DOSSIER – Taxe à 75%, pourquoi ?

Ah la France et les impôts, le Français et les impôts. Toujours trop, les riches, les pauvres, la solidarité nationale, le soutien à la nation…mieux, l’égalité devant l’impôt. Le problème c’est que ce même pays est réfractaire à tous changements dans l’intérêt de la nation comme les retraites, le temps de travail, les fameux acquis sociaux, les « benefits » comme on dit en Angleterre. Bref, je m’égare. Pourquoi donc de tels propos sur un « slog » dédié au football ? Vous l’aurez compris, il nous était compliqué de ne pas réagir à cette fameuse taxe à 75% s’appliquant sur la part de salaire supérieure à 1M d’euros. Le sujet fait grincer des dents le football français au point qu’une menace de grève a été prononcée par les présidents de clubs de l1.

Effectivement, ce sont les clubs qui vont devoir supporter les impacts de cette taxe et non les joueurs comme prévu initialement même si, ne soyons pas naïf, les joueurs négociant leur salaire en net, ce sont toujours les clubs qui payent de manière directe ou indirecte le surplus d’impôts. Par exemple, quand l’Angleterre a relevé le taux d’imposition de la plus haute tranche, Andrei Arshavin a demandé à revoir son contrat…

Cette taxe à 75% provoque beaucoup de réactions tant chez nos politiques que sur les divers réseaux sociaux. Beaucoup de débats gravitent autour de cette taxe : La compétitivité et la capacité des clubs à gérer le haut niveau…Ces sujets ont-ils réellement un rapport avec cette taxe ? Tâchons d’y voir plus clair

Qu’est-ce qu’une taxe ?

Qu’est-ce qu’un impôt et à quel est son but ? Combien rapporte-t-il ? Finalement, peu de gens répondent à ces questions. Je ne suis pas spécialiste et encore moins professeur en économie. Il existe bon nombre de théories sur la maximisation de l’impôt et son intérêt économique comme la courbe de Laffer, la théorie de Beenstock. Je vous invite à consulter le lien ci-dessous.

http://www.melchior.fr/La-courbe-de-Laffer.6067.0.html?&no_cache=1&print=1

Le but premier d’une taxe est de permettre à l’Etat de renflouer ses caisses. Un effet « Robin des bois » : Prendre aux riches pour donner aux pauvres. Mais la France va-t-elle gagner plus d’argent avec cette taxe ? Oui, à condition que les joueurs restent en France…Mais permettez-moi d’en douter. Pourquoi les joueurs français resteraient-ils en France alors qu’ils ont la possibilité de franchir la Manche, jouer en Angleterre et gagner beaucoup plus d’argent. A titre d’exemple, Bakary Sako a quitté l’AS Saint-Etienne à l’été 2012 pour rejoindre Wolverhampton, équipe évoluant en D2 anglaise. Outre-manche, Bakary Sako a quintuplé son salaire, ce dernier passant de 40 000 euros brut 200 000 euros brut. 200 000 euros, l’équivalent de deux fois le salary cap instauré à l’A.S.S.E.

On peut donc imaginer un exode massif des joueurs de l1 concerné par la taxe, craindre une baisse du nombre de hauts salaires. Il en résulte une baisse des cotisations salariales et patronales, mais également une baisse d’attractivité de notre championnat. Certains clubs vont devoir céder des joueurs intéressants pour notre L1. Je dis bien céder ou vendre à perte ou en dessous de la valeur du marché avec la conséquence de ne pas réinvestir cet argent dans le club ou dans le football national.

Ainsi, quel est l’effet escompté de cette taxe ?  Le but est-il de se racheter une certaine moralité ou de remplir les caisses ? La France va-t-elle créer le premier impôt symbole à l’intérêt financier négatif en temps de crise? Payons plus pour se racheter une moralité et un retour aux vraies valeurs du football. Oui, le football professionnel est déconnecté des réalités, du quotidien des français. On peut toujours s’interroger sur la définition même d’une réalité ? N’y a-t-il qu’une réalité ? Qu’un seul quotidien pour tous les français ? Faut-il linéariser la vie de tout un chacun ? C’est une autre question.

A l’image du DIC, la taxe à 75% a un caractère rétroactif par rapport au contrat signé, à la différence de la suppression de la loi Beckham en Espagne. Cette loi a permis  aux joueurs étrangers d’être beaucoup moins imposés que les espagnols et les contrats signés au moment où après la mise en place d’une règle fiscale s’appliquaient à la règle. En France, toute modification fiscale impacte rétroactivement des contrats signés avant la dite taxe ou amendement. Ainsi, Salomon Kalou qui a signé à Lille un contrat avant la règle des 75% va subir cette hausse d’impôt (ou du moins son club) jusqu’ à échéance de son contrat. Comment expliquer cette rétroactivité ? Comment justifier qu’on puisse revenir sur un accord financier au moment de la signature, et qu’on puisse changer les règles en cours de route ?

L’égalité devant l’impôt n’existe pas. Il existe, en droit, une multitude d’exonération. Le risque majeur est de voir des clubs français domicilier leur siège social à Monaco par exemple, sans être en contradiction avec les règles européennes. Le vrai combat est d’arriver à convaincre l’Europe de la spécificité du sport professionnel comme secteur économique. A partir du moment où le sport est professionnel, rémunérateur et fournisseur de rentrée fiscales importantes, il faut oublier cette « vision Olympique » du sport, louable certes à laquelle beaucoup se raccrochent comme notre Ministre des Sports par exemple.

La taxe à 75%, une sanction contre le manque de compétitivité ?

Beaucoup de propos autour de cette taxe reviennent à remettre en cause la compétence des clubs. Cette taxe serait donc un mal pour un bien, et viendrait « sanctionner » un manque de compétitivité en Europe, malgré l’argent conséquent dans le milieu du football. Concernant la compétitivité des clubs français, dire le contraire me serait très compliqué et intellectuellement malhonnête. La plupart des clubs français sont ridicules en Europe, quelque soit la taxe… Au-delà des bienfaits d’une augmentation de taxe sur la compétitivité des clubs, est-ce le but d’une taxe ? La compétence des clubs en Europe est un sujet qui n’a finalement pas de rapport, tout comme les montants des transferts du PSG qui reviennent souvent sur le tapis. Les transferts du PSG sont des investissements. Les joueurs de football sont des asset amortissables à l’image d’une machine outils ou toutes autres immobilisations dans une entreprise. Faire un parallèle entre les montants de transferts et la taxe à 75% reviendrait à faire l’amalgame entre les montants investis par une entreprise privée et les impôts qu’elle doit payer pour le symbole. Avouez que cela est incongru.

Techniquement, le lien entre fiscalité et compétitivité peut être fait si les écarts entre les pays membres de l’UEFA sont importants. Globalement, ils sont marginaux ou devenu marginaux à l’exception des charges patronales. Il a existé entre 2008 et 2012 un bouclier fiscal qui a peut-être permis à des joueurs d’un niveau moyen de gagner beaucoup d’argent. Mais ceci est davantage un problème de compétences au sein d’une structure privée…

Les projets du Paris-Saint-Germain et de Monaco ne seront pas touchés. Le premier club cité dispose énormément d’argent. Si Zlatan Ibrahimovic n’a pas quitté la France, c’est en partie en raison de l’argent dont dispose le club de la capitale. Pour le second, il n’est nullement concerné par la taxe à 75%.

La taxe à 75% pour éviter la bulle financière ?

L’autre propos tenu par les pro-taxe dite Hollande est le risque d’explosion de la bulle financière dans le football. Ce concept est très compliqué à rapprocher avec ce que le monde de la finance a connu avec des faillites célèbre comme Lehman Brothers. Comme vous le savez, le football professionnel est totalement dérégulé et le FFP est un premier espoir de régulation à court/moyen/long terme. Cette bulle dépend de plusieurs paramètres : En grande partie des droits TV et de sa grande disparité entre les championnats majeurs en Europe. On peut y ajouter une structuration du Chiffre d’Affaire des clubs assez déséquilibré où les droits TV et le trading-joueur sont trop importants. Cependant, l’image des subprime, reprise entre autres par Arnaud Flanquart de Terra Nova (cf. émission Afterfoot du Jeudi 23 Octobre) reste exagérée. Les Etats étant remplacés par des oligarques, milliardaires privés… Même des banques pour le cas espagnol.

La structuration du CA reste également un problème de compétences au sein d’une entité privée. La loi Pasquade 1994  a été supprimée les subventions publiques au 31/12/1999 n’a pas changé grand-chose vu que les droits TV font office de subventions de type privé. On peut parler de cette fameuse culture foot à la française. Sommes-nous capables de dépenser les mêmes sommes que nos voisins allemands et anglais ? Avons-nous la ou les mêmes structures matérielles, légales, fiscales, financières ? Et Sociologiquement ? Telle est la question…

1 – La loi du 8 août 1994 et son décret d’application du 24 janvier 1996 (dit « décret Pasqua ») prévoyaient l’extinction, au 31 décembre 1999, de la possibilité pour les collectivités territoriales d’accorder des subventions aux sociétés sportives.

La loi du 28 décembre 1999 a toutefois prévu la reconduction du régime des subventions publiques aux clubs sportifs professionnels constitués sous la forme de société commerciale, afin de sauvegarder la cohésion du mouvement sportif français. Elle dispose désormais que, pour des missions d’intérêt général, les sociétés sportives peuvent recevoir des subventions publiques versées dans le cadre d’une convention passée avec les collectivités territoriales, et renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de déterminer les conditions dans lesquelles ces subventions sont versées et de fixer leur montant maximum.

Un projet de décret a été élaboré par le ministère de la Jeunesse et des Sports et a fait, pendant près d’un an, l’objet d’une procédure de consultation de la Commission européenne.

Suite à une première notification du texte à la Commission le 2 mars 2000, celle-ci a demandé à trois reprises des informations complémentaires, estimant n’être pas suffisamment informée, notamment sur l’inscription, au nombre des missions d’intérêt général, de la formation dispensée dans les centres de formation des clubs professionnels.

L’avis favorable de la Commission européenne a finalement été rendu le 25 avril 2001. Le projet de décret a ensuite été soumis à l’avis du Conseil national des activités physiques et sportives le 11 juillet 2001, et à l’examen du Conseil d’État le 24 juillet 2001.

Le décret n° 2001-828 du 4 septembre 2001 a été publié au Journal officiel du 12 septembre 2001. Il dispose que le montant maximum des subventions versées ne peut excéder 2,3 millions d’euros (15 millions de francs), et que les missions d’intérêt général concernent :

– la formation dispensée dans les centres de formation agréés des clubs professionnels ;

– la participation des joueurs professionnels à des actions d’intégration ou de cohésion sociale ;

– la mise en œuvre d’actions visant à l’amélioration de la sécurité du public et à la prévention de la violence dans les installations sportives.

En aucun cas, les subventions publiques ne peuvent servir à prendre en charge des rémunérations versées, que ce soit pour les jeunes sportifs du centre de formation ou pour les personnes assurant le service d’ordre dans les installations sportives.

En outre, pour compléter le dispositif d’aides publiques, la loi du 6 juillet 2000, modifiant la loi n°84-610 du 16 juillet 1984, autorise le versement par les collectivités territoriales de sommes en exécution de contrats de prestations de service ou de toute convention dont l’objet n’entre pas dans le cadre des missions d’intérêt général, dans les limites d’un montant maximum fixé par décret.

Le décret n° 2001-829 du 4 septembre 2001 fixe à 30 % du budget de la société sportive le montant maximum des sommes versées en exécution de contrats de prestation de services, dans la limite de 1,6 millions d’euros (10,49 millions de francs) par saison sportive.

On rappellera que, en moyenne, le montant des subventions versées par les collectivités territoriales aux groupements sportifs est compris dans une fourchette allant de 1,3 millions de francs (0,2 millions d’euros) (D2 de rugby) à 9,2 millions de francs (1,4 millions d’euros) (D1 de football), en passant par 3 millions de francs (0,46 millions d’euros) (ProA de volley-ball) et 4,5 millions de francs (0,7 millions d’euros) (D2 de football, ProA de basket-ball et D1 de handball).

Extrait http://www.senat.fr/rap/l01-087-330/l01-087-3309.html

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