DOSSIER – Thank you Mr Henry and goodbye

 16 Décembre 2014 – Une page s’est tournée dans l’histoire du football français. L’un des meilleurs joueurs de l’histoire du football tricolore a rangé les crampons à 37 ans, après une carrière auréolée de succès et de distinctions personnelles. Un parcours professionnel débuté à la Turbie du côté de Monaco, poursuivi successivement à la Juventus de Turin, Arsenal, Barcelone pour s’achever du côté de New-York.

Est-ce utile de revenir sur la carrière de Thierry Henry ? Les chiffres, son palmarès, la statue en bronze aux abords de l’Emirates Stadium, les messages de sympathie à la suite de l’annonce de sa retraite… Autant d’éléments et de marque de reconnaissance qui témoignent de ce que représente le natif des Ulis dans le monde du football. Mais qu’en est-il en France ? Elever au rang d’intouchable par les uns, critiquer sévèrement par d’autre, force est de constater que son cas divise dans l’Hexagone.

Elément important à Arsenal, dans l’ombre des grands en Equipe de France

Pour quelles raisons un joueur suscite-t-il la sympathie, et reste ou non, dans les mémoires du public ? L’épisode de Séville 1982 aime à contredire la maxime selon laquelle « le plus important dans le football est la victoire et les 3 points ». Nous abordons une notion relative à l’affectif, l’émotion qui dépasse les chiffres, le palmarès et les titres. Qu’est ce qui relie Thierry Henry à la France ? Fait-il partie des éléments majeurs des grandes photos de ces 20 dernières années dans le football français ? Essayons d’y répondre.

Sélectionné par Aimé Jacquet, auteur de 3 buts en 1998, il n’est que le petit jeune du groupe, derrière les vedettes Blanc, Thuram, Zidane et Petit. Deux ans plus tard, il inscrit le but égalisateur en demi-finale de l’Euro 2000 contre le Portugal, mais l’inconscient collectif retiendra le penalty de Zidane et le but de Wiltord et Trézéguet en finale contre l’Italie.

Désigné comme le patron naturel après l’ère Zizou, Henry n’a jamais été capable de prendre les rênes de l’équipe de France. Les retours de Thuram, Barthez et Zidane pour la qualification à la coupe du monde 2006 l’ont fait reculé dans la hiérarchie, avec en prime la perte du capitanat et des tensions avec le n°10 français. Enfin, buteur en 1/4 de finale contre le Brésil, sa prestation est éclipsée par le chef d’œuvre de Zidane, un soir de Juin 2006 à la Commerzbank-Arena de Francfort. Après les retraites de Zidane, Thuram et Barhez, Thierry Henry a naturellement repris le flambeau, devenir le leader et la tête d’affiche de l’équipe de France auprès du public et des médias.

Relation tendue avec les Médias, L’Irlande et Knysna deux taches indélébiles

A partir de 2006, l’équipe de France va se modeler autour de son buteur, au détriment de David Trézéguet. La France découvre alors un personnage réservé, individualiste, qui contrôle les médias et son image, sans réel lâcher-prise, à l’instar de David Ginola. Comment toucher le public et procurer des émotions dans ces conditions ? Les supporters ne sont-ils attentifs qu’au terrain ? Le rectangle vert justement, c’est ce qui intéresse le plus Thierry Henry. Toutes ces interviews transpirent son amour pour le football et le goût du jeu. Le terrain, c’est ce qu’il voulait aborder dans un entretien accordé aux journalistes français après un match avec les New-York Red Bulls. Mais ces derniers, plus intéressés par son look, ont provoqué la colère du Néo-retraité.

Cet épisode, un brin grotesque, résume quelque peu les relations qu’ils entretenaient avec les médias français depuis 4 ans. Tout a commencé le 19 Novembre 2009, au Stade de France. On joue la 104ème minute dans les prolongations du barrage retour contre l’Irlande (victoire 1/0 à Dublin) lorsque Thierry Henry contrôle le ballon de la main, pour offrir le but à William Gallas et une qualification pour la coupe du monde en Afrique du Sud. Ce qui devait être un simple fait de jeu, une banale histoire de football, s’est transformée en déferlement médiatique, au point de faire oublier le véritable buteur de cette rencontre.

David Ginola a également concentré les critiques en 1993 (France / Bulgarie), suite à l’échec en qualification pour la coupe du monde 1994. Dans des circonstances différentes, Thierry Henry est plongé dans une polémique hors-terrain qui dépasse le cadre franco-français. Europe, Asie, Océanie…la main de Thierry Henry fait le tour du monde et les critiques pleuvent, même en Angleterre où il est une véritable idole. Au delà de la main, c’est surtout l’attitude d’Henry, rajoutée à l’exubérance de la joie de Domenech et son staff à la fin du match qui sont pointées du doigt. La presse française sera peut-être la plus mesurée à l’image de la une de LEQUIPE.

Malgré le soutien rapide de Noël Legraët, Thierry Henry ne jouira pas de l’excuse publique dont avait bénéficié Zinedine Zidane trois ans plus tôt en finale de coupe du Monde à Berlin. Thierry Henry s’est-il senti blessé par ce deux poids deux mesures ?

La France aurait-elle du davantage le soutenir ? Quid de ses coéquipiers ? Mis à part Malouda et Evra, peu sont monté au créneau pour le soutenir comme le concède son ancien partenaire Sidney Govou : « L’équipe de France dure 10 jours, le temps d’une sélection. Après, on retourne tous en club, dans notre vie quotidienne. Ce n’est pas qu’on oublie, mais on s’est peut être caché les uns les autres derrière notre club. On n’est pas tous monté au créneau pour le protéger. C’est peut être une erreur collective à ce moment là »7

Quelques mois plus tard, le scenario se répètera, cette fois ci en coupe du monde. Les médias français vont également être au cœur du feuilleton qui ternira la sortie de N°14 des Gunners avec les Bleus. Pourtant, Henry a failli ne pas voir le Field of Dreams. En effet, Domenech a longtemps hésité à l’emmener, doutant de sa capacité à jouer le remplaçant et lui reprochant de connaitre l’Afrique du Sud à des fins statistiques (4 phases finales de coupe du monde). Mais incapable de lui dire qu’il ne serait pas dans la liste, il prit finalement le pari d’en faire un élément essentiel de la vie de groupe.

« Nul n’est prophète en son pays »

On connait malheureusement la suite. Quoi qu’on peut penser de la une du journal LEQUIPE, rien ne justifiait réellement de se saborder. Comment un joueur de cette trempe a-t-il pu se laisser embarquer dans cette vaste blague ? Henry avait-il encore du poids sur les joueurs ? Etait-il encore respecté ? Aurait-il encore été lâché par les joueurs ? Dans son livre Tout Seul, Raymond Domenech donne des explications qui vont dans ce sens. Après avoir traversé les compétitions internationales dans l’ombre des grands joueurs, Titi a vécu Knsysna dans l’ombre des petits joueurs.

A son retour en France, il rencontrera le Président Sarkozy à l’Elysée, visiblement le seul à pouvoir jouir des confessions du n°12 tricolore, avant de prendre l’avion pour les Etats-Unis. En 2012, il fera une pige de deux mois à Arsenal, histoire de marquer un but contre Leeds à 34 ans et recevoir une belle standing ovation en Angleterre.

Thierry Henry est en réalité, le symbole de l’élite mondialisée, partie très tôt de France poursuivre sa carrière, réussir, gagner des titres et de l’argent. Mais que représente aujourd’hui la France pour lui ? Il est né en France mais a vu le jour, s’est construit footballistiquement en Angleterre et c’est sans surprise qu’il poursuivra sa vie dans « son pays », en tant que consultant pour Sky Sports.

Thank you Mister Henry

Références

[1] – Image issue du site NouvelObs

[2] – Image issue du site Sport24.LeFigaro

[3] – Image issue du site Express

[4] – Image issue du site Euro.Tf1

[5] – Image issue du site NewsBBC

[6] – Image issue du site arretsurimages

[7] – L’énigme Henry – (18’ 30’’)

[8] – Tout Seul – Raymond Domenech – Flamarion 2013

[9] – Journal LEQUIPE – 19 Juin 2010

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