PRO – Entretien avec Gladys DIBLING, Nutritionniste du Sport et Naturopathe

Spécialisée dans le domaine du sport, Gladys DIBLING est passé par le FC Metz, l’Impact de Montréal ou encore à l’Olympique Lyonnais en tant que nutritionniste du sport et naturopathe. Les jeunes en centre de formation ont-ils conscience de l’importante de l’alimentation ? Qu’en est-il des professionnels ? Qu’est ce qu’une bonne alimentation chez un sportif de haut niveau ? C’est ce que nous allons tenter de comprendre.

Pouvez-vous revenir sur votre parcours, le contexte dans lequel vous avez évolué et grandi ?

Je suis née à Metz, où j’y ai grandi jusqu’à mes 18 ans. Fille unique, j’ai toujours été très entourée par mes proches, famille et amis. De ce fait, j’ai été habituée depuis petite à m’intéresser au sport, à regarder des matchs de football et à apprécier ce domaine !

A quel âge le sport est arrivé dans votre vie ?

Me concernant, le sport est arrivé dans ma vie au lycée. Ayant eu un problème de santé depuis petite, j’ai toujours été dispensée de sport à l’école, ce qui a été très frustrant pour moi. Puis un jour, j’ai décidé de lâcher toutes les interdictions et j’ai commencé à faire du sport. Depuis je n’ai plus arrêté et l’activité sportive est devenue indispensable pour mon bien-être.

Jeune, aviez-vous des idoles ou référents ?

Non, je n’avais pas d’idole étant jeune. Cependant, j’ai toujours admiré la motivation et la détermination chez les grands sportifs, dans toutes les disciplines.

Adolescent, aviez-vous déjà en tête de faire une carrière dans le secteur sportif ?

Je n’avais pas en tête de faire une carrière dans le secteur du sport. J’étais comme beaucoup d’adolescent(e)s, un peu perdue concernant mon orientation professionnelle. Je me suis donc laissée guider par ce que j’aimais faire et le domaine que j’avais envie d’approfondir. Quand j’ai commencé à étudier la nutrition, c’est apparu comme une évidence. J’exerce aujourd’hui un métier qui me passionne réellement.

Pouvez-vous revenir sur vos études et votre parcours professionnel ?

J’ai réalisé un Baccalauréat Scientifique en Lorraine. Ensuite je suis partie à Montpellier pendant trois ans pour réaliser un Bachelor en Nutrition et Nutrition sportive adaptée. Après mon Bachelor, je suis allée pendant plusieurs mois à Montréal au Canada, réaliser mon stage de fin d’études à l’Impact de Montréal.

Enfin, je me suis installée sur Lyon pour réaliser une formation intensive de Naturopathie, où j’ai pu travailler en parallèle avec l’Olympique Lyonnais. Grâce à mon parcours, je suis aujourd’hui Nutritionniste du Sport et Naturopathe.

Qu’est ce qu’un nutritionniste du sport ? Comment définiriez-vous votre métier ?

Un nutritionniste du sport est un professionnel de santé qui s’occupe de l’alimentation et de l’hygiène de vie des sportifs. Ma mission est de les éduquer au niveau nutritionnel, afin de leur apprendre à savoir quoi manger pour être performant, pour gérer leur poids, leur pourcentage de masse grasse, pour éviter les blessures mais aussi pour être en bonne santé. Mon objectif est de leur donner les moyens dans le but qu’ils puissent être autonomes face à leur alimentation ainsi qu’à leur hygiène de vie, en sachant exactement ce dont ils ont besoin et à quel moment.

Qu’est-ce que la naturopathie ? Comment peut-elle s’appliquer dans le sport de haut niveau ? Quel impact ?

La Naturopathie est considérée comme une médecine non conventionnelle. Grâce à des moyens naturels comme les plantes, les huiles essentielles, l’alimentation, la gestion du stress, la réflexologie plantaire, etc, elle permet d’améliorer le quotidien de tous. Elle s’applique parfaitement aux sportifs car elle permet d’avoir une prise en charge plus complète. Tous ces moyens naturels sont parfaits pour les sportifs qui souhaitent être accompagnés, améliorer leurs capacités physiques et mentales, et mettre toutes les chances de leurs côtés pour performer.

En quoi la naturopathie est complémentaire de la nutrition ?

La nutrition est une discipline intégrante de la Naturopathie. Elles sont tout à fait complémentaires car elles participent à l’amélioration de la santé et tendent vers un but commun, le mieux-être.

Tous les sports nécessitent-ils le même apport nutritionnel, une alimentation identique?

Non tous les sports sont différents et nécessitent des apports nutritionnels différents. La prise en charge nutritionnelle doit de façon indispensable, être individualisée. Chaque sport a ses propres directives et chaque sportif est unique (métabolisme, génétique, santé, goûts, habitudes, envies, modes de vie, etc…)

Vous débutez votre parcours sportif à Metz, en stage chez les U19. Quel était votre rôle ?

Mon rôle était de prendre en charge au niveau nutritionnel, et de façon individuelle et collective, les équipes U19 (filles et garçons). C’était ma première expérience dans un club de football professionnel.

Les jeunes de centre de formation ont-ils conscience de l’influence de l’alimentation sur la performance ?

Pour être honnête, très peu à mon grand regret. Il y a peu d’éducation alimentaire en France, même dans les meilleurs centres de formation. Heureusement c’est quelque chose qui évolue positivement et je suis là pour ça. Dès le plus jeune âge, il devrait être nécessaire d’éduquer les jeunes sportifs sur leur alimentation et leur hygiène de vie. Leur corps est leur outil de travail au quotidien, les façons de le nourrir, de le traiter et de leur respecter sont capitales.

Il y a peu d’éducation alimentaire en France, même dans les meilleurs centres de formation.

L’alimentation d’un jeune de haut niveau est-elle différente d’un joueur expérimenté ? Les besoins sont-ils les mêmes ?

Non, l’alimentation est différente et les besoins ne sont pas similaires. Un jeune est encore en pleine croissance et ceci est un élément très important à prendre en compte, encore plus pour les sportifs. Généralement, il débute sa carrière et commence à créer ses premières grandes expériences. Bien que certains aient déjà pas mal d’expériences, il doit encore tout apprendre.

Un joueur expérimenté a plus d’expériences et de recul sur soi, son corps et son travail. La plupart du temps, il sait ce qui est bon pour lui et ce qui ne l’est pas. De manière générale, on retrouve plus de sérieux et de rigueur chez un joueur expérimenté, mais cela dépend de la maturité du sportif.

Quels sont les besoins d’un joueur de football ? Le besoin dépend-il du poste entre un gardien de but et un milieu de terrain ?

Le joueur de football a des besoins spécifiques de part l’intensité et la fréquence de ses entraînements, le poste où il évolue ainsi que le championnat dans lequel il joue.

Le football est une activité sportive discontinue car l’intensité n’est pas régulière au cours d’un match. Pour vous donner une moyenne, un joueur de haut niveau, d’environ 75 kg peut dépenser environ 1600 kcal au cours d’un match de 90 minutes. Les besoins sont en effet différents selon les postes car certains nécessitent de l’explosivité, de la force ou encore de l’endurance.

Un joueur de haut niveau, d’environ 75 kg peut dépenser environ 1600 kcal au cours d’un match de 90 minutes..

Les organismes sont-ils égaux devant la nourriture ? Qu’est ce qu’on appelle un métabolisme rapide ? et un métabolisme lent ?

Non tous les organismes ne sont pas égaux face à la nourriture. Le métabolisme rapide est un métabolisme qui va assimiler rapidement les aliments, induisant une digestion assez rapide. Ce métabolisme a tendance à brûler très vite de l’énergie, et à stocker peu de masse grasse. Inversement pour le métabolisme lent.

On reconnaît la vitesse d’un métabolisme grâce à plusieurs paramètres mais les principaux sont la durée de digestion, la fréquence des selles, la gestion du poids et la densité musculaire. Tous les paramètres doivent être utilisés en consultation pour définir précisément la vitesse du métabolisme de chacun. Certaines fois pour plus de données médicales, les résultats de la dernière prise de sang peuvent être demandés.

IMC, pourcentage de masse graisseuse et de muscle, Pourcentage d’eau, age métabolique ? Sur quel indicateur vous basez-vous pour établir un diagnostic ?

Cela dépend des personnes et les objectifs de ces dernières. J’utilise toujours comme premier indicateur le pourcentage de masse grasse, que je réalise avec une pince à plis cutanés Harpenden, matériel de référence. Je travaille également beaucoup en parallèle avec des physiothérapeutes et préparateurs physiques pour avoir un diagnostic complet. Je ne possède pas encore de balance impédancemètre car je n’ai pas de cabinet fixe.

Dans l’inconscient collectif, le sportif professionnel se contente de manger des pâtes… Est-ce un cliché ?

Oui c’est une idée reçue. On peut aujourd’hui trouver des repas plus adaptés aux sportifs. Il existe de très nombreux aliments, il est important d’avoir une alimentation diversifiée et surtout de ne pas rester sur des habitudes que l’on entendait plusieurs années en arrière. Il faut savoir évoluer, s’entourer de bons professionnels et s’instruire de vraies informations.

La nutrition est une question d’habitude qui peut dépendre de l’entourage, de la famille. Comment gérez-vous l’environnement extérieur ?

L’environnement extérieur est très important pour le sportif car il possède une grande influence sur ce dernier. Pour les mineurs, je réalise toujours une consultation nutritionnelle avec les parents afin que l’environnement à la maison soit en accord avec les objectifs du sportif. Également, j’ai déjà réalisé des conférences pour les proches des sportifs, notamment à Montréal, pour les sensibiliser un maximum sur les besoins des athlètes. Tout est lié, il est important de tout prendre en compte et que l’entourage du joueur soit dans la même démarche que lui.

Un ancien capitaine de l’équipe de France évoquait un jour une anecdote sur Cristiano Ronaldo: « J’ai un conseil à vous donner : si Cristiano vous invite à déjeuner chez lui, il faut dire non. Un jour, il m’a dit: « Patrice, viens à la maison après l’entraînement ». Sur la table, il n’y avait que de la salade, du blanc de poulet sec et de l’eau ». Qu’est ce que çà vous inspire ?

Il faut savoir mettre en place une alimentation qualitative par rapport à ses efforts physiques. Cependant, les notions de plaisir et de partage autour d’un repas ne doivent pas être oubliées. Cristiano Ronaldo est le premier joueur que je prends en exemple, pour son travail, son sérieux et sa détermination. Il montre bien le fait que les efforts nutritionnels et d’hygiène de vie, payent et sont indispensables pour performer à son niveau.

Gladys DIBLING, Didier DROGBA et Hassoun CAMA
Gladys DIBLING, Didier DROGBA et Hassoun CAMARA – Source [2]

Est-ce possible de mêler le plaisir de la nourriture et la performance de haut niveau ?

Bien évidemment et c’est même tout l’enjeu. Je ne suis pas du tout favorable aux régimes alimentaires qui induisent frustrations et perte de plaisir. Il faut se faire plaisir, bien choisir les aliments ainsi que les moments. Un sportif professionnel reste un humain avant tout.

Vous évoquiez votre activité à l’impact de Montréal. La culture de la nutrition est-elle différente à l’étranger ? La France est-elle en retard sur le domaine ?

Oui elle est différente. Les Canadiens ont beaucoup plus d’avance et d’ouverture face à leur hygiène de vie. En France, nous sommes encore en retard dans ce domaine et nous avons beaucoup de choses à rattraper face à cela. Cela me motive encore plus à faire bouger les choses car c’est indispensable.

Les Canadiens ont beaucoup plus d’avance et d’ouverture face à leur hygiène de vie. En France, nous sommes encore en retard dans ce domaine et nous avons beaucoup de choses à rattraper.

Existe-t-il des nutritionnistes dans chaque club professionnel en France ?

Non, il n’y a pas de nutritionniste dans chaque club, cela dépend des priorités du club et malheureusement, encore beaucoup ne sont pas conscients de l’importance de la nutrition et de l’hygiène de vie dans les performances sportives.

Après l’impact de Montréal, vous allez occuper un poste de consultant pour la CFA à l’Olympique Lyonnais. Quelle était votre activité ? Quels sont les grands souvenirs que vous gardez de cette expérience ? S’il y avait UNE chose à retenir, quelle serait-elle ?

Mon rôle était de sensibiliser et d’éduquer les sportifs de l’équipe réserve sur leur alimentation. Le fait d’avoir travailler aux côtés de Cris, grand sportif et grand professionnel, a été très enrichissant pour moi. Une chose à retenir : Avec de la persévérance et de la bonne volonté, on arrive à tout.

Les équipes jouant la coupe d’Europe sont amenés à beaucoup voyager. Comment agit le décalage horaire sur l’horloge biologique et le corps ?

Le décalage horaire a forcément des répercussions physiologiques sur notre corps. Heureusement, en dessous de 3h, les effets sont moindres. En Europe il n’y a donc pas de réelles problématiques face à cela car les fuseaux ne varient pas beaucoup. Dans un cas différent, le meilleur remède contre la fatigue, c’est le sommeil. Il faut se reposer un maximum et écouter son corps.

Beaucoup de sportifs ont une prise de conscience une fois blessés, et commencent à comprendre qu’ils doivent faire attention à leur alimentation et leur hygiène de vie.

En effet, dans un premier temps en mangeant mieux, l’organisme va moins se fatiguer et donc mieux récupérer. Il existe également d’autres aides, comme par exemple des plantes qui peuvent aider à gérer le décalage horaire. Mais le meilleur remède contre la fatigue reste le sommeil.

Certains joueurs font le ramadan. Est-ce selon compatible avec le très haut niveau ? Quelles sont les conséquences physiologiques sur l’organisme ? Comment s’adapte-t-on ?

Oui cela peut être compatible, mais pas dans tous les cas de figure. Le moment de l’année du ramadan et le championnat du sportif sont déterminants pour répondre à cette question. Effectivement, si le sportif se trouve dans un gros championnat, nécessitant plusieurs heures d’efforts sportifs par jour, il est recommandé de le différer pour ne pas porter atteinte à sa santé.

Aujourd’hui vous travaillez à votre compte dans toute la France mais également à l’étranger. Pour quels types de consultations fait-on appel à vous ?

En effet, je travaille dans plusieurs villes en France et à Luxembourg, notamment sur Lyon, Paris, Metz et je me déplace quotidiennement dans d’autres villes quand les sportifs font appel à moi. On me contacte pour des consultations nutritionnelles, améliorer son alimentation et son hygiène de vie afin d’avoir une meilleure santé, de meilleures performances et une meilleure énergie.

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Hassoun CAMARA – Source [1]

Beaucoup de sportifs ont une prise de conscience une fois blessés, et commencent à comprendre qu’ils doivent faire attention à leur alimentation et leur hygiène de vie. Dans ma pratique, j’essaie de leur apprendre dès le début qu’il est préférable de prévenir plutôt que de guérir. Je travaille également avec toutes autres populations, pour différentes problématiques, de santé, gestion du poids, etc.

Enfin, comment gérer l’alimentation pour une grande compétition internationale comme une coupe du monde ?

Il faut beaucoup d’organisation pour gérer un événement telle qu’une coupe du monde. Il faut tout prévoir, se renseigner sur les différents lieux, prévoir la disponibilité et l’accessibilité aux aliments présents dans le pays, en fonction des entraînements et des matchs prévus. Il faut également prendre en compte les problématiques de chaque joueur, possédant des problématiques et besoins différents. Je n’en ai personnellement jamais préparé mais ce serait un grand plaisir de pouvoir le faire un jour.

Nous tenons à remercier chaleureusement Gladys pour sa participation et sa disponibilité et lui souhaitons bonnes continuations dans la suite de ses projets.

Sources et références

[1] – Site Gladys Dibling

[2] – Site Facebook

JM