DOSSIER – Affaire Thauvin : une comédie à la française

Lundi soir, le marché estival des transferts a fermé ses portes après plus de deux mois et demi de transactions, de rumeurs et de clash en tout genre. Peu avant minuit, le feuilleton français Thauvin a pris fin avec l’officialisation du transfert du champion du monde des moins de 20 ans à l’Olympique de Marseille. A la clé, un contrat de 5 ans, un salaire considérablement augmenté, une coupe d’Europe et de nouvelles ambitions.

LA BONNE AFFAIRE DU LOSC

« Le fait de signer avec Lille cet hiver a été libérateur. Je savais où j’allais. Les Dogues visent le haut du tableau et sont habitués aux joutes européennes ». Tels sont les propos que déclarait Florian Thauvin en Mai dernier. Celui qui a signé en janvier un contrat de 4 ans et demi au LOSC a terminé la saison au SC Bastia  (sous forme de prêt) de fort belle manière : 10 buts, meilleur espoir au trophée UNFP le 19 Mai. A tel point que Florian Thauvin ne cachait plus ses ambitions : « J’espère marquer 15 buts la saison prochaine. Être appelé en équipe de France A et jouer la coupe du monde est un objectif ». Le LOSC a fait une bonne affaire, assurément.

Le divorce entre les deux parties intervient le 11 juillet dernier, lorsque Florian Thauvin fait part de ses regrets d’avoir rejoint le LOSC au journal France Football « Je voulais rejoindre une équipe qui jouait la Coupe d’Europe. Le discours de Rudi Garcia et le projet de Lille me plaisaient beaucoup. Alors j’ai signé. C’était au mois de janvier. Après, tout va très vite dans le foot. J’aurais dû attendre… Ça m’apprendra à signer trop tôt. C’est le risque ».

Depuis, le LOSC a quelque peu évolué. Rudi Garcia (remplacé par René Girard) a quitté son poste pour rejoindre l’AS Roma et les Dogues ont terminé aux portes de l’Europe à la 6ème place. Thauvin n’est certainement pas venu au LOSC pour ce type de projet et semble trompé sur la « marchandise ». Ces arguments pourraient être recevables si, le 29 Janvier, date de la signature du contrat, le LOSC avait figuré en bonne position pour une qualification européenne. Or à cette période, les hommes de Rudy Garcia pointaient à la 10ème place en championnat (30 points, à 11 points de la 3ème place et à 5 points de la 5ème place). Plus qu’une simple prise de conscience de la situation du LOSC, cette déclaration ressemble à un vrai appel du pied à l’Olympique de Marseille, club avec lequel il a manifestement noué des contacts lors des trophées UNFP, bien avant le départ de Rudi Garcia en Italie (12 juin 2013).

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Face à l’intérêt de l’Olympique de Marseille, la réponse des dirigeants lillois est sans appel :  « Il est chez nous, c’est hors-propos. Il est hors de question qu’il quitte le LOSC. Il y a des choses dont je suis certain dans la vie, et celle-là en fait partie ». Le LOSC entendrait donc garder le joueur, à n’importe quel prix ? Permettez-moi d’en douter.

S’en suit alors une joute verbale entre le président Lillois Michel Seydoux et Vincent Labrune. Le président Marseillais affirme que le joueur est effectivement suivi par l’OM « En période de mercato, on a le droit de dire qu’un joueur nous intéresse jusqu’au 31 août voire même jusqu’à la fin de saison. Je ne peux pas être plus clair. Nous aimerions avoir Florian dans notre effectif et nous procéderons dans les règles ». Une attitude qui fait grincer des dents le président des dogues déclarant le joueur comme intransférable le 10 juillet 2013 « Pour la dernière fois, je confirme que Florian Thauvin ne rejoindra ni l’OM ni aucun autre club. Il est un joueur du LOSC, intransférable », avant d’égratigner l’attitude de son confrère marseillais « Ces basses manipulations et ces méthodes d’un autre temps n’ont pour seule conséquence de ternir l’image de son club, et plus généralement celle du football. Présider un grand club, c’est aussi respecter un certain nombre de valeurs… Je saisirai les instances du foot français pour qu’elles statuent sur ce comportement inadmissible ».

Des instances françaises qui ne seront bizarrement jamais saisies par le président Lillois…Étrange pour un président qui veut garder coûte que coûte non ? Le feuilleton Thauvin bascule alors dans une comédie à la française, dans laquelle chacun joue son rôle à la perfection, à commencer par le joueur. Vainqueur de la coupe du monde U20 avec l’équipe de France le 13 juillet 2013, Thauvin mérite désormais mieux que le domaine de Luchin comme terrain de jeu et s’apprête à snober la reprise de l’entrainement avec l’approbation de son père : « Aujourd’hui, l’histoire est allée trop loin. Si Florian reste à Lille, ce sera contraint et forcé. Il n’est pas dans le Nord en ce moment et ça m’étonnerait qu’il soit à l’entraînement mardi. Le monde du foot, c’est le monde du fric. Les joueurs sont considérés comme du bétail. C’est ça qui me dégoûte ». Alors que Michel Seydoux pointe ses conseillers « La reprise est fixée demain mardi. Lui ne m’a rien signifié et je ne sais pas si cette menace vient vraiment de lui. J’ai l’impression qu’il est victime de l’influence du fameux «Tonton» …Il y a de la déstabilisation, c’est certain. Encore une fois, je n’ai pas l’impression que ça soit la faute de Florian. Son comportement est forcément guidé par quelqu’un. Ce sont ses conseillers », le directeur adjoint administratif et sportif Frédéric Paquet déclare alors que « la médiatisation ou la menace en aucun cas ne nous fera changer d’un iota ce qui a été dit », il affirme « dans le football, rien n’est jamais totalement sûr à 100%… Le mercato étant ouvert jusqu’au 2 Septembre ? Florian est un joueur du LOSC à 99.9% ».

Un double discours qui confirme ma première impression : Les dirigeants Lillois ont rapidement fait une croix sur Thauvin. En effet, à quoi bon garder un joueur contre son gré ? Comment imaginer la situation et un retour à son retour à Lille ? Quelles réactions pourraient avoir les cadres du LOSC et l’entraineur René Girard à son encontre ? L’objectif du LOSC est donc clair : Jouer la montre et saisir l’opportunité de se séparer du gréviste contre une grosse offre en fin de mercato tout en prétendant l’inverse bien évidemment. Seydoux connait le cinéma et ça se voit. Le dirigeant Lillois adopte une attitude à l’opposée de celle de Jean-Michel Aulas dans le dossier Gomis et qui s’avèrera nettement plus payante. Par ailleurs, l’OL va, sans le savoir, jouer un rôle dans cette comédie en ne se qualifiant pas pour la ligue des champions. En effet, avec un représentant français en moins en C1, la répartition des droits télévisuels s’en trouve changée et la part reversée à l’OM et au PSG augmentée. Une somme qui avoisineraient 5m€ pour le club de la citée phocéenne. Avec quelques millions d’euros supplémentaires, l’Olympique de Marseille a fait plier les 99.9% de certitude du LOSC qui n’attendait que ça …

TOUT EST BIEN QUI FINIT BIEN ?

En s’engageant avec l’OM, Thauvin aura donc réussi l’exploit de changer de club sans avoir joué un seul match avec le club auquel il appartenait. Vincent Labrune ira même jusqu’à souligner « la courtoisie et la qualité des échanges » qu’il a eu ces derniers jours avec son homologue lillois. Qualifié de « belle affaire financière » selon Michel Seydoux, le transfert de Thauvin n’est cependant pas « la morale qu’il souhaitait à cette histoire ». Qui peut encore croire à ce genre de discours ?

Cette comédie à la française vient confirmer la réalité du football et l’importance pour les clubs que « l’entreprise tourne ». Daniel Riolo déclarait dans son livre Racaille Football Club  « On est encore très loin de la vision romantique du foot, à laquelle se raccroche trop souvent le supporter de foot ».  Mais le supporter romantique existe-il encore ?

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