
Anzhi Makhachkala : Le début d’une nouvelle ère ? La Fin de projet ? Anzhi est mort vive l’Anzhi
« Regardez en Russie, dans le club d’Eto’o, le propriétaire se barre et les joueurs se taillent, il n’a plus rien c’est terminé ». Voilà grosso-modo la phrase type de la personne qui suit le foot de plus ou moins loin et qui ne cherche pas à comprendre. Remettons un peu de perspective et tentons de comprendre ce qu’il s’est réellement passé cet été du côté de l’Anzhi Makhachlala
Un club très jeune
Après avoir rêvé d’intégrer le gratin européen, la perle de Makhachkala, capitale de la République du Daguestan, vit actuellement un cruel retour sur terre.
Fondé en 1991, le club va grandir assez vite. Dès 1999, entraîné par Gadzhi Gadzhiev, l’Anzhi remporte la First National League (Seconde division). Pour la première fois de son histoire, l’Anzhi évolue en RPL et y fait même très bonne figure. L’équipe termine à une excellente 4ème place en 2000 et se qualifie pour la Coupe UEFA. La saison suivante est plus laborieuse en championnat. Éliminé par les Rangers en UEFA dès le première tour, le club parvient, néanmoins, à se hisser en finale de la coupe de Russie, une finale perdue aux tirs au but contre le Lokomotiv. Les espoirs nourris par ces deux premières saisons plus qu’honorables dans l’élite ne se confirment pas et l’équipe ne peut éviter la relégation la saison suivante.
S’en suivent alors 7 longues années passées en FNL, une éternité à l’échelle d’un club qui n’a pas encore fêté ses 20 ans. La saison 2009 est la bonne et l’Anzhi remporte la FNL pour la 2ème fois de son histoire. Pour son retour dans l’élite, les caucasiens terminent à une honorable 11ème place.
À l’aube d’une saison 2011-2012 placée sous la réforme du calendrier du championnat, un événement va venir bouleverser l’histoire du club.
Kerimov prend le pouvoir
Le 18 janvier 2011, avec l’aide de Mogamedsalam Mogamedov, Président de la République du Daguestan, l’homme d’affaire et oligarque russe Suleyman Kerimov acquiert gratuitement 100% des parts du club. Originaire du Daguestan, Kerimov s’engage, en échange, à investir près de 200M$ dans les infrastructures du club, de construire un nouveau stade de 40 000 places répondant aux normes de l’UEFA et, évidemment, d’assurer la vie quotidienne du club.
Plus connu pour son sens des affaires, Kerimov ne va pas tarder à faire parler de lui et de son club dans le monde du football. Le 16 février 2011, il officialise la signature Roberto Carlos. Malgré l’âge avancé du joueur (38 ans), Kerimov se justifie. « Nous avons besoin de Carlos. (…) Le club de football s’élève contre toutes les mauvaises nouvelles. Les gens commencent à espérer le meilleur … De telles stars ne jouent pas n’importe où, et, regardez, elles sont à Makhachkala ! Les gens ont de quoi être fiers ». Il s’agit avant tout d’un coup médiatique, d’une entrée fracassante sur la scène footballistique mondiale. Pour la première fois, le monde du football entend parler de cet obscur club du Daguestan au nom imprononçable. Makhachkala. Le Daguestan fait son apparition sur la carte du football, une réussite en soi.
Titre de champion, participation à la prestigieuse Ligue des Champion, Suleyman Kerimov est ambitieux et ne compte donc pas s’arrêter en si bon chemin. Ainsi, Jucilei, Diego Tardeli ou encore Mbark Boussoufa rejoignent le club entre février et mars 2011. Les performances sont moyennes mais l’équipe joue la première partie du classement et peut viser une qualification en Europa League.
Le riche propriétaire repart donc à la chasse au mercenaire dès l’été 2011. Armé de liasse de billets verts et/ou violets, il parvient à attirer du très gros gibiers. Après avoir obtenu la signature du prometteur Balazs Dzsudzsak (PSV) ou encore de Yuri Zhirkov (Chelsea), Kerimov arrache Samuel Eto’o à l’Inter Milan. La star camerounaise devient le joueur le mieux payé au monde et plus que jamais l’Anzhi est au cœur des discussions footballistiques.

La très longue saison 2011-2012 se poursuit, les entraîneurs se succèdent à la tête du club. Pas de doute, il faut une pointure pour diriger cette équipe. Après un premier rendez-vous manqué en décembre, Guus Hiddink accepte le défi et devient officiellement l’entraîneur de l’Anzhi en février 2012. Une arrivée de taille, à laquelle il faut ajouter celle de Christopher Samba venu renforcer le secteur défensif. Longtemps raillé, le projet commence à prendre bonne forme. Au final, l’Anzhi se classe 5ème et obtient son billet pour l’Europa League.
La performance est suffisante pour conforter Kerimov dans ses choix. L’été 2012 est l’occasion de retoucher à l’effectif, sans le révolutionner. Lacina Traoré, révélation du Kuban, rejoint Eto’o sur le front de l’attaque, et Lassana Diarra débarque pour épauler Jucilei au milieu. L’Anzhi ne se cache pas : L’ambition est de remporter la RPL dès cette saison 2012-2013. Longtemps dans la course, l’équipe va s’effondrer après la trêve hivernale, malgré l’arrivée de Willian acheté 35M€ du côté du Shakhtar. Spahic ne parvient pas à faire oublier Samba, reparti aux QPR, et la défense prend l’eau. Finalement, l’Anzhi échoue à la 3ème place et s’incline aux tirs au but en finale de la Coupe de Russie contre le CSKA. La Ligue des Champions devra encore patienter avant de découvrir l’Anzhi Makhachkala.
Des yeux plus gros que le ventre
De l’ambition …
Les vedettes étrangères ne suffisent donc pas ? Qu’à cela ne tienne, recrutons russe ! À l’origine de problèmes internes au Zenit, Igor Denisov débarque. Il est suivi par la star du Dinamo, Aleksandr Kokorin et l’ailier du Kuban, Aleksey Ionov.

Dans les buts, Mikhail Kerzhakov (Volga) arrive en doublure de Gabulov. Un recrutement russe tout aussi intéressant qu’intéressé (rappelons que les clubs de RPL doivent présenter 4 joueurs russes sur le terrain), et complété par le retour de Christopher Samba en défense. Outre ce mercato réussi, le renouvellement de contrat de Guus Hiddink est une autre bonne nouvelle. En résumé, la saison s’annonce sous les meilleurs auspices et l’Anzhi se pose clairement en grand favori pour le titre.
… à la désillusion
En dépit d’un mercato intéressant, le début de saison s’avère beaucoup plus compliqué que prévu. L’équipe n’est pas prête. Pire, après seulement deux matchs, Guus Hiddink démissionne, ce qui confirme l’impression laissée au moment du renouvellement de contrat, à savoir que le Hollandais n’était pas des plus motivé à l’idée de poursuivre l’aventure. René Meunlensteen, arrivé en tant qu’adjoint pour palier le départ de Roberto Carlos, le remplace au pied levé, mais rien ne semble vouloir fonctionner. L’équipe enchaîne les contre performances et des histoires de vestiaires sortent dans les médias. Denisov aurait critiqué Lassana Diarra et ce-dernier aurait reçu le soutien de Boussoufa et Eto’o, allégations non confirmées. L’histoire de l’Anzhi va alors prendre un nouveau tournant. Alors que des rumeurs circulaient déjà la veille, le 7 aout 2013 l’Anzhi rend officielle la décision de Suleyman Kerimov. Tous les joueurs ou presque sont en vente, le propriétaire souhaite réduire drastiquement le budget du club et donner une nouvelle orientation à son club. L’Anzhi est mort, vive l’Anzhi.
Échec du projet, Fair Play Financiers … ?
Très vite, le club publie un communiqué. Premier enseignement : à aucun moment Suleyman Kerimov n’a dit qu’il se retirait complètement du projet. Il s’agit simplement d’une réduction de budget. De 180M€, le club passe à un budget de 50-70M€. Le communiqué nous expose les raisons de ce revirement total de politique : échec sportif, Fair Play Financier, mise en avant de la région Daguestan.
En effet, très clairement, le club souligne le rôle important qu’à jouer le Fair Play Financier dans cette prise de décision. Terminé donc le fast et les paillettes, place à une vraie politique avec une vision à moyen-long terme. Ainsi, le centre de formation (Anzhi Academy) est mis au cœur du « projet » et une attention toute particulière sera accordée aux joueurs originaires du Daguestan.
Sans remettre en cause la bonne foi de l’homme d’affaire russe et du club, d’autres éléments ont pu influer sur la décision de Suleyman Kerimov. Ainsi des soucis de santé ont été évoqués dans un premier temps. Cette décision pourrait également être le résultat des problèmes financiers de Kerimov, liés à la perte de 30% de la capitalisation boursière d’Uralkali, société de Kerimov. Le prix des actions est alors au plus bas et le portefeuille de Suleyman Kerimov vacille.
Pire encore, début septembre, on apprend que le Belarus a lancé une requête réclamant une « notice rouge » contre Suleyman Kerimov auprès d’Interpol. Le Belarus accuse le milliardaire russe de détournement de fonds, suite à l’arrêt de la collaboration entre Uralkali et Belaruskali. Contrairement à ce qui a été annoncé, il ne s’agit donc pas d’un mandat d’arrêt international et la requête est en cours d’examination.
Quelles conséquences ?
Course au titre et à l’Europe
Alors que le recrutement avait été bouclé très tôt, tout est à refaire. Les départs se succèdent et l’Anzhi est dépouillé. Enfin, « dépouillé » est un bien grand mot. Il ne s’agit en aucun cas d’une braderie, le club peut se permettre de garder les joueurs et de les payer si besoin est : Il n’est pas question de vendre au rabais.
Très rapidement, le Dinamo s’intéresse au cas Anzhi et notamment à ses joueurs russes. Le mercato du club de Gennadi Solovyov se fera en deux phases. Dans un premier temps, Zhirkov, Denisov et Kokorin rejoignent le club. Notons que, suspendu, le dernier cité n’aura pas joué la moindre minute avec l’Anzhi et retrouve le club qu’il avait quitté quelques semaines auparavant. La deuxième vague est composée de Gabulov, Ionov et Chirstopher Samba. Le tout pour un total avoisinant les 70M€
Fort de son nouvel effectif, le Dinamo en profite pour prêter 4 de ses joueurs à l’Anzhi. Les jeunes Gatagov, Sobolev et Solomatin partent chercher du temps de jeu alors qu’Epureanu cherchera à se relancer.
Avant cet été, les relations entre les deux clubs étaient déjà plutôt bonnes avec en point d’orgue le transfert de Balazs Dzsudzsak. Arrivé à Makhachkala pour 14M€ en 2011, le Hongrois n’avait pas réussi à s’imposer et avait pu trouver refuge du côté du Dinamo dès l’été suivant pour un transfert à hauteur de 19M€. Avec 8 petits matchs au compteur avec l’Anzhi, la somme déboursée par le Dinamo paraît quelque peu étrange. Un an plus tard, les deux clubs poursuivent donc leur business tranquillement. Au delà des joueurs, le Dinamo a bien l’intention de prendre la place de l’Anzhi dans la lutte pour les places européennes et se pose comme le grand bénéficiaire de ces ventes presque forcées du club caucasien.
Autre équipe qui profite de la défection des caucasiens, le Lokomotiv enregistre les arrivées de Boussoufa et Diarra. Deux renforts de point dans des secteurs qui faisaient défauts au Lokomotiv.
Le Zenit, quant à lui, s’est « contenté » de récupérer le jeune Oleg Shatov qui, malgré un potentiel indéniable, stagnait depuis quelque temps. Ce nouveau défi pourrait donner un nouvel élan à sa jeune carrière.
Handicapé par la blessure de Bocchetti, le Spartak s’est précipité sur João Carlos pour palier son absence.
Enfin, Willian et Eto’o quittent le pays : direction Londres et Chelsea, alors que Carcela-Gonzalez retrouve le Standard Liège, son ancien club.
Seuls « rescapés », Jucilei et Lacina Traoré pourraient quitter l’Anzhi dès cet hiver. L’ivoirien est fortement pressenti du côté de la Juventus. Odil Akhmedov pourrait quant à lui poursuivre l’aventure un peu plus longtemps.
L’Anzhi out, une nouvelle place se libère dans la course à l’Europe. Après avoir récupéré une bonne partie de l’effectif de l’Anzhi, le Dinamo se pose clairement comme un candidat sérieux et surtout très ambitieux. Le Lokomotiv l’a joué intelligemment. Diarra vient compléter le milieu de terrain qui manquait de poids et Boussoufa sera en charge d’apporter un peu de création à l’animation offensive du club.
La lutte pour le maintien
Les conséquences de ce tremblement de terre ne se limitent pas au haut de tableau. L’Anzhi est un nouveau concurrent pour le maintien, un concurrent inattendu. Ayant perdu presque tous ses titulaires, l’Anzhi doit se renforcer et pour se faire, se tourne vers les clubs de bas de classement. Tout d’abord, Gadzhiev quitte Krylia Sovetov pour retrouver le banc de l’Anzhi pour la 3ème fois. L’entraîneur russe, originaire du Daguestan, ne débarque pas seul. Angbwa, Grigavala et Maksimov l’accompagnent. Il s’agit là d’un vrai coup dur pour le club de Samara.

De même, l’Anzhi rappelle certains de ses joueurs prêtés. Ainsi, Serder Serderov, Yevgeni Pomozan (Ural) et Nikita Burmistrov (Amkar) reviennent à Makhachkala. Autant, l’Amkar peut faire face à ce départ, autant il s’agit d’un vrai coup dur pour l’Ural.
Outre ces retours de prêts, l’Anzhi rachète Kamil Agalatov (Rostov) vendu à Rostov en début de mercato, enregistre le prêt de Abdul Razak (Manchester City), de Vadim Demidov (Eintracht Francfort) et a surtout la très bonne idée de faire signer Karlen Mkrtchyan du Metalurg Donetsk.
Autrement dit, le tableau des transferts estivaux de l’Anzhi est absolument illisible.
Sur le papier, avec l’apport de Maksimov et de Mkrtchyan, l’Anzhi n’a pas de quoi s’inquiéter pour le maintien. Avec seulement 3 points en 7 matchs et aucune victoire au compteur, il ne va plus falloir traîner en route. Gadzhiev est face à un défi de taille. L’Anzhi n’arrive pas à finir ses matchs et concède beaucoup de but en fin de rencontre. Il s’agit là, certainement, du résultat d’une mauvaise préparation à laquelle s’ajoute un problème psychologique criant. L’effectif ayant tellement changé, Gadzhiev doit tout simplement construire une équipe sur ces bases instables. Heureusement pour l’Anzhi, Tom est déjà promis à la relégation et les adversaires directs dans la lutte pour le maintien, que sont Volga, Ural, Krylia Sovetov, voire Terek qui réalise le même début de saison que l’Anzhi, ne se sont pas encore trop détachés.
Nouveau départ
Fini la course au titre, fini la course à l’Europe, l’Anzhi a pour nouvelle ambition de se maintenir et de développer son centre de formation et compte réinvestir l’argent récolté au cours de ces transferts dans cette académie. Difficile d’envisager le futur de l’Anzhi à long terme. Ce qui est sûr c’est que le club est reparti sur des bases plus saines et plus viables. L’objectif est également de se réinstaller dans la région de Makhachkala et de quitter définitivement la banlieue de Moscou et l’ancien camp de base du Saturn. Les objectifs sont revus à la baisse et vont au-delà des simples résultats sportifs de l’équipe.
Affaire à suivre
Rusko
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