PRO – Entretien avec Philippe MALIGE, ex-arbitre professionnel français (1/2)

Ancien arbitre professionnel de Ligue 1 de 2004 à 2012, Philippe Malige a occupé le poste d’observateur d’arbitre en ligue 1 et est désormais délégué régional d’Occitanie pour le SAFE (syndicat des Arbitre de football d’Elite). L’occasion de revenir sur une carrière débutée dans le sud de la France, et aborder l’arbitrage actuel et son évolution.

LA DÉCOUVERTE DU FOOT ET DE L’ARBITRAGE

Avant de rentrer dans le vif du sujet, pouvez-vous revenir sur votre enfance, le contexte dans lequel vous avez grandi ?

Je suis né à Nîmes il y a 51 ans, mes parents étaient commerçants et mon père était arbitre au niveau départemental, puis dirigeant de l’arbitrage ainsi que…président du club des supporters de Nîmes Olympique.

Quels sont vos premiers souvenirs de football ?

D’une part, ce sont mes « premiers pas » de footballeur, à l’âge de 8 ans au Club Sportif des Cheminots Nîmois, d’autre part ce sont les matchs de Nîmes Olympique que j’allais voir avec mon père au « mythique » stade Jean Bouin. Je supporte le Nîmes Olympique depuis la saison 1976/1977.

Jeune, quelles étaient vos idoles (sportives et professionnelles) ?

Je ne me souviens pas avoir idolâtré un joueur de foot en particulier…

Quel est votre premier souvenir avec un sifflet dans la main ?

C’était lors de mon premier match, en mai 1982. J’avais arbitré le Gazelec de Nîmes contre Vergèze en catégorie minimes. En l’absence de vestiaire, je m’étais changé dans la voiture de mon père et rempli la feuille de match sur le capot !

A quel âge débutez-vous officiellement l’arbitrage et à quel niveau ? Quels souvenirs en gardez-vous ?

J’ai commencé à 14 ans, j’arbitrais des matchs de jeunes au niveau départemental.

2004 – 2012 : UNE CARRIÈRE PROFESSIONNELLE

Vous gravissez les échelons et découvrez la ligue 1 en 2004. Comment franchissez-vous ces étapes ? Quels sont les différents tests / études pour devenir professionnel ?

Pour évoluer au plus haut niveau, il faut gravir un à un tous les échelons de la hiérarchie. Je suis donc passé par le niveau district, puis ligue avant de devenir « arbitre de la Fédération (à partir du CFA2- National 3). Jusqu’au niveau fédéral, on passe un examen (théorique et pratique), pour accéder à la fédération, on passe un concours où seuls les meilleurs sont sélectionnés. A partir de là, ce sont les seules performances sur le terrain qui permettent de franchir toutes les étapes menant à la L1. Les arbitres sont notés et classés avec un système d’accessions et de rétrogradations.

Quel est votre premier match professionnel ? Quelles images en gardez-vous ?

C’était un match de promus : Caen – Istres. C’était un rêve qui devenait réalité que j’ai eu la chance de partager avec mon ami et fidèle assistant Philippe Larose qui évoluait depuis plusieurs saisons à ce niveau et qui avait accepté de faire équipe avec moi. Sa présence rassurante m’a permis d’appréhender ce match plus sereinement.

J’ai eu la chance de partager ce rêve avec mon ami et fidèle assistant Philippe Larose qui évoluait depuis plusieurs saisons à ce niveau et qui avait accepté de faire équipe avec moi..

Des modèles vous ont-ils inspiré dans ce métier ?

Michel Vautrot a été, depuis mes débuts, un exemple voire un modèle, tant comme arbitre qu’humainement. Après son immense carrière, il fut un grand dirigeant de l’arbitrage que beaucoup regrettent encore aujourd’hui. J’ai la chance d’être devenu l’un de ses amis.

Michel Vautrot
Michel Vautrot – Source France3

Quelles sont les principales qualités d’un arbitre professionnel ?

Outre des qualités physiques, un arbitre de haut niveau doit avoir des qualités de management, une personnalité affirmée, une autorité naturelle et une bonne dose de psychologie.

Le milieu de l’arbitrage est un milieu assez concurrentiel. Quelles relations entreteniez-vous avec vos collègues de profession ?
J’ai toujours eu d’excellents rapports avec mes collègues, avec bien sûr, plus d’affinités avec certains. D’ailleurs, j’ai le plaisir de les côtoyer à nouveau lorsqu’ils sont désignés pour arbitrer à Nîmes.

L’arbitre n’a pas un statut professionnel en France et beaucoup d’arbitres occupent une activité en parallèle. Était-ce votre cas ?

Depuis 3 ans, la plupart des arbitres centraux de L1 et quelques arbitres assistants sont sous contrat avec la FFF mais effectivement, beaucoup ont conservé une activité professionnelle parallèle en aménageant leur emploi du temps, en raison principalement de la précarité de leur situation. En effet, ce sont des contrats d’un, deux ou trois ans qui peuvent ne pas être renouvelés. En ce qui me concerne, ce régime n’était pas encore en place et j’étais employé de banque à mi-temps.

Comment s’organise le quotidien d’un arbitre professionnel ?

Depuis quelques années, les exigences physiques sont encore plus importantes qu’à mon époque, ce qui oblige les arbitres à un entrainement quasi-quotidien. Outre les entrainements, les arbitres « pro » préparent leur match en visionnant les rencontres précédentes des équipes qu’ils vont diriger, organisent leur déplacement (hôtel, train ou avion…). De plus, ils sont rassemblés très (trop) souvent à Clairefontaine par la Direction Nationale de l’Arbitrage.

Depuis quelques années, les exigences physiques sont encore plus importantes qu’à mon époque, ce qui oblige les arbitres à un entrainement quasi-quotidien.

Combien gagne un arbitre professionnel en France ? Est-ce la même chose à l’étranger ?

Entre 10 000 et 15 000€ par mois, ce qui peut paraître beaucoup mais n’oublions pas les sacrifices personnels et professionnels qu’ils sont amenés à faire, les responsabilités qu’ils exercent et le milieu du foot professionnel dans lequel ils évoluent et où ils sont finalement les moins bien payés ! Les arbitres français sont par ailleurs moins bien rémunérés que leurs collègues des autres grands championnats européens (Italie, Espagne, Angleterre, Allemagne).

Vous prenez votre retraite en 2012, après 8 ans de carrière. Qu’est-ce qui vous a persuadé que c’était le moment de dire stop ?

Oui, 8 ans de carrière en L1, mais 30 ans au total. Le règlement de l’époque qui prévoyait une limite d’âge à 45 ans ! Depuis cette limite d’âge a disparu mais les tests physiques, déjà exigeants à mon époque, ont été durcis, si bien que les arbitres arrêtent peu ou prou à 45/46 ans !

Quel est le match dont vous êtes le plus fier ? Et a contrario, le match dans lequel vous avez été le plus en difficulté ?

Je ne suis pas fier d’un match en particulier, plutôt de la globalité de ma carrière, d’avoir réussi à atteindre le plus haut niveau et d’y rester. Je suis aussi heureux d’avoir réussi à conserver des contacts amicaux avec certains joueurs que j’ai arbitrés, preuve qu’ils devaient m’apprécier humainement.

A suivre prochainement, la dernière partie de l’entretien avec Philippe Malige où nous reviendrons sur son après carrière et sa vision du milieu arbitral.

JM