CdM 2014 – Barrages – France / Ukraine – Les Bleus forcent le barrage

L’équipe de France avait rendez-vous avec son destin, pour une double confrontation contre l’Ukraine, avec en jeu, un billet direction le Brésil en juin prochain. Le temps s’est arrêté sur la planète France et l’heure de la réconciliation, du soutien total et de l’union sacré a sonné. C’est du moins, ce que souhaitait Didier Deschamps. Les journalistes français ont accepté la requête de Philippe Tournon, chef de presse de l’Equipe de France, et oublié les sujets qui fâchent en conférence de presse : les polémiques entre Evra et les médias, l’altercation entre Franck Ribery et Gérard Houiller après le match amical France/Australie… La plupart des personnalités sportives, politiques, et médiatiques ont emboité le pas et ont apporté leur soutien aux hommes de « la Dèche ». La veille du barrage aller, Vincent Candela s’est exprimé : « il faut arrêter les polémiques et être en bloc autour de Didier Deschamps et de Franck Ribéry ». Très bien, oublions…

Un scenario Hollywoodien

L’Ukraine était désignée par nombre d’observateurs comme le tirage idéal. Comment expliquer cet élan d’optimisme ? Sur quels critères se basait cette réflexion ? Difficile d’y répondre, tant cette nation de foot semblait mal connue en France. L’ignorance, l’arrogance et le mépris font toujours dire autant d’âneries…Nous avions exposé, dans un article précédent, les forces et les faiblesses des joueurs de Fomenko. A Kiev, la promenade de santé des Bleus n’a pas eu lieu. Si Vincent Candela déclarait « Je pense qu’on est plus fort, que les bases y sont, mais il va falloir le démontrer maintenant », les hommes de Didier Deschamps ont été incapables de lui donner raison. Dépassés dans la détermination, battus dans le duel physique et l’essence même du sport de haut niveau, les Bleus ont mangé la poussière, bien aidé par un choix tactique étrange. Nasri, Matuidi, Pogba et Remy ont joué à des postes différents de ceux occupés en club. La titularisation d’Eric Abidal est également à remettre en cause. Le monégasque joue désormais sur son expérience, sur l’anticipation, mais il ne va plus au duel. C’est fort logiquement qu’il a souffert face à Zozulya. Yarmolenko et Konoplyanka ont mis à mal les latéraux français Debuchy et Evra. Pogba et Matuidi ont bien essayé de compenser les brèches, Matuidi couvrant Patrice Evra au poste d’arrière gauche pendant que Pogba suppléait Abidal au duel avec l’attaquant ukrainien. En vain…C’est ce même, Zozulya qui ouvrit le score au terme d’une belle action collective.

En alignant, une équipe résolument offensive (4 joueurs offensifs et deux latéraux portés sur l’attaque), Didier Deschamps a surtout déséquilibré son équipe. Régulièrement coupée en deux, les tricolores ne se sont procurés qu’une seule véritable occasion par l’intermédiaire de Nasri. Physiquement, mentalement et tactiquement supérieure, l’Ukraine va doubler la mise sur penalty à la suite d’une faute de Koscielny, jusque là, parfait. Pour clôturer le tout, le Gunners finira aux vestiaires pour un geste d’humeur à quelques minutes de la fin, geste idiot et inutile qui illustre à lui seul la performance de l’équipe de France… Une rencontre qui se terminera à 10 contre 10, Kucher contraint de laisser ses partenaires à une minute de la fin et provoquant la colère du sélectionneur Jaune et Bleu.

Les bleus touchent le fond

Défaite 2/0 sur le terrain, l’équipe de France s’est également illustrée en coulisse en conférence de presse. « On est tombé une belle équipe, bien en place. Elle nous a lancé un défi physique. On y a répondu mais ils ont été légèrement supérieurs et ils ont eu de la réussite. On est dos au mur mais il y a de l’espoir » déclare le gardien des Bleus. Samir Nasri évoque la malchance : « 2-0, c’est sévère. On a eu des actions, on n’a pas fait preuve d’efficacité. On a été puni. En plus, on est malchanceux sur les buts car Hugo touche le ballon. Le talent, on l’a. Il faut être déterminé à renverser la vapeur et y croire ». La réponse de Karim Benzema est à l’image de son entrée en jeu, nonchalante, à la 78ème minute : « Quand on prend deux buts c’est difficile, mais on va tout faire pour gagner et se qualifier. Sur le papier, on est meilleur qu’eux, on a plus de talent mais ça ne suffit pas sur ce genre de rencontre. Ils ont mis plus d’impact physique que nous. Il faut se serrer les coudes, s’entraider, prendre des risques. »

A travers ses déclarations, les Bleus confessent à demi-mots les erreurs dans la préparation du match : Excès de confiance et suffisance. « Je pense qu’on est plus fort, que les bases y sont, mais il va falloir le démontrer maintenant ». La déclaration de Vincent Candela est plus que jamais valable. Dans certaines équipes et dans certaines circonstances, même les élégants se décoiffent. En espérant qu’il ne soit pas trop tard…

La jurisprudence Jacquet et le rebond français

« Espérer », « y croire », « faire l’exploit »…Tels sont les mots qui ressortent tour à tour de la bouche des joueurs, interviewés en conférence de presse à l’approche de ce match retour. Le sélectionneur a mobilisé ses troupes et on peut imaginer une approche différente de la part du sélectionneur et une attitude conforme à l’enjeu du match. Mais est-ce suffisamment pour envisager la qualification ?

La jurisprudence Aimé Jacquet a laissé des traces et l’heure est à la prudence dans beaucoup de médias. Qui voudrait devenir ce paria, coupable de n’avoir pas voulu croire ? La France est dans une situation délicate mais après tout, dans le football, « tout est possible ». Si la situation semble mal engagée, l’espoir grandit paradoxalement à mesure que le match approche. « Tout est possible… Il faut attendre de voir ce que ça donne, mais on a aujourd’hui de gros doute » déclare Franck Leboeuf, rejoint par Luis Fernandez « On est encore sur la déception du match aller, mais moi, je suis à fond derrière cette équipe de France. J’y crois à 200%. Je veux y croire. On va leur remonter deux buts à ces Ukrainiens. Je sens les Bleus capables de le faire ! ». Bernard Lama est quant à lui lucide « C’est difficile d’être confiant », tout en ajoutant « Mais en football tout peut arriver et tout doit arriver aujourd’hui ».

Toutes ces déclarations sont davantage des déclarations d’amour à l’équipe de France, que des réflexions footballistiques. En effet, quels éléments permettent d’imaginer une qualification après une défaite 2/0 en barrage de mondial ? Rappelons que le scenario n’a jamais été réalisé lors de barrages pour une qualification en coupe du monde. Pourquoi l’Ukraine encaisserait-elle 3 buts alors qu’elle possède une des meilleures défenses des phases de poules avec seulement 4 buts encaissés ? Pourquoi les hommes de Fomenko s’écrouleraient physiquement et mentalement dans un tel match ? Certains vont même jusqu’à évoquer des arguments inexactes en prétendant que l’Ukraine a eu deux fois l’occasion de prendre la première place en phase de poule. Les Jaune et Bleu ont eu cette possibilité à une seule reprise, lors  du match Ukraine/Angleterre très fermé, se terminant sur un score nul et vierge. De la à parler de problème mental …

Pourtant, un vent de « folie » va souffler sur la France en ce 19 Novembre 2013. Deschamps a ajusté sa composition dans un 4-3-3. En difficultés à l’aller, Abidal laisse sa place à Sakho. Varane accompagne le joueur des Reds en charnière centrale. Cabaye positionné en 6 compose le milieu de terrain avec Matuidi et Pogba, à leur poste de prédilection. Valbuena sur le couloir droit, Ribery à gauche et Benzema en pointe forment le trio d’attaque. Dans un stade archi comble (77000 personnes, affluence supérieure à la finale de la coupe du monde 1998), la France renverse la vapeur. Appliqués, organisés, les Bleus réalisent le match parfait et l’exploit contre une Ukraine d’une incroyable fébrilité. Comment expliquer la non titularisation de Stepanenko, seul véritable numéro 6 ? « Tout peut arriver dans le football, tout peut arriver » déclarait Lilian Thuram le 8 Juillet 1998 après son doublé historique, qualifiant l’équipe de France pour la finale de la coupe du monde. Ironie du sort, Mamadou Sakho inscrira deux des trois buts de l’équipe de France.

Basile Boli y croyait et a donné le bon résultat : « Bien sûr que j’y crois. J’ai envie que l’équipe de France gagne pour fermer la bouche de certaines personnes, a-t-il déclaré. Je vois un petit 3-0 ». Ce résultat devrait donc faire taire les consultants et journalistes, sceptiques sur la qualification des Bleus avant le match. La crédibilité d’un journaliste ou d’un consultant serait donc liée au résultat d’un match… Mais un journaliste a-t-il vocation à donner un pronostic comme Basile Boli, présentateur du Loto Foot ?

Une victoire à point nommé, l’heure d’un bilan

La France a vécu une belle soirée de foot, une des plus intenses et un brin surréaliste depuis la finale de la coupe du monde 2006. Visage de joies, Deschamps porté en triomphe par ses hommes, Drapeau de de France agitée, Marseillaise entonnée par les joueurs au micro…Franck Lebœuf ira même jusqu’à comparer l’ambiance du Stade de France, réputé pour être froid, à celle du 12 Juillet. « C’est incroyable ! C’est fantastique ! La dernière fois que j’avais vu le Stade de France avec une telle ambiance, c’était un certain 12 juillet 1998 ». C’est tout juste si les joueurs n’ont pas enfilé le maillot « La victoire est en nous ». Dans un pays en crise, avec un président en perte de vitesse, cette victoire est une véritable aubaine et fait le bonheur des politiques, des médias, des sponsors, des diffuseurs en particulier TF1 qui a rassemblé plus de 13 millions de téléspectateurs.

Nombre de téléspectateurs
Nombre de téléspectateurs – 2012/2013

Au lendemain de la victoire, l’équipementier Nike a présenté sa campagne pour son nouveau maillot et va surfer sur la « nouvelle image des bleus » et oublier l’épisode Sud-Africain. Ne nous y trompons pas. Si l’objectif est atteint et que l’image renvoyée sur ce match retour est très positive, il reste important de garder la tête froide et en mémoire ce qui a été fait depuis la prise de fonction de Didier Deschamps. « Les échecs sont semblables à des couteaux : ils nous servent ou nous blessent, selon que nous les prenions par le manche ou par la lame » disait le poète romantique James Russell Lowel. La France n’est pas passée loin de l’échec …

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