
Pointés du doigt et souvent à la Une des médias, les supporters de football font l’objet d’une attention toute particulière de la part du gouvernement Français. En effet, l’ancien ministre de l’Intérieur Manuel Valls et l’ex-ministre des Sports Valérie Fourneyron ont rencontré les dirigeants et représentants du football professionnel en janvier dernier. Au programme, une réunion sur la sécurité dans les stades, et un appel à la « fermeté ». C’est dans ce contexte compliqué, qu’a vu le jour à Saint-Etienne, le collectif « Tous Unis pour les Verts ». De quoi s’agit-il ? Comment est née cette initiative ? Retour sur une démarche originale, initiée par les réseaux sociaux.
![Supporters des Verts - Source [1]](http://soccerpopulaire.com/wp-content/uploads/2014/04/supporters-asse.jpg)
Bonjour et merci d’avoir accepté de répondre à nos questions. Qu’est ce que le collectif « Tous Unis pour les Verts » et comment est-il né ?
On attribue souvent cette initiative en réponse aux problèmes qui ont éclaté entre les supporters Niçois et Stéphanois en novembre dernier. La proximité avec ces débordements n’est due qu’à un malheureux hasard. En réalité, les premières initiatives sont nées après la réception de Lorient le 20 octobre dernier. Lors de ce match, des stadiers ont confisqué des écharpes aux couleurs des Green-Angels. Cet acte gratuit nous a profondément choqué. La répression atteint de telles extrémités que les libertés individuelles en sont bafouées ! Comment peut-on laisser faire ça, d’autant plus à Saint-Etienne, où le public est une composante fondamentale de l’ASSE ? Nous avons donc décidé d’agir.
Comment s’est structuré ce collectif, et quelles ont été les premières démarches ?
Les premiers membres du Collectif ont commencé à se contacter sur un forum de supporters de l’ASSE de manière à structurer le travail et faire bouger les choses : La rédaction d’un appel à la mobilisation, ainsi que d’une liste de diffusion rendant compte des idées du collectif, a permis de réunir du monde (environ 80 personnes) afin de travailler sur différents thèmes.
Nous avons défini un certain nombre de groupes de travail afin de mieux cibler les problématiques. Les premières réalisations ont vu le jour, notamment la rédaction d’une pétition, ainsi que d’une lettre ouverte adressée à la direction de l’ASSE et aux différents groupes de supporters. Ceci a permis de prendre contact avec les différents acteurs. Très rapidement, nous avons mis en avant le Livre Vert du supporterisme remis au gouvernement en 2010, et dont les conclusions correspondent tout à fait à notre approche.
Le collectif est-il une association ? Quel est son statut juridique ?
Des statuts sont prêts pour nous structurer en association loi 1901. Il ne reste plus qu’à les déposer. Nous les gardons pour le moment sous le coude. En effet, nous n’avons pas besoin de nous doter de la capacité juridique, puisque nous n’utilisons pas d’argent, n’employons pas de salarié, et ne comptons pas intenter nous-même des actions en justice. Contrairement à l’idée répandue, il n’y a pas besoin d’une structuration juridique déposée en préfecture pour qu’une association existe. C’est aussi pour cela que nous considérons sans ambiguïté les Green-Angels comme un groupe à part entière, qui, si l’on tient compte de l’ensemble de ses actions depuis plus de vingt ans, conserve toute sa légitimité dans le microcosme stéphanois.
Quels sont les différents objectifs de ce collectif ?
Un des premiers objectifs est la constitution d’un conseil des supporters, réunissant direction du club, groupes de supporters, et des représentants de la LFP et des pouvoirs publics. Nous travaillons actuellement sur plusieurs autres dossiers, comme la rédaction d’une « charte des droits et devoirs du supporters ». L’idée est de dépassionner le débat crispé autour des ultras et faire cohabiter dans le stade tous les supporters, d’ouvrir un nouvel espace de discussion, où la voix de chaque supporter des verts qui le souhaite pourrait s’exprimer.

Ce n’est ce pas le cas selon vous aujourd’hui ?
De manière générale, les supporters sont toujours tenus à distance lors des discussions importantes les concernant, notamment sur le volet sécuritaire. A Saint-Etienne, les relations entre la direction et les différents groupes sont très compliquées, avec d’un côté les groupes qui subissent la répression toujours croissante des différentes instances et qui se radicalisent, et de l’autre, l’ASSE qui subit la pression de la LFP, n’hésitant pas à sanctionner durement le club dès le moindre incident. Il est plus que temps que tout le monde se mette autour d’une table pour discuter calmement. C’est l’objectif du Conseil des supporters.
Par ailleurs, il est vrai qu’un supporter non-carté dans l’un des cinq groupes, et qui ne souhaite pas faire cette démarche, est de fait coupé du club. A moyen ou long terme, nous souhaiterions imaginer dépasser cette limite, sans que le collectif ne devienne un groupe à part entière. Ce n’est pas notre vocation d’organiser des déplacements ou d’obtenir des rabais sur les billets, par exemple.
L’autre mission de notre collectif est de « Devenir une expertise technique, juridique et sociologique ».
A ce jour, combien d’adhérents compte votre collectif ? Quelles sont vos ressources pour assurer ces objectifs ?
Il n’y a pas d’adhérent au sens strict, puisqu’il n y a pas de cotisation. La liste de diffusion comprend actuellement 107 membres, et nous sommes une quinzaine de membres actifs dans les travaux. La pétition compte 965 signataires, et nous avons également plus de 450 mentions « j’aime » sur notre page Facebook. C’est un objectif très ambitieux pour des bénévoles comme nous. L’idée est de montrer que nous pouvons avoir sur les questions qui nous touchent, des avis aussi éclairés que des experts. Nous avons mis en place une veille qui nous livre des articles d’actualités sur le sujet. Les exemples de ce qui se passe (ou s’est passé) à l’étranger sont également intéressants. Par exemple, le rapport Taylor en Angleterre ou la situation italienne montrent bien que la seule répression ne peut résoudre les problèmes liées à la violence dans ou autour des stades.
Nous sommes également en contact avec des experts spécialistes sur des questions juridiques ou sociales. Une première analyse des textes du Code du Sport ainsi que des règlements de la LFP et la FFF a été réalisée. Enfin nous avons étudié le Livre Vert du Supporterisme, rapport commandé par le ministère des Sports en 2010, et ressorti les problématiques importantes pour l’exemple stéphanois. Ce dernier travail a donné lieu à une note de dix pages, disponible en ligne, et qui représente dans la forme le modèle-type de ce qu’on veut apporter.
Enfin, nous travaillons actuellement à un sondage destiné à mieux cibler le public de Geoffroy-Guichard et son ressenti sur des questions diverses, comme par exemple l’organisation de la sécurité. Mais comme je vous l’ai dit, nos ressources humaines sont limitées et notre priorité est actuellement le Conseil des Supporters.
Comment votre démarche a-t-elle été perçue par les groupes de supporters (Magic-Fans 91, Associés Supporters, Union des Supporters Stéphanois, Indépendantistes Stéphanois 98, Green-Angels 92). Avez-vous rencontré les responsables de groupes ?
Après une période de défiance légitime, les groupes semblent accueillir favorablement notre action. Les contacts avec des responsables de tous les groupes sont récurrents et plutôt bons. Il faut dire que parmi nous se trouvent d’anciens membres des groupes. Le dialogue n’est donc pas difficile à instaurer !
Qu’en est-il du côté du club ?
Là aussi, l’accueil est bon. Deux membres du collectif ont rencontré Roland Romeyer en décembre à l’Etrat, et le club est intéressé par une action de conciliation entre toutes les parties. Comme pour les groupes, nous gardons un contact régulier avec M. Romeyer depuis cette rencontre de décembre.
![Objectif du RES - Source [1]](http://soccerpopulaire.com/wp-content/uploads/2014/03/objectif-du-res.jpg)
L’UEFA impose au club depuis 2012/2013 la désignation d’un RES (Responsable de l’encadrement des supporters). Existe-t-il un poste comme celui-ci à Saint-Etienne ?
Au sein du Directoire de l’ASSE, il nous semble que Dominique Rocheteau est en charge des relations entre le club et ses supporters. Il n’était pas présent lors de l’entrevue entre les représentant du Collectif et Roland Romeyer à l’Etrat en décembre dernier.
Certaines de vos actions sont assez proches du RES. Ce collectif a-t-il pour ambition d’endosser ce rôle ?
Bien que certains rôles du RES décrits par l’UEFA soient proches de ce que nous souhaitons mettre en place (en particulier favoriser les conditions du dialogue permanent entre la direction et les supporters au sujet des questions les concernant de premier ordre), le Collectif, qui est indépendant du club ou de tout groupe de supporters, n’a pas velléité à remplir ce rôle.
Aujourd’hui, où en êtes après 6 mois d’activité?
Concernant le Conseil des Supporters, nous avons transmis une préfiguration détaillée aux cinq groupes. Nous sommes actuellement dans une phase de rencontres groupe par groupe, pour recueillir leurs remarques et leurs contre-propositions. L’objectif est d’arriver à un projet partagé par tous avant de le présenter ensemble au club. M. Romeyer nous a par ailleurs confirmé récemment son intérêt pour la démarche. C’est notre dossier prioritaire.
Nous travaillons essentiellement sur trois autres dossiers : la charte et le sondage déjà évoquées, mais aussi une note d’expertise sur la responsabilité juridique des clubs par rapport aux agissements de leurs supporters. Enfin, nous continuons la structuration du collectif. Nous devrions par exemple bientôt ouvrir notre site Internet. Et bien sûr, nous continuons nos démarches de rencontre d’interlocuteurs pertinents et nous tournons en ce moment vers les pouvoirs publics (Etat et collectivités locales).
La question des supporters est justement une question de pouvoir public. Avez-vous des contacts ?
Oui, les représentants du collectif ont été reçus par Mme la Préfète de la Loire, en présence également de son directeur de cabinet, du directeur départemental de la cohésion sociale, du chef du service départemental de l’information générale et de la directrice départementale de la sécurité publique. Les représentants de « Tous unis pour les Verts » ont présenté les fondements et exposé les objectifs du collectif. La discussion a été franche, ouverte et très constructive. Nous leur avons notamment remis la note « Livre vert du supporterisme : Quelles pistes à exploiter pour l’A.S.S.E ».
![Supporters des Verts - Source [1]](http://soccerpopulaire.com/wp-content/uploads/2014/03/supporters-asse2-e1395770070121.jpg?w=593)
Comment ont-ils appréhendé votre démarche ?
Notre initiative locale, avec en particulier cet objectif de mise en place du Conseil des supporters, est prise très au sérieux par les représentants de l’Etat. Pour sortir de cette crise, c’est selon eux, la seule issue possible s’inscrivant dans une démarche plus globale de défense du football populaire.
Êtes-vous revenu sur le derby du 10 Novembre dernier, et notamment la décision de la Préfecture de la Loire d’interdire les déplacements de supporteurs de l’Olympique Lyonnais à Geoffroy Guichard ?
Nous préférons ne pas communiquer précisément sur le contenu de cette réunion. C’est à la préfecture de faire des annonces.
Nicolas Hourcade, sociologue et spécialiste du sujet, déclarait que l’interdiction de déplacement était une solution « pour des situations très difficiles à gérer, où on n’est pas certain de pouvoir assurer la sécurité et où il y a un coût pour la collectivité ». Vous l’avez rencontré, je crois. Vous confirmez ?
Oui, nous avons pu dîner avec Nicolas Hourcade. C’est un sociologue spécialiste du supporterisme, reconnu à l’échelle nationale et qui connait bien les groupes de Sainté.
Comment perçoit-il votre projet ?
Il nous a confirmé la difficulté à initier une politique respectueuse des supporters centralisée à l’échelle du pays. Selon lui, la solution pourrait résider dans l’émergence d’initiatives locales qui serviraient de projets-pilotes. Il estime que Saint-Etienne serait un bon endroit pour mener un tel projet. Nous avons également beaucoup parlé du Rapport Glavany « pour un football durable », auquel Nicolas Hourcade a participé. Nous mettons en ce moment la dernière main à un récapitulatif des propositions du rapport qui concernent les supporters. Ce premier contact a été très cordial, et nous espérons qu’il augure d’une collaboration fructueuse.
Quelles sont les difficultés rencontrées par le collectif ?
Il y a en coulisses une forte pression pour se contenter d’aborder le supporter comme un délinquant potentiel qu’il faut contrôler et punir sévèrement à la moindre incartade. Cette tendance-là a, au niveau national, le dessus sur celle qui promeut la concertation, le dialogue, la responsabilisation des acteurs. Je pense sincèrement qu’il est possible à Saint-Etienne d’inventer quelque chose d’original : tout le monde y a intérêt. Malheureusement, ce contexte lourd, renforcé par l’Euro 2016 qui approche à grands pas, constitue la principale menace pour l’ASSE et le Peuple Vert.
Nous tenons à remercier chaleureusement le collectif « Tous Unis pour les Verts » et nous lui souhaitons bonne continuation pour la suite
Références
[1] – Site Le Progrès
[2] – Site UEFA – Responsables Encadrements Supporters
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