

Arbitre assistant professionnel, Pierre Chevreux a formé avec Lionel Jaffredo et Tugdual Philippe un trio arbitral durant six saisons et arbitré les plus belles rencontres de ligue 1. En 2018, le natif d’Angers a dit stop et mis un terme à sa carrière professionnelle débutée en 2005. C’est avec grand plaisir que nous avons pu évoquer son parcours, revenir sur une carrière riche en émotions et aborder le métier d’assistant et sa vision de l’arbitrage actuel.
LA DÉCOUVERTE DU BALLON ROND
Avant de rentrer dans le vif du sujet, pouvez-vous revenir sur votre enfance, le contexte dans lequel vous avez grandi et découvert le football ?
Je suis né à Angers, j’ai grandi avec mes parents et mes deux frères. Mes premiers souvenirs de matchs sont dans le couloir de l’appartement où nous habitions. J’avais 5 ans.
Avez-vous pratiqué le football ? Si oui, à quel niveau ?
J’ai joué au foot pendant 10 ans, des débutants aux cadets.
Aviez-vous des idoles ?
Non, j’ai toujours été plus attiré par les équipes, les collectifs.
Étiez vous supporter d’un club ?
Le SCO évidemment, depuis que je suis enfant. A l’adolescence, j’avais été assez fasciné par le FC Nantes mené par Jean-Claude Suaudeau.

A quel âge débutez-vous l’arbitrage et à quel niveau ? Quels souvenirs en gardez-vous ?
J’ai commencé à 16 ans, dans le district de Maine et Loire. Après une formation exclusivement théorique, je me suis retrouvé au milieu du terrain avec un sifflet et 22 joueurs et c’était parti. J’avais trouvé ça vraiment plaisant, suffisamment en tout cas pour avoir envie de continuer.
Avez-vous occupé un poste d’arbitre central ou vous êtes vous orienté très tôt vers le rôle d’assistant ?
J’ai débuté au centre et j’ai occupé ce poste pendant dix saisons. J’ai décidé ensuite de m’orienter vers le rôle d’arbitre assistant.
A quel moment imaginez vous atteindre le très haut niveau ?
Je ne l’ai jamais vraiment imaginé. En tout cas, pas avant de préparer le concours pour devenir arbitre assistant de la Fédération et mon arrivée en National.
UNE CARRIERE PROFESSIONNELLE
Pouvez-vous nous rappeler les grandes fonctions de l’arbitre assistant ?
Son rôle principal, c’est le jugement du hors-jeu. Il y a également le contrôle des sorties du ballon et plus généralement l’assistance de l’arbitre central pour tout ce qui peut se dérouler au cours d’une rencontre.
L’arbitre assistant officie-t-il toujours du même côté (coté droit ou gauche du terrain) ?
Non, pas du tout. Au gré des désignations, il peut être d’un côté ou de l’autre. En revanche il reste du même côté pour tout le match, il n’y a pas de permutation des deux assistants à la mi-temps.
Pour juger un hors-jeu, comment fait-il pour avoir à la fois, une vision sur le départ de l’action et sur la position de l’attaquant ?
C’est toute la difficulté de son rôle. L’assistant est confronté en permanence à cette impossibilité physique de regarder à deux endroits différents en même temps. Il faut donc contourner le problème en alternant continuellement entre les différents points de vue à adopter. Cela suppose une concentration de tous les instants.
Un arbitre assistant lève-t-il son drapeau quand il est sûr à 100 ? Quand vous aviez un doute sur un hors jeu, que faisiez vous ?
Les consignes ont toujours été très claires : en cas de doute, il fallait s’abstenir de signaler. Les statistiques appuyaient cela, en démontrant que dans les situations litigieuses, il y avait rarement hors-jeu. Avec la VAR, la question ne se pose plus : le drapeau reste en bas, il sera toujours temps de revisionner l’action pour prendre la décision.
Quelles sont, d’après vous, les grandes qualités pour être un bon arbitre assistant ?
La concentration, la rigueur et la qualité athlétique. Il en faut beaucoup d’autres et il faut travailler en permanence mais ces trois là sont le terreau indispensable.
Vous gravissez les échelons et êtes promu en Nationale en 2005, puis très rapidement en ligue 2. Comment franchissez-vous ces étapes ?
Avec une forme d’insouciance pour le National, tout cela s’est fait assez naturellement. C’est logiquement devenu plus structuré en Ligue 2, d’une part avec l’entrée dans le football professionnel, d’autre part car cela a coïncidé avec une élévation des exigences de la direction de l’arbitrage.
Des modèles vous ont-ils inspiré dans ce métier ?
Non, c’est vraiment pas mon truc les idoles ou les modèles. Et puis vous savez, j’étais comme tous les joueurs ou suiveurs du football, l’arbitre ne m’intéressait que quand je ressentais une injustice. Évidemment j’ai complètement changé de point de vue quand je suis devenu arbitre… Mais pas au point d’imiter ceux que je voyais à la télé ou dans les stades.

Comment s’organise le quotidien d’un arbitre assistant ?
Comme pour tout sportif professionnel, les semaines sont rythmées par les séances d’entrainement et les soins, auxquels viennent s’ajouter un certain nombre de stages à Clairefontaine et bien évidemment les matches. Vous ajoutez à tout cela les déplacements et ça nous donne des semaines bien remplies !
Quel est le premier match de ligue 2 que vous ayez arbitré ? Quel était le contexte, et le score ?
Gueugnon contre Metz, avec une victoire un à zéro des Lorrains. J’en garde un souvenir particulier car pour ce premier match, j’avais eu la chance d’assister Stéphane LANNOY, alors numéro un français. Il m’avait mis dans les meilleures dispositions pour mon entrée dans le football professionnel.
J’avais eu la chance d’assister Stéphane LANNOY, alors numéro un français. Il m’avait mis dans les meilleures dispositions pour mon entrée dans le football professionnel.
En 2009, vous officiez en ligue 1. Qu’est ce qui fait la différence entre un arbitre assistant en Nationale et dans l’élite (ligue 2 ou ligue 1) ?
Il y a principalement deux critères qui évoluent en grimpant les échelons : le niveau de jeu et le degré d’exigence. Tout est plus rapide, plus précis et vous devez donc l’être également. Et les attentes de l’environnement sont sans commune mesure en Ligue 1, en raison notamment d’une pression populaire et médiatique beaucoup plus importante. Enfin, il ne faut pas oublier les enjeux financiers pour les clubs et les différents acteurs. Le mélange de tous ces ingrédients peut être compliqué à appréhender pour un arbitre ou un assistant qui ne serait pas bien préparé ou pas bien accompagné.
La prestation d’un arbitre central peut-elle être jugée indépendamment de ses assistants et inversement ?
Oui et non. L’appréciation est nécessairement individuelle mais la prestation ne peut être que collective. On ne peut pas réussir un match tout seul dans son coin, l’arbitrage est vraiment un travail d’équipe.
Un arbitre central officie-t-il toujours avec les mêmes assistants ?
Pas nécessairement. Il existe beaucoup d’équipes d’arbitres sous forme de duos ou trios mais pour autant, il est fréquent que les arbitres assistants soient désignés avec un autre arbitre que le leur.
Un arbitre assistant peut-il découvrir le niveau international seul, et sans l’arbitre central avec lequel il officie ?
Oui mais c’est plutôt rare.
Vous avez officiez pendant 6 ans avec Lionel Jaffredo. Comment qualifieriez-vous votre relation ?
Avec Lionel et également avec Tugdual PHILIPPE, l’autre assistant de notre trio. J’étais le dernier arrivé dans cette équipe, nous avons passé 6 saisons absolument incroyables. Emmenés par Lionel, nous avons progressé saisons après saisons, jusqu’à arbitrer toutes les plus belles affiches françaises. Mais au-delà de ça, nous avons construit une relation extraordinaire, faite de sincérité, d’honnêteté et de beaucoup d’humour. Je me sens vraiment chanceux d’avoir pu vivre autant de saisons avec des garçons de cette qualité. Je peux vous dire que face à l’adversité, quand le bateau tangue un peu, ça vous donne une force et une confiance hors normes.
Nous avons construit une relation extraordinaire, faite de sincérité, d’honnêteté et de beaucoup d’humour. Je me sens vraiment chanceux d’avoir pu vivre autant de saisons avec des garçons de cette qualité.
Aviez-vous la même préparation physique que lui ?
Pas exactement car les exigences physiques ne sont pas les mêmes. Un arbitre central va parcourir beaucoup de kilomètres au cours d’une rencontre, là où un assistant en fera beaucoup moins, mais avec un besoin permanent de vitesse et d’explosivité.
Les arbitres ont-ils recours à des préparateurs mentaux ?
Certains, oui. Pour ma part, je n’en ai jamais ressenti le besoin.
A la mi-temps d’un match, l’arbitre assistant sait-il s’il a signalé à tort un hors jeu ? Comment faire pour gérer cette situation ?
Oh que oui, parfois même pendant le match. On a beau se dire qu’il faut rester dans sa bulle, on finit toujours par recevoir l’information, de manière plus ou moins bien intentionnée d’ailleurs. C’est compliqué, parce que l’essence même de la fonction, c’est de prendre les bonnes décisions. On a beau savoir que l’erreur est inévitable, c’est toujours dur à encaisser. Alors il faut vite se re-concentrer, évacuer le stress inhérent à cette situation et faire en sorte d’éviter le ‘sur-accident’, la survenue de nouvelles erreurs.
La communication dans un trio arbitral est indispensable, et facilitée par les micros-oreillettes utilisés depuis 2002. Comment faisaient les arbitres dans le passé, et aujourd’hui ceux qui officient à un moindre niveau ?
J’ai eu la chance d’avoir ce dispositif dès mon arrivée dans le foot pro. C’est vrai qu’une fois qu’on y a goutté, il est difficile de s’en passer. Pour autant il existe plein d’autres façons de communiquer avec l’arbitre central, ce n’est pas insurmontable.
Un assistant peut-il être influencé par des éléments extérieurs (supporters adverses, déclarations d’avant matchs de présidents de clubs ou joueurs, bancs de touche) ?
Oui, bien sûr mais la vraie force d’un arbitre, c’est justement de résister à ça. Chacun gère à sa façon, il n’y a pas de méthode type. Moi je me mettais dans une bulle, je ne lisais et n’écoutais rien. Par exemple, je n’ai vu que tard dans la nuit après le match que le journal L’Équipe avait fortement mis en cause la désignation de notre trio pour le match OM / PSG, parce que c’était la première fois depuis des années que le match n’était pas confié à des arbitres internationaux. Je ne sais pas si cet article aurait eu une influence sur ma prestation ce soir là mais au moins, je n’ai pas eu à me poser la question.
Vous avez toujours gardé un emploi à côté de votre fonction d’arbitre. Pour quelles raisons ?
C’était une évidence pour moi. J’avais besoin de garder un ancrage fort dans la réalité professionnelle, de ne pas mettre de côté ma carrière et également de préparer l’après arbitrage. J’y trouvais un équilibre qui m’a sans doute permis de durer.
Quel est le salaire d’un arbitre assistant en national ? Ligue 2 et Ligue 1 ?
Les modes de rémunération ont changé depuis mon arrêt, notamment avec l’introduction du statut Élite, je ne peux donc pas vous dire ce qu’il en est aujourd’hui.
Il y avait une forme de lassitude et également un agacement croissant face au management assez infantilisant auquel nous étions soumis. A la trêve hivernale, ma décision d’arrêter en fin de saison était prise.
En 2017, plus exactement, même s’il m’a fallu rester officiellement arbitre une saison de plus pour des raisons purement administratives. Lionel Jaffredo prenant sa retraite, j’étais arrivé au bout d’un cycle. J’avais pris le temps d’y réfléchir, nous en avions beaucoup parlé au sein du trio et avec mes proches, et assez rapidement il m’est apparu que je n’avais pas vraiment envie de redémarrer une nouvelle aventure, que ce soit seul ou en intégrant une nouvelle équipe. Après 12 années de professionnalisme, dont 8 en Ligue 1, il y avait une forme de lassitude et également un agacement croissant face au management assez infantilisant auquel nous étions soumis. A la trêve hivernale, ma décision d’arrêter en fin de saison était prise.
Quel est votre meilleur souvenir ? Et le pire souvenir sur un terrain ?
La notion de plaisir est intimement liée à la notion de résultat dans l’arbitrage, les pires souvenirs sont donc rattachés aux erreurs que j’ai pu commettre. Quant aux meilleurs… Plutôt que des instants particuliers, je garde le souvenir de tous ces moments passés avec Lionel et Tugdual, de toutes les difficultés que nous avons dû affronter et de tous nos succès. Une vraie et belle aventure humaine.
Le(s) stade(s) que vous aimiez le plus ?
Sans hésiter, ceux avec les plus grosses ambiances : le Vélodrome, le Parc des Princes et Geoffroy-Guichard.
Quels sont les joueurs qui vous ont marqué ?
Là encore, je ne suis pas trop dans cet état d’esprit… J’ai arbitré d’excellents joueurs, de vraies stars, et j’y ai pris beaucoup de plaisir mais je n’ai pas de nom qui ressort.
Le ou les matchs importants que vous avez gardé en tête ?
Il y en a eu tellement…Marseille / Paris, bien sûr ; le derby corse entre Bastia et l’AC Ajaccio que j’ai arbitré à deux reprises. le derby Saint Etienne / Lyon également. Et puis j’ai eu la chance d’être désigné sur trois demi-finales de Coupe de France et de Coupe de la Ligue.
UNE VISION DE L’ARBITRAGE ET SON EVOLUTION
Comment expliquez-vous l’image négative des arbitres en France et plus globalement dans le foot ?
C’est un vase sujet sujet… L’arbitre c’est l’empêcheur de tourner en rond, celui qui vient fixer les limites, dès lors, il n’y a qu’un pas à franchir pour en faire le bouc émissaire idéal. Attention, je ne dis pas que toutes les critiques sont injustifiées, loin de là. Mais il y a quand même une vraie paresse intellectuelle à tout vouloir analyser par le prisme de l’arbitrage, tant du côté des acteurs que des journalistes… On sent quand même que les choses évoluent ces dernières saisons, sous l’influence notamment de quelques commentateurs.
Il y a quand même une vraie paresse intellectuelle à tout vouloir analyser par le prisme de l’arbitrage, tant du côté des acteurs que des journalistes.
Clément Turpin expliquait dans un entretien, rechercher des assistants qui « partagent la même philosophie de jeu et d’arbitrage ». Quelle était la votre et celle de Lionel Jaffredo ?
La priorité c’était d’accompagner le jeu et les joueurs, d’intervenir le moins possible, par exemple en jouant au maximum avec l’avantage. Avec Lionel, c’était la force tranquille : toujours disponibles pour échanger, toujours ouverts avec les joueurs et l’environnement mais quand il fallait prendre des décisions ou sévir, interdiction de reculer !
Ce concept de « philosophie d’arbitrage » est difficile à comprendre pour beaucoup d’amateurs de foot. Tous les arbitres n’ont donc pas la même « philosophie » et la même manière d’arbitrer ?
Je sais… On a envie de dire à l’arbitre : « vous êtes là pour appliquer les règles, faites le et ça sera déjà pas mal ! ». Sauf que quand on rentre dans le vif du sujet, c’est bien plus compliqué que ça. Contrairement à ce qu’on peut penser, l’arbitrage ce n’est pas « y a faute » ou « y a pas faute », ce n’est pas une activité binaire. Il y a toute une zone grise, sujette à interprétation et donc dans laquelle des arbitres ne prendront pas les mêmes décisions. On travaille pour obtenir une uniformité mais il y aura toujours une part incompressible d’interprétation.

Les supporters ont grandi avec cette phrase « L’arbitre a toujours raison ». Êtes-vous d’accord avec cette phrase ?
Bien sûr que non, l’arbitre n’a pas toujours raison. Mais il reste celui qui doit prendre les décisions sur le terrain et généralement celui qui connait le mieux les règles. Alors autant lui faire confiance et l’accompagner dans sa mission.
Que ce soit Philippe Malige ou Bruno Derrien, tout deux ont regretté l’absence de droit de parole donnée aux arbitres après un match. Êtes-vous d’accord et comment l’expliquez-vous ?
La direction de l’arbitrage interdit aux arbitres de s’exprimer tant qu’elle n’a pas donné son autorisation. Dans le monde de communication et d’interconnections dans lequel nous vivons, et encore plus dans le football d’aujourd’hui, c’est une position franchement passéiste. Quant aux explications qui ont pu nous être présentées au cours de ma carrière, elles ont toujours été nébuleuses. Je crois que le fond du problème, c’est que les dirigeants ont une confiance plus que limitée dans leurs arbitres. A titre d’exemple, il y a quelques années on m’avait refusé une interview sur la télé locale d’Angers, comme si cela présentait le moindre danger pour l’arbitrage français. Le problème c’est qu’à trop vouloir contrôler, ces personnes se sont dangereusement coupées des attentes des clubs professionnels.
Je crois que le fond du problème, c’est que les dirigeants ont une confiance plus que limitée dans leurs arbitres.
Les arbitres ne gagneraient-ils pas à communiquer, pour expliquer leur choix et éventuellement reconnaître les éventuelles erreurs ?
Si, bien sûr. Mais attention, communiquer cela ne veut pas dire passer son temps à répondre à des polémiques sur de supposées erreurs. Cela fait des années que je suggère une conférence de presse hebdomadaire, à l’initiative de la direction de l’arbitrage. Cela permettrait certes de reconnaitre les quelques erreurs commises au cours d’une saison mais surtout d’apporter des précisions et des explications sur les bonnes décisions. Je suis convaincu que cette pédagogie aurait des conséquences bénéfiques non seulement pour l’arbitrage mais plus généralement pour le football.
Êtes vous favorable à ce que le téléspectateur ait accès aux propos de l’arbitre pendant la rencontre ? Je crois que le dispositif avait été testé en coupe de la Ligue. Le foot, la mission et l’image de l’arbitre n’en seraient-ils pas améliorés ?
Ça a été testé en finale de coupe de la Ligue effectivement. Je pense que cela plaisait aux téléspectateurs, notamment en permettant de mieux comprendre les décisions de l’arbitre. Mais le dispositif était assez lourd puisqu’il y avait une personne déléguée par la direction de l’arbitrage dans le car régie, pour décider d’ouvrir ou non le canal son en fonction des situations. Ça me paraît difficile d’avoir une telle organisation pour tous les matches de Ligue 1, il faudrait quelque chose de plus léger. En tout cas, sur le principe, je suis entièrement pour.

L’UEFA avait expérimenté l’arbitrage à 5, avec deux arbitres de surface. Qu’en pensiez vous ?
J’ai eu la chance de participer à un certain nombre de matches dans cette configuration, j’ai toujours trouvé que cela apportait un grand confort et donc plus de sérénité aux arbitres. On a lu et entendu beaucoup de choses fausses à ce sujet. Pour ma part, je reste persuadé que bien organisé, l’arbitrage à 5 (6 en fait avec le 4ème arbitre) est une bonne solution.
L’arbitre de touche au rugby apparaît beaucoup plus actif sur la gestion des mauvais gestes que dans le football. Est-ce le cas ?
Sans doute y a-t-il plus de mauvais gestes dans le rugby ? Au-delà de la boutade, je n’ai jamais trouvé très pertinent de comparer des sports entre eux.
Certains assistants sont témoins d’un mauvais coup, d’une action litigieuse et n’interviennent pas. Comment l’expliquez vous ?
Il y a autant d’explications que de situations. Mal placé, mal vu, pas ressenti la gravité de ce que qui s’est passé… Vous savez, toutes les décisions doivent être prises dans l’instantanéité, cela génère forcément des erreurs.
En tant qu’ancien assistant, étiez-vous pour l’instauration du VAR ? Auriez-vous aimé cet outil pendant votre carrière ?
Je crois que tous les arbitres sont pour avoir des outils qui permettraient de limiter les erreurs. A cet égard, j’aurais aimé l’expérimenter mais j’ai mis un terme à ma carrière juste avant son introduction.
Comment jugez-vous le VAR depuis le début de saison ?
Avec mon œil extérieur, je dirais que ce n’est pas une franche réussite. Pas spécialement en Ligue 1 d’ailleurs, mais on a pu voir dans les championnats étrangers ou pendant la Coupe du Monde que la mise en œuvre est fastidieuse et très peu lisible. Le pire dans tout ça, c’est qu’on a fait rentrer un système à créer des penaltys qui dénature quand même beaucoup le football.
La prise de décision n’est elle pas trop longue ? Quid de l’absence de communication dans les tribunes ?
Mais c’est forcément long ! Comment pourrait-il en être autrement alors qu’il faut un échange entre les arbitres puis éventuellement un visionnage des images par le central ? Ou alors on décide que les décisions sont prises par les arbitres vidéo et les arbitres sur le terrain ne sont là que pour appliquer ce qui leur est dit dans l’oreillette.
Le révélateur de hors-jeu à la télévision ne met-il pas l’arbitre assistant dans une situation de porte-à-faux ?
Avec le VAR non, puisqu’il est maintenant acté que la décision est prise par les arbitres vidéo et plus par l’assistant. Non, le vrai problème du révélateur, c’est qu’il ne révèle rien ! Combien de lignes de travers, positionnées sur un défenseur pris au hasard, quand ce n’est pas sur un attaquant… Sans compter qu’à une image près (et il y en a des dizaines par seconde), on peut avoir hors-jeu ou pas. Le problème, comme pour le VAR d’ailleurs, c’est qu’on a voulu faire croire qu’il s’agissait d’outils scientifiques donc infaillibles. Or ils ne sont ni l’un ni l’autre.
Refuser un but grâce au révélateur de hors jeu, dont l’image dépend de l’action d’un homme dans une cabine, est-elle plus juste que la vision d’un arbitre de touche ?
Pas nécessairement, pour les raisons évoquées précédemment. Cela permet tout de même de corriger les erreurs manifestes. Même si elles sont très rares, on ne peut pas exclure leur survenance et c’est donc une bonne chose dans ce cadre. Mais, on a mis le doigt dans un système où le réalisateur, en montrant les images qu’il veut, va pouvoir avoir une influence sur les décisions arbitrales et donc sur le résultat du match. Puisque vous parliez de rugby, on sait que c’est déjà le cas et certains réalisateurs ne s’en cachent même pas !

L’instauration du hors jeu passif a-t-elle compliqué votre tâche sur la gestion du hors jeu ?
La règle s’est complexifiée au fil des saisons, c’est vrai. Peut-être un peu trop mais c’est aussi ce qui fait son intérêt. Et puis c’est la seule règle complexe d’un sport qui est incroyablement simple.
L’expulsion temporaire vous apparaît-elle une nécessité dans le football actuel ?
Je ne sais pas. Je ne doute pas qu’elle ait une vertu pédagogique auprès des jeunes joueurs mais chez les adultes ? Je n’ai pas la réponse à cette question. En tout cas, il me semble qu’elle n’a pas sa place dans le football professionnel.
Enfin, les mains dans la surface de réparation deviennent un sujet récurrent à polémique malgré le VAR. Un coup franc indirect ne serait-il pas le bon compromis pour éviter le pénalty systématique en cas de main dans la surface ?
Le Board a déjà répondu à cette question en faisant évoluer la loi. Je ne sais pas ce que cela va donner mais on est face à la première fois où une règle est modifiée à cause des injonctions de la vidéo. Je ne suis pas persuadé que ce soit la meilleure des choses pour le football.
Nous tenons à remercier chaleureusement Pierre pour sa disponibilité et lui souhaitons bonne continuation dans ses divers projets.
JM