
On dit souvent qu’une bonne émission est conditionnée par les compétences de l’invité. L’émission de l’AfterFoot (Radio RMC du 24 Mars 2015) en est la parfaite illustration avec comme intervenant l’excellent Luc Dayan (dont on vous recommande le livre Hors-jeu, édition Hugo Sport, 2010) pour parler business et compétitivité des clubs de football français.
L’objectif de l’oligopolistique émission était de donner des pistes et/ou d’offrir des moyens, solutions pour « sauver » le sport professionnel numéro 1 en France. Après cette émission, beaucoup de réflexions ont été faites, et il nous semblait important de revenir sur certains points, quelque peu naïfs.
Sauver le foot français : Est-ce possible ?
La question peut paraître saugrenue. A-t-il besoin d’être sauvé ? Est-il au bord d’une mort clinique ? évidemment non. Quel que soit le sort des clubs, nous aurons toujours un championnat de L1. Le football professionnel jouit d’une immortalité au regard de son statut auprès du peuple.
En revanche, quel football français souhaitons-nous ? Ce qui est réellement en danger est la compétitivité de notre football au niveau européen depuis des décennies. Structurellement, le football français de club n’a que très rarement été compétitif. Une réussite ponctuelle, épisodique, factuelle et non structurelle. En l’état, il est impossible d’envisager un football français compétitif au niveau européen sans apport de cash étranger, imposant une gestion de club étrangère, avec des objectifs à moyen long terme.
Apport de l’étranger
Sedan, Le Mans, Grenoble, Lens… Toutes ces villes à fort potentiel (avec stade neuf désiré par personne) n’ont intéressé d’industriel français, capable de redresser ces clubs. Pour quelles raisons ? Manque d’envie ? de goût pour le football ? de savoir-faire ? Ville peu attractive, et manque de « bling bling », car effectivement, Sedan n’est effectivement pas Paris ? Chacun se fera sa réponse. Qui peut donc reprendre aujourd’hui ces clubs, si ce n’est un investisseur étranger. Mais ce dernier veut être compétitif et a besoin d’un apport d’argent important. Monaco et le Paris-Saint-Germain sont deux clubs français, (rapportant des points UEFA à la France) mais avec une gestion de club étrangère. Au P.S.G, les Qataris ont d’abord misé sur une expérience étrangère, avant de « franciser » le staff et de voir poindre l’arrivée des problèmes, et des mauvaises performances (cf. fin 2013-2014 et début 2014-2015). Quelle est la touche française à Monaco aujourd’hui ?
Lille, Marseille, Lyon voire Nice ou Bordeaux sont le fruit d’une culture et réflexion française, avec les difficultés qui en découlent : Absences de continuité sur le plan national, et déception en coupe d’Europe. Il ne s’agit en aucun cas d’un « french bashing » ou d’un avis mais d’un constat sur les dernières années. Le savoir-faire et l’expertise étrangère apportent des idées nouvelles et ont permis à l’Angleterre de s’ouvrir sur l’extérieur et de s’améliorer sur le plan managérial comme l’indique Simon Kuper (Les attaquants les plus chers ne sont pas ceux qui marquent le plus, édition De Boeck, 2012). Or, la France a un fonctionnement en autarcie et souffre d’un « racisme » footballistique assez présent.
Le système français sclérosé
Notre football ne cesse de vouloir copier l’étranger et applique alors des modes organisationnels incompatibles avec son propre environnement. Par exemple, la L1 et L2 à 20 clubs n’a pas de sens, les deux coupes nationales en Angleterre sont alors inefficaces en France, le mode de redistribution des revenus entre la Ligue 1 et la Ligue 2 est archaïque. Le retour d’une ligue 1 à 18 clubs se fera-t-elle sans la contestation des petits clubs de L1 et L2 ? La réforme du football français semblera utopique tant que la grosse partie du pouvoir décisionnel sera dans les mains des petits clubs.
En l’état, comment imaginer le football français être compétitif au niveau européen ? A moins d’espérer le PSG et Monaco en Ligue des champions de manière récurrente et qu’un club français ne recrute un entraîneur faisant de l’Europa League un objectif majeur… A ce titre, il faut féliciter comme il se doit l’En Avant Guingamp et son entraîneur, figure d’exception confirmant la règle.
Mais existe-t-il des moyens pour redresser notre football et accroître sa compétitivité et son attractivité ? Certainement, mais faut-il aller au delà des idées reçues…
Remettre le football français dans le carré VIP européen ?
A mon sens, les réponses sont souvent évoquées mais difficilement applicables pour les raisons mentionnées, ainsi que pour des raisons politiques (cf. Le projet du Stade de Lille, abordé par Luc Dayan)
Remettre le sportif au centre de la réflexion club
Economiser les taxes, recevoir plus d’argent de la part des diffuseurs… Pour beaucoup de clubs, l’approche économique a pris le dessus sur l’approche sportive, à l’image des propos du président de Saint-Etienne se plaignant de la différence de droits TV entre la France et l’Angleterre. Pourquoi toujours parler d’argent, de business et ne jamais mettre le sportif sur le devant de la scène ? Les résultats sportifs doivent gérer l’économique et non l’inverse. Or, en France, la réflexion est aux antipodes de cette politique
FC Séville ou Villareal, les vrais modèles
On parle souvent de budget en France, en oubliant que la comparaison des budgets entre la France et les autres pays d’Europe n’a pas de sens, sans la prise en compte des taxes. Mais, soulignons le superbe travail réalisé dans la détection des joueurs par Antonio Salamanca à Villareal ou Ramón Rodríguez Verdejo « Monchi », directeur sportif du FC Séville. Ce sont certainement les modèles à suivre et non les faux-bons exemples portugais mis en avant en France de manière simpliste.
TPO, Salary Cap bonnes idées mais incomplètes
Pour accroître la compétitivité, la fameuse TPO (Third Party Ownership) est souvent agitée comme la solution miracle. En soi, l’idée est intéressante si et seulement si le sous-jacent n’est pas un être humain. Si la justice autorise la TPO, l’idée serait qu’elle ne représente pas plus de 20% à 30% de l’actif. En effet, avec des pourcentages supérieurs, le rapport de force peut échapper au club et la TPO peut forcer un transfert à l’image de Rojo, passé du Sporting Lisbonne à Manchester United. Si le joueur est considéré comme un actif et non comme un être humain (ce qui sous-entend un autre moyen de rémunération que le salaire, mais c’est un autre débat), le sujet de la TPO a du sens, quand bien même étant un vecteur d’inflation sur le marché des transferts : Une sorte d’excroissance inflationniste d’une bulle déjà gonflée.
Dans les autres solutions souvent mentionnées, l’instauration du « salary cap » revient avec insistance. Des clubs de Ligue 1 comme Lille, Rennes (ou Saint-Etienne aujourd’hui) ont capé le salaire à une somme maximale et offert en complément un variable corrélé aux résultats sportif du club. Mais la libre circulation de la main d’œuvre au sein de l’Union Européenne limite les bienfaits de cette politique. A défaut d’instaurer un « salary cap » global au sein de tous les pays membres de l’Union Européenne (je n’aborderai pas le problème de fluctuation des devises), la rémunération avec un salary cap semble difficile sur le long terme. Finalement, un des leviers pour aider le football français réside en Europe avec le F.F.P (Financal Fair Play), même s’il n’est évidemment pas parfait. Et si caper le montant des transferts était une solution ?
Merchandising, stade en propriété
Enfin, l’amélioration du merchandising et la vente de produits dérivés est souvent évoquée. De quelle manière, telle est la question. Il existe en réalité deux types de clubs : Ceux à forte identité régionale, qui doit servir de levier, et les autres. Les clubs à faible identité sont alors tributaires des résultats sportifs à moyen long terme. Le P.S.G a bien compris : En France, il faut des stars, de la performance et du spectacle pour attirer les gens au stade. En effet, notre pays n’est pas un pays de fan addict, comparable à l’Angleterre par exemple. Il peut le devenir, mais a besoin d’un pouvoir attractif comme la recherche du spectacle et l’arrivée de stars. Comment espérer remplir une enceinte si le niveau de l’équipe est faible et aux mauvaises performances sportives en Europe ?
![Stade des Lumières - Source [3]](https://soccerpopulaire.files.wordpress.com/2015/03/stade-des-lumic3a8res-jpeg.jpg?w=593)
Après d’énormes erreurs, l’OL s’est vu dans l’obligation d’orienter sa stratégie sur l’identité, le centre de formation et le nouveau stade des lumières, soutenue par une zone commerciale capable de s’affranchir de mauvais résultats sportifs. C’est une politique risquée mais qui a le mérite d’exister. Néanmoins, la pérennité de ce projet passe par des performances sportives européennes de haut niveau pour s’installer durablement dans le haut niveau et capitaliser le Stade des Lumières.
L1, quel modèle à suivre ?
Pour voir le football français dans ce fameux carré VIP européen, une évolution est nécessaire. Le modèle d’organisation le plus approprié semble celui de la Bundelsiga, qui contrairement à ce qu’a déclaré Daniel Riolo dans l’émission Afterfoot, est ce qui se rapproche le plus d’une ligue fermée. L’organisation du championnat allemand est ultra protectionniste vis à vis des clubs historiques : Championnat à 18 clubs, une coupe nationale, une trêve à noël qui permet de recharger les batteries pour la coupe d’Europe, deux relégations directes plus un barrage permettant d’avoir un joker. Contrairement aux déclarations du journaliste, trois gros clubs sont en danger depuis 4/5 ans en Allemagne : Hambourg, Stuttgart et le Werder Brême, qui sans cette organisation, aurait vécu une descente en division inférieure. Le modèle allemand est une idée, qui pour une fois, peut être adoptée en France.
La Premier League est également un exemple. Comme l’a souligné Luc Dayan, le danger de la ligue ouverte réside dans l’accident sportif, ruinant les années d’efforts et aboutissant à de gros problèmes financiers. Or, les droits TV en Angleterre permettent à un club relégué de bénéficier d’un parachute doré, assumant les dégâts financiers d’une descente en deuxième division. Si nous voulions établir la même chose en France, cela sous-entendrait de modifier la structure même de redistribution des droits et de créer un système Premier League à la française. On pourrait imaginer une refonte de la ligue 2, la création d’une ligue 3, avec un cahier des charges drastique en termes de stade et de centre de formation, obligation d’un nombre de joueur du centre de formation dans l’effectif et une limite du nombre de joueurs sous contrat en L3, L2 et Elite (Premier League à la Française).
D’ailleurs le nombre de joueurs sous contrat devrait être imposé partout en Europe avec un nombre maximal de joueur « prêtable » pour un joueur ou non du centre de formation. La L2 et L3 permettraient le développement de droit TV au niveau local et créerait un dynamisme microscopique dans un premier temps, permettant aux clubs de se consolider structurellement.
Références
[1] – site Amazone
[2] – Site Sauramps
[3] – Site Olweb