
Si près si loin
Le réveil est difficile au pays de Taras Shevchenko. Après un match aller homérique et une probante victoire, le Brésil n’avait jamais semblé aussi proche. De l’engagement, de la volonté, de l’intelligence tactique, Mykhaylo Fomenko* avait parfaitement préparé son équipe à l’exploit et avait remporté la première bataille face au général Deschamps.
2-0. Le score est idéal. Pourtant Fomenko n’a pas le sourire aux lèvres au sortir du match. Vous me direz, personne n’a jamais vu Fomenko sourire. Clairement, le contre mal exploité par Bezus en fin de match reste quelque peu en travers de la gorge du sélectionneur. Et ce n’est pas l’expulsion de Kucher, au terme d’une fin de match très mal gérée de la part des Ukrainiens, qui va enlever ce léger goût d’amertume.
4 jours et un match retour plus tard, l’amertume a laissé place à la déception, la tristesse de voir une équipe, un collectif s’effondrer face à un adversaire qui s’est (re)trouvé. Depuis quand l’Équipe de France n’avait pas livré un tel match ? Il y a bien longtemps que je ne compte plus. Face au néant, la France s’est réveillée, face à l’exploit l’Ukraine a sombré.
Avant ce match retour, Fomenko avait bien insisté : « Les Français parlent de bataille, il nous est interdit de perdre cette bataille ». Il n’en fut rien. Du sélectionneur aux joueurs, tous ont raté leur match. Comment expliquer la non titularisation de Stepanenko, seul véritable numéro 6 ? Bezus derrière Zozulya pour Edmar qui redescend d’un cran. Visiblement, Fomenko souhaitait attaquer et marquer. Pari manqué. Après coup, Fomenko évoquera le mental de ses troupes, peu habituées à ce genre d’enjeu. Un mal indéniable qui a pris forme dès les premières minutes. Rarement l’Ukraine ne m’était apparue aussi fébrile derrière, en tout cas pas depuis la prise de fonction de Fomenko. Certes, j’avais signalé que cette défense pouvait être parfois un peu lourde, mais la présence de Stepanenko rassurait. On en revient au malheureux choix du sélectionneur.
Le mérite en revient également aux Français qui ont su dès les premières minutes instaurer ce doute chez l’adversaire, un doute qui n’a plus jamais quitté les partenaires du capitaine Ruslan Rotan.
En défense, c’est panique à bord. Aucune dégagement franc, des ballons qui traversent la surface en étant au mieux effleurés, le manque d’assurance est criant.
Face à cette douleur, à cette souffrance de son avant-garde, Pyatov a bien essayé de résister, repoussant l’inéluctable à plusieurs reprises. Mais Andryi était trop seul. Il aurait fallu qu’au moins un des deux ailiers sorte le match parfait. Il n’en fut rien. Konoplyanka, le petit génie de Dnipropetrovsk s’est éteint, incapable de prendre le dessus sur Debuchy. De l’autre côté Yarmolenko n’a guère connu plus de succès. Devant, Zozulya a visiblement payé sa débauche d’énergie monstrueuse du match aller. Mardi, deux jours après avoir fêté ses 24 ans, il a trouvé un tout autre cadeau qu’Abidal face à lui : un Mamadou Sakho monstrueux.
L’Ukraine s’incline 3-0. Un score aussi logique que la victoire 2-0 de l’aller, un résultat qui prive les jaunes et bleus de mondial.
Дякую Феноменко ! Merci Fenomenko !
En conférence de presse d’après match, Fomenko est loué et applaudi par les journalistes ukrainiens. Quand il reprend les rênes de l’équipe, il y a un peu plus d’un an, la sélection est au plus mal et envisager la qualification était alors une vaste blague. L’Ukraine sortait d’un match nul piteux en Moldavie, d’une défaite à domicile face au Monténégro et totalisait 2 points en 3 matchs. Fomenko a transformé, que dis-je, a formé, créé une vraie équipe. 11 matchs sans défaite plus tard (dont 6 victoires et 1 nul en matchs officiels), l’Ukraine échoue à un point de l’Angleterre mais obtient le statut de tête de série pour les barrages. Je vous laisse mesurer et apprécier à sa juste valeur le travail réalisé par Fomenko, renommé Fenomenko sur les réseaux sociaux.
Mykhaylo Fomenko a donc su redonner espoir en la sélection, une sélection qui pour la première fois de son histoire va battre la France. Malheureusement, toute série a une fin et, après 12 matchs sans défaite et 8 matchs sans encaissé le moindre but, l’Ukraine a craqué aux portes du bonheur. Mais cette Ukraine, avec ses qualités et ses défauts, aura réussi à faire peur à tout un peuple, un pays arrogant qui n’avait pas jugé bon de se soucier de son adversaire.
Au final, côté français on évoque un exploit. Certains, avant le match, ont même dit qu’il fallait miracle pour que l’Équipe de France élimine l’Ukraine. C’est peut-être là une petite victoire pour les Ukrainiens, même si je doute qu’ils puissent s’en contenter. Dorénavant, quand j’évoquerai Yarmolenko et Konoplyanka, on ne me rira peut-être plus au nez, on ne me dira peut-être plus : « T’as vu où ils jouent ? T’as vu dans quel championnat ils jouent ? Si c’était des bons joueurs ça se saurait », oubliant que Mkhitaryan, Willian ou encore Fernandinho jouaient dans ce même championnat ukrainien il y a peu. Naïf que je suis, j’ose espérer que cette équipe d’Ukraine a tout simplement gagné le respect, une certaine reconnaissance que tout pays de foot mérite.
* Pour en savoir plus sur le sélectionneur ukrainien, je vous invite à allez lire cet article de Quentin Guéguen – http://www.sharkfoot.fr/2013/11/mykhaylo-fomenko-soviet-moderne/
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