dans lequel vous avez grandi et vos souvenirs d’enfance ?

Je suis né à Bellerive-sur-Allier en 1968, à côté de Vichy. Mon père était chauffeur routier et ma mère gardait des enfants à la maison. J’ai une sœur, de six ans ma cadette, avec laquelle je faisais du foot dans les couloirs et la chambre de l’appartement. Quand j’ai eu 5 ans, mes parents ont déménagé de Vichy et j’ai grandi à Clermont-Ferrand. A l’école, j’étais un élève moyen, on ne peut pas dire que je détestais y aller, mais j’étais surtout très intéressé et à fond dans le sport et le foot.

A Clermont-Ferrand, l’équipe évoluait en troisième division et je faisais souvent ramasseur de balle. Le stade du club étant à 100 mètres de chez moi, c’était l’endroit idéal pour se retrouver et jouer avec les copains.

Quels sont vos premiers souvenirs avec un ballon ?

A Clermont-Ferrand, l’équipe évoluait en troisième division et je faisais souvent ramasseur de balle. Le stade du club étant à 100 mètres de chez moi, c’était l’endroit idéal pour se retrouver et jouer avec les copains. Ce sont mes premiers souvenirs.

A quel âge débutez-vous le football dans un club ? Pourquoi avoir opté pour le poste de gardien de but ? Avez-vous joué à d’autres postes ?

J’ai débuté le foot en club au Stade Clermontois (Clermont-Foot aujourd’hui) à l’âge de 12-13 ans. J’ai toujours joué gardien dans ce club mais j’adorais évoluer dans le champ avec les copains ou à l’école.

Aviez-vous des modèles, des gardiens références qui vous ont inspiré ?

Yvan Curkovic de Saint-Étienne était mon gardien préféré à l’époque. Ensuite, j’aimais beaucoup Joël Bats. On peut dire que ces deux gardiens étaient des modèles. Je citerai également des gardiens que j’appréciais de ma génération : Pascal Olmeta, Gaëtan Huard, Lionel Charbonnier et Fabien Barthez. Enfin Bernard Lama dont j’adorais le style.

A quel moment appréhendez-vous la possibilité de faire une carrière professionnelle ?

J’ai passé et réussi les concours d’entrée à l’INF, basé à Vichy à l’époque. On entrait à l’âge de 16 ans pour 3 années, dans le meilleur des cas. A chaque fin d’année, un bilan était fait et le joueur pouvait être viré. A la fin de cette formation, les clubs pros venaient superviser et piocher dans la promotion. Certains pouvaient être pris, et d’autre restait sur le carreau. J’ai eu la chance que Bastia alors en 2ème division soit intéressé. Christian Villanova, qui était l’entraîneur adjoint de Roland Gransart à Bastia, est venu voir un match et il m’a appelé. Tout s’est fait très vite.

J’ai signé stagiaire et là j’ai commencé à y croire, tout en continuant à rester sérieux, bosser sans m’enflammer.

Qu’auriez-vous fait si vous n’aviez pas été joueur professionnel ?

Alors là…J’ai eu la chance de réussir, mais effectivement je ne sais pas du tout ce que j’aurais fait en cas d’échec.

Quels sont vos souvenirs de formation, à Bastia ou à l’INF ?

A Bastia, j’étais stagiaire et je me suis entraîné directement avec les pros. A Vichy, j’ai pris énormément de plaisir malgré l’intensité de la formation. Ça n’avait rien à voir avec ce qu’il se fait actuellement.

Revenons à vos débuts. Quel est votre premier match professionnel ?

Je débute en deuxième division avec Bastia contre Avignon. Nous avions gagné 2/0 et j’avais joué avec une belle entorse de la cheville. Le staff médical avait tout fait pour que je puisse jouer ce premier match. J’avais cette première opportunité de gagner ma place et je l’ai gardée jusqu’à la fin de saison.

Après 7 saisons à Bastia, une finale de coupe de la Ligue, vous décidez de rejoindre Nice. Pourquoi un tel choix ?

Bastia voulait me faire prolonger mais d’une seule année uniquement, sans trop de bonifications. J’étais à fond pour le Sporting, j’y serais resté toute ma carrière si j’avais pu, mais je voulais aussi de la considération par rapport à mon parcours et ce que j’avais donné. Nice s’est montré intéressé, m’a proposé 4 ans de contrat. Bastia pensait certainement que je resterais et n’a pas réagi.

En restant dans le sud, j’espérais retrouver cet esprit familial que j’avais à Bastia. Et je ne me suis pas trompé, du moins jusqu’à mon départ 16 ans plus tard.

J’étais à fond pour le Sporting, j’y serais resté toute ma carrière si j’avais pu, mais je voulais aussi de la considération par rapport à mon parcours.

Durant votre carrière, vous allez connaître la première division, la deuxième division, les matchs de coupe d’Europe et des saisons à jouer le maintien. Le métier est-il le même ? Qu’est ce qui est le plus difficile ?

Quand on est gardien, la philosophie reste la même. Il faut travailler pour rester au top physiquement et mentalement. C’est plus facile dans certains clubs et plus difficile dans d’autres. Les conditions de travail et les staffs que vous croisez sont également importants. Nice par exemple, n’était pas encore un grand club et les installations n’étaient pas au top. Ça n’aide pas.

Mais arrêter des frappes, encourager ses partenaires, et rester en permanence positif même dans les mauvais moments, ce sont les priorités pour un gardien.

Vous décidez en 2005 de raccrocher les crampons. Qu’est-ce qui a motivé votre décision de dire stop ?

Il y a plusieurs paramètres : Tout d’abord mon âge, l’arrivée d’Hugo Lloris dans le groupe, et la possibilité de rentrer dans le staff en tant que coach des gardiens chez les pros. Frédéric Antonetti, mon ancien partenaire et coach de Bastia m’en a fait la demande. Tout ça a dicté mon choix de raccrocher.

Durant votre carrière, vous allez côtoyer comme partenaire de cage Thomas Kokkinis, André Biancarelli, Dominique Franchi à Bastia, …Robin Huc, Damien Grégorini, Jean-Daniel Padovani. Avec lequel étiez-vous le plus proche ?

Franchement, tous. Damien, nous avons été partenaires et je l’ai coaché par la suite. C’était top. « Pado » et moi faisions chambre commune lors des mises au vert et je me rappelle qu’on jouait à la console. Robin était super cool et nous avons gagné la Coupe de France ensemble. « Dédé » et « Dume » à Bastia étaient toujours agréables à vivre au quotidien et on bossait bien ensemble. Quant à Thomas, je l’ai moins connu. J’étais blessé à cette période et on ne s’est pas trop croisé.

Même après plusieurs années sans se voir, c’est toujours le même enthousiasme et sourire quand on se croise lors de matchs ou événements sportifs.

Êtes-vous encore en contact avec des anciens footballeurs, entraîneurs ou dirigeants ?

Un peu, de temps en temps. Même après plusieurs années sans se voir, c’est toujours le même enthousiasme et sourire quand on se croise lors de matchs ou événements sportifs. C’est la même chose, avec des joueurs qu’on n’a pas forcément côtoyé en club, avec certains adversaires. On prend du plaisir à se remémorer des matchs ou des buts encaissés.

Quel(le) est selon vous :

  • Votre meilleure saison ?

Les 2 montées avec Bastia et Nice, je me suis régalé. Et les 3 ans en 1ère division, je peux dire que j’ai profité au maximum, même si la dernière avec la descente au bout était très difficile. Mais comme on gagne la Coupe de France la même année, j’ai rattrapé cette saison avec ce trophée.

  • Votre plus grande performance ?

Arrêter deux tirs aux buts en finale de coupe de France en 1997 avec Nice.

  • Vos plus beaux souvenirs ?

Les montées avec Bastia et Nice en 1ère division, la finale de coupe de France 97 gagnée avec Nice.

  • Vos plus grands regrets ?

Une défaite en coupe de la Ligue avec Bastia et une descente avec Nice. Je dirais également d’avoir raté des opportunités à un ou deux moments de ma carrière. On ne sait pas ce qui se serait passé par la suite. Mais je suis content de ce que j’ai fait et je ne regrette rien.

  • Le(s) joueur(s) le(s) plus talentueux contre qui vous ayez joué ?

J’ai eu la chance de jouer contre les belles équipes du PSG, Monaco, Bordeaux où les meilleurs futurs meilleurs français débutaient, comme Thierry Henry, Lilian Thuram, Emmanuel Petit, Youri Djorkaeff, David Ginola, et bien sûr Zinedine Zidane. Et des étrangers comme Georges Weah ou Raï. J’en oublie certainement.

  • L’entraîneur qui vous a marqué ?

Je dirais Frédéric Antonetti. Mais d’autres ont aussi beaucoup compté, comme René Exbrayat, René Marsiglia, Primo Salvi

  • Votre plus belle « boulette » ?

J’en ai trop fait (rires) mais j’ai en souvenir d’une en coupe de France (je ne sais plus où) qui avait été particulièrement belle.

Enfin, difficile de retracer votre carrière sans évoquer la catastrophe de Furiani survenue le 5 Mai 1992 lors de la demi-finale de Coupe de France entre Bastia et Marseille. 27 ans plus tard, j’imagine le souvenir toujours aussi présent ?

C’est sûr. C’était un grand rendez-vous, une demi-finale de Coupe de France contre le grand Olympique de Marseille. J’étais sur le terrain à l’échauffement et j’ai vu la tribune du club de supporters s’effondrer. Certains amis étaient présents. Les hélicoptères se posaient sur le terrain, on est resté une grande partie de la nuit à aider les blessés légers. C’était très difficile à vivre…et les jours et les semaines qui ont suivi également. Après ce drame, le club c’est tout de même relevé. Le club aurait pu disparaître… On a continué à jouer en mémoire des victimes et deux ans après ce drame, nous montions en première division. C’est le plus bel hommage qu’on pouvait faire.

Bastia, relayé par beaucoup d’amoureux du foot, d’anciens joueurs, souhaiteraient que la date du 5 Mai soit exclue du calendrier national. Pourquoi la ligue n’y répond pas favorablement ?

Honnêtement, je n’en sais rien. Mais je pense qu’il est important d’annuler les matchs en l’honneur des 18 morts et plus de 2000 blessés qu’a causé cette catastrophe. Les matchs pourraient être décalés la veille ou le lendemain. C’est une date importante et gravée pour le football français, il faut continuer d’en parler pour ne pas oublier.

ENTRAÎNEUR DES GARDIENS A NICE, MONACO ET BASTIA

L’idée de rester dans le football était une évidence pour vous ?

Oui, je baigne dans le foot et le poste de gardien depuis tout petit, et le terrain m’aurait trop manqué. Après il faut avoir l’opportunité et la chance d’avoir une place qui s’offre à vous. A Nice, je l’ai eu jusqu’à ce que m’ont la prenne…

Jérémie Janot, ancien gardien de but de Saint-Étienne déclarait « Je ne suis pas footballeur, je suis gardien de but »1. En quoi ce poste est-il si particulier ?

C’est un poste à part. Un rôle différent, le seul à pouvoir utiliser les mains, à pouvoir être adulé ou critiqué après un arrêt ou un but encaissé. On peut se retrouver très seul après une défaite, ou entouré après une victoire. Mais c’est tellement dur et tellement bon à la fois.

Diriez-vous que le gardien de but est un sport individuel à l’intérieur d’un sport collectif ?

Oui, tout à fait. C’est un bon résumé.

Comment vous retrouvez-vous au poste d’entraîneur des gardiens de Nice pendant 7 ans ?

L’arrivée de Frédéric Antonetti a simplifié mon entrée dans le staff. Le président M. COHEN et le directeur sportif Roger Ricord étaient favorable également.

Valencony et Antonetti
Bruno Valencony et Frédéric Antonetti – Source OGCNice

Vous allez encadrer Hugo Lloris et David Ospina. Avaient-ils le même style et les mêmes qualités ?

Non, ils avaient deux styles différents. Ce qu’ils avaient en commun, c’était la même envie, le même objectif de faire une grande carrière. Ils ont pris le bon chemin et si j’ai pu contribuer à ça, j’en suis fier.

Un gardien de but est-il plus proche de son entraîneur spécifique ou du coach de son équipe ?

La relation avec le coach spécifique est une relation particulière, le joueur se confie plus, et peut discuter de choses qu’il n’abordera pas avec le coach principal. C’était le cas avec Lloris et Ospina quand je les avais à Nice. C’était à moi de voir s’il fallait faire passer un message ou non.

La relation avec le coach spécifique est une relation particulière, le joueur se confie plus, et peut discuter de choses qu’il n’abordera pas avec le coach principal.

Joël Bats définit le poste de gardien de but comme « le poste le plus complet, c’est là où il y a le plus de travail. Dans la semaine, on répète toutes les gammes, toutes les situations possibles, les uns contre uns, les centres, les sorties, on répète tout car on sait qu’il y en a une de toutes celles-là qui va arriver et il faudra être prêt à ce moment-là! »2. Cette définition vous parait-elle appropriée ?

C’est bien ça. Je pense qu’il est très difficile de faire des semaines différentes axées sur telle ou telle spécificité. Il faut essayer de voir le maximum de choses, des gammes, prises de balles, le jeu aux pieds, aux situations de jeu les plus banales. C’est très exigeant.

Dans votre carrière, vous avez connu la position de n°2 puis celle de n°1. Gère-t-on la concurrence de la même manière ? Comment rester motivé la semaine quand on sait qu’on a peu de chance de jouer le weekend ?

C’est vrai que ce n’est pas évident, surtout si on pense qu’on mérite de jouer un peu plus. Mais c’est le coach qui décide et l’équipe doit primer sur l’individu. J’ai joué le jeu jusqu’au bout, en continuant à encourager les coéquipiers et en me tenant prêt au cas-où, parce qu’on ne sait jamais ce qui peut arriver.

Mickaël Landreau a déclaré « J’ai accompli mes plus belles saisons quand j’étais titulaire indiscutable. Si tu as un second qui n’est pas clean, ce n’est jamais bon. Et c’est valable pour l’entraînement quotidien. »3. Partagez-vous son avis ? Faut-il faire tourner les gardiens en coupe pour garder les deux gardiens concernés ?

Oui, je trouve que c’est un bon compromis même si on aime être toujours sur le terrain.

Luis Enrique, coach de Barcelone, a beaucoup fait tourner les gardiens en Ligue des champions et en championnat. Que pensez-vous de cette méthode de management ?

C’est une méthode mais ce n’est qu’à la fin qu’on peut dire si c’est bien ou non. Paris a essayé cette méthode avec Buffon et Areola, et ça n’a pas vraiment marché puisque l’élimination est arrivée en 1/8ème de finale. C’est quelque chose qui a été critiqué mais en allant plus loin dans la compétition, certainement qu’on aurait eu une vision différente des choses.

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Bruno Valencony et Hugo Lloris à l’entraînement – Source sonice06

Hugo Lloris aura le capitanat à Lyon ou encore en équipe de France. Certains entraîneurs refusent de donner le brassard à un gardien et préfèrent l’attribuer à un joueur de champs pour discuter avec l’arbitre. Est-ce incompatible selon vous avec le poste de gardien de but ?

J’ai déjà été capitaine, et il est vrai que notre position n’est pas évidente par rapport à la communication et l’influence qu’un capitaine peut avoir sur l’arbitre.

J’ai déjà été capitaine, et il est vrai que notre position n’est pas évidente par rapport à la communication et l’influence qu’un capitaine peut avoir sur l’arbitre.

On évoquait Mickael Landreau, grand spécialiste des penalties. Peter Shilton4, gardien international anglais disait que « Le facteur principal d’un tir au but est le facteur chance. Il vous faut rester calme et concentré mais votre principale alliée est la chance. ». Quelle réaction ça vous inspire ?

Il faut partir du bon côté, à la bonne hauteur et au bon moment. Ça fait beaucoup de paramètres. Pour ma part, je choisissais un côté, et j’essayais d’influencer le tireur pour qu’il frappe du côté que j’avais décidé.

Un gardien de but travaille-t-il les tirs au but à l’entraînement ? L’usage de la vidéo, de la statistique est j’imagine un atout majeur ?

La vidéo est de plus en plus présente, et il faut s’en servir. Mais les tireurs changent parfois de stratégie également. Il n’y a pas de vérités. Au dernier trophée des championnes, on avait regardé les vidéos, mais notre gardienne n’a fait aucun arrêt puisque les tirs étaient très bien frappés.

Peut-on parler d’instinct du gardien de but ?

Il en faut bien sûr !

 Un gardien ressent-il une fatigue physique, ou plutôt mentale après un match ?

Les deux pour ma part. Même sans toucher énormément de ballons, j’étais toujours mort après un match. Psychologiquement, un match est très usant.

La fatigue, la perte de concentration, et vient la boulette. Certaines comme celle de Letizi en équipe de France ont changé leur carrière. Comment un gardien vit-il ce type d’événement et comment pour passer outre ?

Il aura fait une belle carrière que ce soit en gardien ou désormais en tant que coach également…Il faut être très fort dans la tête, faire abstraction du mauvais, et prendre que le positif.

Après 7 ans à Nice, vous rejoignez la section amateur à l’AS Monaco. Quelques années plus tard, vous rejoindrez le centre de formation de Bastia. Qu’est-ce qui vous a motivé à l’idée de revenir au niveau amateur et auprès des jeunes ?

Pour être franc, j’étais au chômage et même pire que ça. Il fallait absolument que je reprenne une place sur le terrain. J’ai eu la chance qu’on me tende la main, que ce soit à Monaco ou à Bastia, Je tiens sincèrement à remercier Monaco et Bastia de leur coup de pouce à une période très compliquée de ma vie.

J’ai pris énormément de plaisir avec eux. Il en a été de même quand je suis parti en Afrique avec Corentin Martins et sa sélection de Mauritanie.

Qu’est ce qui fait la différence avec le travail chez les jeunes ?

Le jeune vous fait encore plus confiance. Vous êtes souvent son premier coach, son premier conseiller. Vous êtes le premier à lui demander des choses qu’il n’avait encore jamais faites. Il faut le rassurer, parce qu’il fait encore plus d’erreurs. Quand il rate un match, il faut encore plus l’aider à se relever. C’est une relation très spéciale avec les jeunes. Vous êtes presque son deuxième « papa ».

C’est une relation très spéciale avec les jeunes. Vous êtes presque son deuxième « papa ».

On parle souvent d’école française pour les gardiens. Êtes-vous en accord avec cette idée ? Comment la définiriez-vous ?

Je trouve qu’il y a de plus en plus de gardiens étrangers qui jouent en France quand même, alors que la réputation n’avait pas d’égal en Europe par le passé. C’est dommage, parce qu’à une époque le niveau français était très relevé. Toutefois, de nouveaux gardiens français pointent le bout de leur nez.

Comment travaille-t-il le jeu au sol ? Le jeu aérien ? La lecture des trajectoires ?

En répétant énormément les gestes. La répétition est une chose primordiale surtout pour les jeunes.

Quels sont les points clés à respecter sur un corner ?

Il faut être vigilent sur le placement de ses défenseurs, ne pas trop anticiper. Ca devient de plus en plus dur et on voit de moins en moins de gardiens prendre des risques dans cette situation.

De moins en moins de gardiens mettent un joueur à chaque poteau. Pourquoi ?

Parfois, ce ne sont pas les gardiens qui décident. Mais c’est sûr que ça incite moins les gardiens à s’aventurer en sachant que personne n’est sur la ligne au cas où…

Comment travailler la communication avec sa défense ?

C’est quelque chose à travailler à l’entraînement lors des jeux qu’ils soient réduits ou non. Il faut voir aussi par rapport à la nationalité de ses coéquipiers et être capable de s’adapter.

Christophe Lollichon5, entraîneur des gardiens considère que pour jouer au haut niveau il faut mesurer 1,95 m. Êtes-vous en accord avec cela ?

Je n’étais pas trop d’accord à une époque. Mais je dois reconnaître que quand un gardien est grand, il prend vraiment une place énorme dans la cage. Le travail effectué maintenant permet à ce genre de gabarit de mieux s’exprimer. Avec mon 1m80, je ne pourrais plus jouer maintenant dans ce football moderne. Çà va plus vite, c’est plus fort et les joueurs aussi sont plus puissants.

Avec mon 1m80, je ne pourrais plus jouer maintenant dans ce football moderne.

David Seaman a fait évoluer le poste avec son jeu au pied. Le jeu au pied apparaît aujourd’hui encore plus important. Peut-on être un grand gardien, avec un jeu au pied moyen ?

Ca devient compliqué. Aujourd’hui, le gardien est vraiment le premier relanceur, le premier attaquant même. On le presse comme si c’était un joueur et il doit pouvoir faire face à ce genre de situations.

Neuer est-il en train de faire évoluer le poste en jouant comme un libéro, en n’hésitant pas à sortir très loin de ses cages ?

Il a été un des premiers et ça devient normal pour tous les gardiens de jouer de cette manière.

Manuel Neuer, Islam Slimani – Source huffingtonpost

De moins en moins de gardiens captent les ballons. Pour quelles raisons ?

Les ballons sont de plus en plus compliqués à capter, et c’est devenu risqué de prendre cette décision de bloquer. Du coup, les gardiens assurent en repoussant. Mais, bien repousser ou dévier un ballon est aussi un geste technique.

Quel est selon vous le meilleur gardien actuel ?

Plusieurs se montrent décisifs. Le plus dur est d’être régulier. Ederson et Alisson, les gardiens de Manchester City et Liverpool, sont très forts. Neuer a accumulé des blessures mais revient aussi. Oblak à Madrid est très bon aussi. J’en oublie certainement comme Hugo Lloris. Mais là, c’est le cœur qui parle.

Quel serait le portrait-robot du gardien d’aujourd’hui ?

Un robot qui arrête tout ou alors Thomas Price dans Olive et Tom (rires).

Fabien Barthez déclarait « C’est un fait, le gardien de but passe au second plan. Il est rarement mis en avant. J’ai souvent entendu des entraîneurs dire que pour faire une équipe il fallait un bon gardien de but, un bon attaquant, et construire autour d’eux. Mais mis à part chez les techniciens, ce poste souffre d’un manque de reconnaissance. Depuis que le football existe, le gardien de but a toujours été sous-estimé. »6. Partagez-vous ce sentiment ?

C’est vrai. Quand une équipe gagne, j’entends toujours qu’elle n’a jamais été mise en danger alors que le gardien a peut être été décisif à des moments importants du match. En revanche, lors d’une défaite, le gardien est toujours plus ou moins pointé du doigt. On entend surtout « Il n’a pas été décisif, il pouvait faire mieux… »

Lev Yachine est le seul gardien à avoir remporté le Ballon d’Or. Manuel Neuer a terminé troisième en 2015. Il est difficilement d’imaginer un gardien remporter le titre aujourd’hui ?

C’est impossible ou presque. Mais c’est comme ça.

Oliver Kahn pense qu’il « devrait y avoir un Ballon d’Or pour le meilleur joueur de champ et que le meilleur gardien devrait être récompensé dans une autre catégorie ». 7 Le rejoignez-vous ?

Oui, c’est justement pour palier au fait qu’un gardien n’a quasi aucune chance d’être Ballon d’Or qu’à partir de 2019, on décernera un ballon d’Or des gardiens.

ENTRAÎNEUR DES GARDIENNES DE L’EQUIPE DE FRANCE ET DU PARIS SG

Après une expérience d’un an en Equipe de France féminine, vous êtes aujourd’hui en charge des gardiennes du PSG. Comment sont nées ces deux opportunités ?

J’étais plus ou moins libre quand Olivier Echouafni m’a proposé de le rejoindre avec les Bleues. J’ai accepté tout de suite. Je faisais le centre de formation à Bastia et les rassemblements internationaux à Clairefontaine. Pour le PSG, les choses étaient plus simples, puisque je terminais mon contrat à Bastia.

Les méthodes de travail sont-elles les mêmes qu’avec les hommes ?

Je dirais que oui, et elles demandent à être considérées de la même manière. Je ne change pas de méthode, elles veulent souffrir comme les hommes.

Valencony et l'équipe de France féminine
Bruno Valencony et l’équipe de France féminine – Source Youtube

Sans comparer le foot masculin et féminin, est-ce le poste qui souffre le plus de la comparaison avec le foot masculin aujourd’hui ?

C’est malheureusement vrai. Le foot féminin souffre de ça pour plusieurs raisons. Les filles ont un déficit de taille et de gabarit par rapport aux hommes. Et puis je remarque qu’on critique plus facilement les femmes, on voit plus de moqueries envers les buts encaissés par les femmes, alors que les mêmes boulettes sont parfois faites par les hommes. C’est dommage. Mais mes gardiennes ont fait de superbes arrêts cette année. Et des erreurs aussi…

Marinette PICHON, ancienne internationale et consultante pour France Télévisions, estime qu’ « on a toujours un problème à ce poste, on manque de talent et de candidates. » ?8. Comment expliquez ce retard par rapport aux autres grosses nations ? Comment y remédier ?

Oui, on manque de talents et de candidates oui, c’est vrai. On manque également de formation chez les plus jeunes. Mais tout ça est en train de changer. Dans les autres nations, je ne vois pas tant de phénomènes que ça. Elles sont meilleures, oui, mais on arrivera à tendre vers ce niveau. Les filles y arriveront, avec ou sans moi d’ailleurs. Mais, soyons clair, on n’arrivera jamais au niveau atteint par les hommes.

Oui, on manque de talents et de candidates oui, c’est vrai. On manque également de formation chez les plus jeunes. Mais tout ça est en train de changer..

Selon l’IFFHS (International Federation of Football History and Statistics), Sarah Bouhaddi a été élue meilleure gardienne du monde pour la 3ème année consécutive en 2018. Vous la connaissez bien ?

Je l’ai eue en Equipe de France lors de l’Euro 2017. Elle a d’énormes qualités également.

Katarzyna Kiedrzynek et Christiane Endler sont les deux gardiennes du PSG respectivement internationale Polonaise et Chilienne. Christiane Endler a été élue meilleure gardienne de la saison devant Sarah Bouhaddi. Une belle satisfaction j’imagine ?

Et je crois Katarzyna dans l’équipe type… J’ai la chance d’avoir à mon avis les 2 meilleures, en plus de Sarah que je connais bien aussi. Et Chris a été nominée parmi les 3 meilleures gardiennes du monde à la dernière soirée FIFA.

Quels sont leurs axes d’amélioration ?

On peut toujours s’améliorer, sur tous les axes. Les gardiennes féminines ont un manque de formation qu’il faut essayer de combler. Moi, je pars de moins loin, c’est plus facile. Mais les clubs travaillent de plus en plus ce poste et de mieux en mieux.

Nous tenons à remercier chaleureusement Bruno pour sa disponibilité et lui souhaitons bonne continuation dans la suite de ses projets.

JM

Références

[1] – Site Wikipedia

[2] – Site gardiensdebut

[3] – Site Pariskop

[4] – Site Theadgalternative

[5] Site rmcsport

[6] – Site Sofoot

[7] – Site Fifa

[8] – Site Francetvinfo