
Dans notre tour d’horizon des supporters, nous sommes partis à la rencontre de l’Union des Supporters Stéphanois. Qui sont-ils ? Comment vivent-ils leur passion pour le football et l’A.S.S.E ? Comment réagissent-ils aux récentes décisions ministérielles interdisant les supporters de se déplacer ? Jean-Guy Riou, président de l’U.S.S. répond à nos questions.
Bonjour, pouvez-vous présenter l’Union des Supporters Stéphanois ?
L’Union des Supporters Stéphanois est issue d’une scission au sein des Associés Supporters pendant l’année 2005. À cette époque, nous avions été plusieurs présidents de sections d’Associés Supporters à dénoncer certains dysfonctionnements de la Présidence des associés ainsi que des malversations. Comme nous n’avons pas été suivis, nous avons décidé en accord avec l ’AS Saint-Étienne de créer le 5ème groupe de Supporters officiels de l ’AS Saint-Étienne à savoir l’Union des Supporters Stéphanois (U.S.S.). Nous avons trente quatre Groupes U.S.S. répartis en métropole et dans les DOM, ce qui représente environ 1700 adhérents. Nous sommes déclarés en Préfecture en association Loi 1901.
Comment est organisée votre association ?
Nos 34 Groupes sont affiliés à l’U.S.S. en fonction de critères clairement définis. Les adhérents payent leur cotisation à leur Groupe d’appartenance et une quote-part est ensuite reversée à l’U.S.S.
L’union des supporters Stéphanois permet aux supporters d’assister au match des Verts à domicile et à l’extérieur ?
L’U.S.S. est présente à chaque match à domicile. Nous avons environ 600 abonnés au stade Geoffroy-Guichard. En plus des abonnés, la plupart des Groupes répartis aux quatre coins de l’hexagone se déplacent régulièrement dans le « Chaudron ». Pour ce qui est des matches à l’extérieur, il n’y a pas de vérité dans les chiffres. Sur certains déplacements, comme dernièrement à Reims, l’U.S.S. avait le plus gros contingent. Sur d’autres rencontres, ce seront les autres Groupes historiques qui seront plus nombreux.
L’organisation d’un déplacement nécessite combien de temps de préparation ?
Un certain temps… Malheureusement, les contraintes sont de plus en plus importantes, les restrictions de parcage, les points de rendez-vous nous sont donnés de plus en plus tardivement, aussi nous devons à chaque fois nous adapter. Deux personnes sont chargées des déplacements au départ de Saint-Étienne, mais à chaque match, nous avons des Groupes U.S.S. qui en fonction de la proximité du lieu d’une rencontre de Ligue 1 (ou Coupe de la Ligue ou Coupe de France), viennent augmenter le contingent.
Les rencontres de Ligue1 (mais également de Ligue2) ont fait l’objet d’une nouvelle organisation, en raison de la diffusion des matches. Certains horaires sont-ils incompatibles avec l’activité de l’Union des Supporters ?
Oui. Les matches le dimanche à 21h pénalisent une partie de nos Groupes U.S.S. qui sont loin. Car le lendemain, il faut aller au boulot, ou alors il faut poser un jour de récupération. Je ne parle même pas des matches le vendredi, qui obligent certains de nos adhérents à poser une journée de repos pour y assister. Une nouvelle aberration des instances dirigeantes du Football français qui ont abdiqué devant le pouvoir des grands groupes comme Canal + et Bein.
L’ancienne programmation des matches le samedi (après midi et soir) et dimanche (soir sur Canal+) permettait-elle aux supporters de se déplacer davantage ?
Il est clair que les matches le samedi après-midi, ou le samedi soir, permettaient à nos passionnés de se déplacer plus facilement et en nombre. Le dimanche soir est plus compliqué, comme je l’ai évoqué plus haut.
Nous avions interviewé le collectif « Tous Unis pour les Vert » . Comment vous positionnez-vous par rapport à ce collectif ?
Le collectif « Tous unis pour les Verts » nous a contactés peu après les incidents de Nice, en novembre 2013. Ils pensaient au départ qu’aucune relation n’existait entre les Groupes officiels de l’ASSE. Or nous avons pris depuis deux ans, l’initiative de nous rencontrer plusieurs fois par saison sportive. Le collectif a mis en place un ordre de marche qui prévoyait des rencontres entre les Groupes Officiels, le Club et les différentes instances nationales du Football français.
Nous avons eu une réunion avec les représentants de ce collectif, mais aucun des Groupes historiques ne leur a donné pouvoir pour parler en nos noms. Depuis, cette réunion qui s’est tenue en mai 2014, nous n’avons plus eu de contact avec les membres de ce collectif. Le calendrier des rencontres avec le club, la LFP, qu’ils avaient prévu, n’est pas allé jusqu’au bout, puisque la seule réunion que nous avons eu avec les instances de la LFP, les autorités judiciaires et administratives, le club ASSE, s’est déroulée le 18 juin 2014, à l’initiative des Groupes de Supporters de l’ASSE et non à l’initiative du collectif. Leurs intentions étaient certainement louables, mais leurs actions ne sont pas allées au bout.
Dans le milieu du football, on parle beaucoup du mouvement ultra, dans laquelle vous ne figurez pas. Qu’est ce qui vous différencie des associations comme les « Magic Fans » ou « Green Angels » ?
Je laisse le soin aux MF 91 et GA 92 de répondre également à cette question, car je ne parle qu’au nom de l’U.S.S. Nous avons des Groupes dans tout l’hexagone, alors que les MF 91 et GA 92 sont historiquement des locaux, même s’ils ont quelques sections en France.
Le mouvement ultra a des codes et des lignes de conduite qui diffèrent de notre mode de fonctionnement, même si parfois nos revendications sont communes. Contrairement à ce que beaucoup pensent, les 34 Groupes de l’U.S.S. ont une latitude décisionnaire importante, même s’ils sont regroupés au sein de l’Union, puisqu’ils sont juridiquement, administrativement et financièrement indépendants. Les ultras parlent généralement d’une seule voix. De plus ils ont la charge d’animer les tribunes à Geoffroy-Guichard et ce n’est pas une mince affaire…
Un dernier point qui nous différencie est la communication. L’U.S.S. est un des rares Groupes à communiquer via un site internet : www.u-s-s.fr et sur son compte twitter @uss_officiel
Quels liens entretenez-vous avec ces associations ? Quels sont les points communs et les éventuels points de divergence ?
Les relations sont bonnes. Il y a un respect entre les cinq Groupes historiques de l’ASSE, qu’ils soient ultras ou non. Ces relations sont nouvelles et remontent à deux ans, lorsque nous avons préparé la finale gagnée en Coupe de la Ligue au Stade De France.
Nous sommes contraints aux mêmes restrictions lorsque nous nous déplaçons. Aucune distinction n’est faite dans les « parcages » entre supporters ultras ou non ultras. Même si nous avons des divergences de fonctionnement, notre seul but est de supporter « Les Verts » et il faut que personne ne l’oublie.
Quels liens entretenez-vous avec le club ?
Les liens s’étaient distendus il y a quelques années lorsque le Club a traversé une énième mauvaise passe. Ils avaient entre guillemets laissé tomber leurs supporters. Même si les relations ne sont pas revenues au beau fixe, elles existent à nouveau. Mais cela reste compliqué ; car nos intérêts divergent. Pour grandir, le Club doit avoir des résultats, forger une équipe forte et assurer une assise économique en adéquation avec leurs ambitions. Pour nous supporters, quels que soient les résultats, nous serons toujours derrière le club.
L’A.S.S.E a participé à la coupe d’Europe. L’Union des Supporters Stéphanois a-t-elle fait le voyage en Europe, notamment à Kiev ?
Oui, modestement puisque seuls deux membres de l’U.S.S. se sont rendus à Kiev. Ils se sont rendus plus tôt au stade et ont échappé au guet-apens qui avait été tendu aux Supporters Stéphanois. D’ailleurs, alors qu’il y a eu de nombreux blessés, obligeant l’ambassadeur de France en Ukraine à intervenir, aucun média n’a cherché à connaître les raisons des affrontements inégaux qui se sont produits, car je le rappelle, ceux qui ont attaqué les Stéphanois étaient armés et n’avaient rien à voir avec le monde des Supporters.
Revenons à l’actualité autour des tribunes et à cet arrêté interdisant le déplacement des supporters de l’AS. Saint-Étienne lors de la rencontre face au Red Star mardi 10 Janvier. Qu’est ce que vous inspire cette interdiction ?
Une de plus. La saison dernière, nous avions déjà connu pareille mésaventure puisque nous avions été interdits de déplacement à Cannes, et ce déjà par arrêté ministériel. Ce n’est pas tant cet arrêté qui me gêne, mais les décisions prises par la Fédération Française de Football (F.F.F.). En effet, comment peut-on empêcher que le match se déroule au stade « Bauer » sous prétexte qu’il n’est pas aux normes, et par la suite autoriser la rencontre se joue au stade « Jean Bouin », pour finalement apprendre que lui non plus n’est pas en capacité d’accueillir ls Supporters adverses.
Il y a une forme d’incompétence flagrante dans les décisions qui ont été prises par la 3 F., car on ne me fera pas croire qu’à PARIS, aucun stade ne peut accueillir un match de Coupe de France… Ou alors la volonté d’interdire ce déplacement des Supporters de l’ASSE a germé dans les esprits des dirigeants du Football français depuis le début, en tous les cas depuis le tirage au sort de ces huitièmes, et j’en arrête là car on va me traiter de paranoïaque.
Roland Romeyer a imaginé de déclarer forfait. Comment réagiriez-vous si tel était le cas ?
Je pense que Roland a déclaré cela sous le coup de la colère, car après l’élimination en Coupe de la Ligue, la Coupe de France est devenue une priorité du Club. Jouons la et gagnons la. C’est la meilleure des choses qui pourrait nous arriver.
Quelles sont les conséquences concrètes d’une telle décision pour les supporters ?
Tout d’abord financières. Des arrhes ont été versées aux autocaristes lors de la réservation des cars. Un arrêté ministériel ne fait pas partie des clauses qui permettent le remboursement de ces acomptes. Enfin, des Supporters ont posé leur après-midi ou la journée pour pouvoir se rendre à PARIS, assister à ce huitième de finale de Coupe de France. Apprendre le vendredi soir que nous serons interdits de déplacement le mardi suivant est un délai trop court, pour changer les congés. Donc, une fois encore on se fout des Supporters.
De nombreux groupes de supporters ne se déplacent plus dans certains stades, notamment au Parc des Princes à cause du prix des places, de l’impossibilité d’animer les tribunes (tambours, micros et sono). Qu’est ce que cela vous inspire ?
L’Union des Supporters Stéphanois en fait partie, puisque cela fait deux saisons que nos adhérents boycottent le Parc des Princes. La L.F.P. devrait avoir un rôle de régulation des tarifs dans les enceintes sportives. Lille et Monaco sont sur le même fonctionnement et augmentent leurs tarifs chaque année.
Beaucoup pensent aseptiser les tribunes par des tarifs prohibitifs, ils se trompent. Nos instances prennent exemple sur l’Angleterre. Mais on ne peut comparer nos deux Pays. Enlevez les Groupes de Supporters des stades français ne remplira pas pour autant les stades. Il n’y a pas la même passion en Allemagne, Angleterre, Italie et Espagne qu’en France. Le public est complètement différent. En France il y a beaucoup d’amateurs de Football, pas des Supporters, ce qui n’est pas le cas dans les pays que je viens de citer. Enfin, la violence qu’ont connu les clubs anglais était issue de Hooligans. En France, je le répète, on confond supportérisme et hooliganisme.
Depuis quelques années et l’arrivée du Plan Leproux, les supporters de football sont dans le collimateur des pouvoirs publics. Les conditions de déplacement se sont-elles dégradées depuis 2005, date de création de l’USS ?
Oui. Auparavant nous pouvions nous déplacer et visiter les villes ou les régions qui accueillaient les matches de Ligue 1 ou de Ligue 2. Désormais, des points de rendez-vous avec des horaires précis sont fixés pour les Supporters qui se déplacent. Des escortes en cortèges amènent ensuite ces mêmes Supporters dans les parcages. Les fouilles sont de plus en plus poussées. Les stadiers interprètent les règlements ou en inventent, ce qui augmente les tensions à l’arrivée dans les stades adverses.
Et c’est souvent à partir de petits incidents que tout dégénère, alors que cela pourrait être beaucoup plus simple si à l’instar d’autres Pays de Football, des Officiers de liaisons étaient mis en places, si de véritables projets de « socios » étaient mis en place dans les clubs avec un pouvoir participatif des Supporters, et si enfin les instances LFP et FFF avaient la volonté de discuter avec les Supporters. J’en doute cependant, car les dernières déclarations de Noël Le Graët vont à l’opposé de ce qu’il faudrait faire. Si cela lui fait plaisir que sa fédération soit comparée à celle de l’Azerbaïdjan, c’est son problème. Ce qui est surprenant c’est que ces messieurs doivent être au dessus des parlementaires, puisqu’un rapport de Jean Glavany et auparavant, le petit livre vert du supportérisme demandaient à ce qu’un dialogue soit créé avec les Groupes de Supporters.
La LFP et la FFF font exactement l’inverse. Quand à l’Union des Supporters Stéphanois, on est en phase de réflexion pour intégrer le Conseil National des Supporters de Football (C.N.S.F.) ainsi que L’Association Nationale des Supporters (A.N.S.) qui seront reçus mercredi prochain lors d’un colloque au Sénat.
Les pouvoirs publics semblent profiter de l’Euro 2016, pour nettoyer les tribunes actuelles. Êtes-vous inquiets sur ce que pourraient devenir les tribunes de football en France ?
Une nouvelle fois, il y a un amalgame qui n’est pas justifié. La LFP gère les championnats de France. Ce n’est pas la LFP qui a en charge l’organisation de l’Euro d’une part. De plus, les pouvoirs publics vont peut-être avoir à gérer des déplacements massifs de Supporters qui eux ont une culture de hooligans et je ne suis pas sûr qu’un arrêté quel qu’il soit les empêche de commettre des exactions dans les villes où leur club national sera amené à se déplacer…
Un grand merci à Jean-Guy RIOU pour sa disponibilité et nous lui souhaitons bonne continuation.
Référence
[1] – Site internet de l’U.S.S