

Organisateur au Club Med, Pigiste à France Football, grand reporter à L’Équipe. Pierre Ménès est devenu l’une des figures du paysage footballistique français. La « grande gueule » de Canal+ a eu la gentillesse de répondre à nos questions et de revenir sur son parcours. Pour notre plus grand plaisir …
LA DÉCOUVERTE DU FOOTBALL
Comment le sport est entré dans votre vie ? Pratiquiez-vous un sport et si oui, à quel niveau ?
J’ai commencé le sport à six ans avec l’escrime. J’étais doué dans ce sport surtout parce que j’étais gaucher. J’avais un très bon niveau en escrime jusqu’à mon accident à l’âge de 15 ans : Quadruple fracture du poignet gauche et fémur sectionné. Fini pour l’épée. Je me suis mis au tennis ou j’ai été 15/4 à 21 ans.
Petit, quelles étaient vos idoles ?
Zorro (rires). Ma première idole de foot, c’était Rocheteau.
Rocheteau et l’ASSE – Source VertsdeSaintEtienne Rocheteau et le PSG – Source Paris Canal Historique
A quand remontent vos premiers souvenirs de sport et de football ? Quel est le plus marquant ?
Saint Étienne 75-76. L’année de Glasgow. Je regardais les matches sur la télé en noir et blanc dans le lit de mes parents.
Êtes-vous ou étiez-vous supporter d’un club de football ? Abonné à une association de supporters ?
J’ai été abonné au PSG de 77 à 82. A l’époque l’abonnement en Auteuil était gratuit pour les ados. Je n’ai jamais fait partie d’une association.
Adolescent, aviez-vous déjà en tête de devenir journaliste sportif ?
Oui, depuis le lycée. En philo, ma prof me mettait tout le temps « style trop journalistique » comme appréciation.
Avez-vous orienté vos études dans ce sens ?
Oui j’étais parti pour faire une licence d’histoire et tenté d’intégrer le CFJ (Centre de Formation des Journalistes). Mais je suis entré pigiste à L’Equipe avant et j’ai arrêté mes études.
SON PARCOURS PROFESSIONNEL
Ses débuts, France Football, L’Équipe
Revenons à votre parcours. Vous débutez au club Med. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette période, vos fonctions et les souvenirs que vous en gardez ?
Je donnais des cours de tennis et surtout je faisais le con. Mais c’est une bonne école pour avoir du contact avec les gens. Ça m’a aidé dans mon relationnel avec les joueurs. Quand tu as chanté « Acropolis adieu » en mini robe de satin fuchsia déguisé en Mireille Mathieu devant 1000 personnes, tu es vacciné contre toute forme de trac.
En rejoignant France Football, vous faites vos premiers pas dans le milieu du foot. Dans quelles circonstances rejoignez-vous ce magazine ?
J’avais visité le journal L’Equipe en 83. Le DRH m’a apprécié, il m’a proposé un petit boulot le dimanche matin. A partir de là, j’ai gravi, doucement, les échelons.
Quelles fonctions exerciez-vous à France Football ?
A l’époque, il y avait des comptes rendus des matches de Paris. J’ai fait la DH. Mon premier papier c’était Créteil-Choisy le Roi pour l’inauguration du stade Duvauchelle. Puis la D4, la D3…
On parle souvent du métier de journaliste comme d’un métier précaire. Est-ce une réalité ou une idée reçue ?
Je crois qu’aujourd’hui tous les métiers sont hélas précaires. Celui-ci pas plus qu’un autre. La concurrence y est juste plus forte parce que c’est un métier qui fait rêver.
Avez-vous des modèles dans ce métier ? Si oui, quels-sont-ils ?
Non aucun. Même jeune, j’avais déjà une forte personnalité et je ne suis pas quelqu’un d’influençable.
Vous travaillez ensuite pour L’Équipe, entre 1983 et 2004. Quelles étaient vos fonctions ?
J’ai terminé grand reporter. Je n’ai jamais souhaité y avoir des responsabilités. Ca m’emmerde profondément. J’ai commencé par la D2. Et en D1 j’ai suivi des clubs : Strasbourg, Paris, Bordeaux, Marseille. Et les Bleus juste après leur titre jusqu’à mon départ en 2005. Les quatre dernières années, je suivais Arsenal pour ses Français aussi.
A cette époque, vous participiez à la notation des performances des joueurs. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette activité ?
C’est une gymnastique. Bien avant d’en avoir la responsabilité, c’est quelque chose qui me passionnait et que je fais encore machinalement à chaque match que je regarde. La difficulté est de garder la dimension collective et tactique du match dans un tel exercice. Mais c’est aussi ça qui intéresse le plus les gens.
Le quotidien « L’Équipe » a longtemps eu le monopole dans le milieu de la presse écrite sportive française. Comment l’expliquez-vous ?
Par sa qualité globale déjà. L’Équipe est souvent très critiquée mais la plupart du temps, de façon injuste. Les journalistes y travaillent sérieusement notamment en matière de transferts. L’Équipe, c’est aussi le poids de la tradition. De toute manière la presse papier se porte tellement mal que toute tentative pour sortir un nouveau quotidien de sport serait juste suicidaire
Equipe TV et Télévision
En 1999, vous devenez consultant pour L’Équipe TV. Quelle est selon vous la différence majeure entre le rôle de consultant et celui de journaliste ?
Un journaliste est là avant tout pour informer et analyser. Le consultant là pour donner un angle, son avis. C’est complémentaire et je pense que je mélange les deux.

Le grand public vous découvre en 2005 dans l’émission « 100 % Foot » sur M6. Votre franc-parler et votre ton diffèrent des autres interlocuteurs. En aviez-vous conscience ?
Je ne joue pas un personnage. J’ai toujours été comme ça. Je n’avais sûrement pas conscience de la caisse de résonance de la télé.
Vos interventions ont-elles suscité des réactions à cette époque, que ce soit de la part du milieu professionnel ou des téléspectateurs ?
Au début, il n’y avait pas grand monde pour savoir que M6 avait une émission de télé le dimanche après minuit. Et puis, nous avons fait plus de vingt directs pendant le mondial 2006 et ça a démarré.
En 2009, vous rejoignez Canal + et participez entre autres au « Canal Football Club ». Comment se prépare l’émission ?
Les autres travaillent beaucoup (rires). Moi, je ne fais rien. Pas une réunion. Je déteste ça. Ça me pollue. J’ai l’impression d’avoir fait trois fois l’émission avant de la commencer. Mon vrai boulot, c’est de voir six matches de L1 par journée. Et ce n’est pas toujours un cadeau.

Regardez-vous les émissions dans lesquelles vous participez ? Ne pensez-vous pas que vous allez parfois un peu trop loin ?
Non je ne vais pas trop loin. Et non je ne me regarde pas. Je n’ai pas le goût du supplice à ce point. Je me trouve immonde.
Comment vivez-vous la concurrence avec BeIN Sport et les départs de journalistes comme Darren Tulett ou Christophe Josse vers cette chaine ?
Bein sport a offert du travail à beaucoup de journalistes et à ce niveau il faut s’en réjouir. Mais leur concurrence est totalement déloyale. Cette chaîne va perdre près d’1 milliard et demi d’euros sur les quatre prochaines années. Toutes les lois commerciales sont bafouées.
Je trouve les émissions autour des retransmissions d’une pauvreté sans nom. Tant qu’on ne verra qu’Alexandre Ruiz tous les soirs, Canal est tranquille pour un moment.
Après je dois dire que je trouve les émissions autour des retransmissions d’une pauvreté sans nom. Tant qu’on ne verra qu’Alexandre Ruiz tous les soirs, Canal est tranquille pour un moment.
Venons-en au 29 décembre 2012. Ce jour là vous intervenez pour la première fois en tant que consultant lors du match de Premier League entre Arsenal et Newcastle sur Canal+. Comment est née cette idée ?
C’est un cadeau de Cyril Linette. Il sait que je rêve de ça mais que je suis par ailleurs très occupé toute la saison. C’était un bonheur et un honneur. Et puis 10 buts dans un match j’ai été gâté.
Comment s’est déroulée cette journée ? Quels souvenirs en gardez-vous ?
On a fait pas mal de shopping avec Stéphane Guy comme un joli petit couple. Après le match, j’ai retrouvé Titi Henry, j’ai passé une heure avec Arsène. J’étais tellement heureux de revenir à Londres.
Avez-vous revu le match ? Si oui, comment jugez-vous votre prestation ?
Non je ne l’ai pas revu mais j’ai eu 100% de compliments donc ça devait être pas mal même si j’ai évidemment été avantagé par la qualité du match et le score.
Quelles sont, selon vous, les qualités principales pour être un bon commentateur ?
L’expertise et l’enthousiasme.
Cette expérience pourrait-elle être renouvelée de manière plus régulière ? En auriez-vous l’envie ?
Cyril le sait, j’ai très envie de renouveler l’expérience de façon plus régulière. En Angleterre bien sûr.
Radio et parcours en club
Votre carrière est marquée par la participation à des émissions radio comme « On refait le match » sur RTL. Est-il simple de passer des presses écrites et télévisuelle à la radio ?
Contrairement à ce qu’on croit, je n’ai jamais fait « On refait le match » sur RTL. J’ai immédiatement été avec Christophe Pacaud. La radio c’est fantastique, c’est confortable et j’ai adoré RTL.

En 2004, vous devenez dirigeant du Stade de Reims. Comment cette opportunité s’est-elle présentée à vous ?
Un vrai concours de circonstances en trois semaines. Un peu long à raconter ici. Mais ça s’est fait trop vite et à l’arrache ce qui explique l’échec.
Quelles étaient vos principales fonctions ?
J’étais responsable du développement. De tout et de rien. Donc de rien à l’arrivée surtout quand les gens en place n’ont qu’un seul objectif : me faire échouer.
Cette expérience se termine en 2006. Selon vous, qu’est ce qui n’a pas fonctionné ?
Je n’avais aucun pouvoir. Même pas un bureau au siège du club. Même pas un tabouret. Les dirigeants étaient très divisés entre eux avant mon arrivée. Ils se sont rabibochés sur mon dos.
Que retiendrez-vous de ce passage à Reims ? Quel bilan en faites-vous ?
Le plaisir d’être avec le groupe pro et c’est bien tout.
Je n’avais aucun pouvoir. Même pas un bureau au siège du club. Même pas un tabouret. Les dirigeants étaient très divisés entre eux avant mon arrivée. Ils se sont rabibochés sur mon dos.
Un poste dans un club de football vous intéresserait-il aujourd’hui ? Si oui, pour quel type de fonction ?
Pourquoi pas. Mais il faudrait que la proposition salariale soit en rapport avec mes revenus actuels et surtout que j’ai les pleins pouvoirs dans ma mission.
SA VISION DU MÉTIER DE JOURNALISTE
Vous possédez un compte twitter. Vous tenez également un blog de football depuis 2006 avec « Pierrot le Foot et Pierrot Football Blog ». Dans quelles mesures les réseaux sociaux ont-ils fait évoluer votre profession ?
Avec les réseaux sociaux, on est plus proche des gens et j’aime bien ça. C’est une écriture plus moderne aussi.
Radio, Télé, écriture de livre, maintenant Internet…Comment s’adapte-t-on à ces différents médias ? Quel support permet le mieux de s’exprimer ?
Je suis pareil partout. C’est le phénomène de la boule de neige. Ne pas croire que dés qu’on s’exprime sur un média, tout le monde a entendu. Il faut respecter toutes les sources.
Sur twitter, vous réglez parfois vos comptes avec des anonymes mais également avec des professionnels. Les réseaux sociaux ont-ils un impact sur votre vie professionnelle et/ou privée ?
Sur ma vie privée non sinon il faudrait que je m’inquiète. J’aime bien ne pas être dans ma tour d’ivoire. Après il faut supporter la connerie humaine. J’ai du mal.
Pierre Ménès et Thierry Henry – Source Football Pierre Ménès et Thierry Henry – Source Livesteam-asm
Avez-vous des amis dans le milieu du foot ? Si oui, n’est-ce pas ce pas un obstacle dans un travail qui nécessite de l’objectivité ?
Je ne comprendrai jamais cette question. Je parle à des millions de gens qui ont vu le match sur lequel je m’exprime. Je ne vois pas comment je pourrais ne pas être objectif. En même temps ceux qui m’accusent de ça sont des supporters de club donc…Après des amis oui j’en ai plein. Beaucoup plus que d’ennemis d’ailleurs.
Comment s’affranchir d’un passé de supporter lorsque ce métier exige une certaine neutralité ?
J’étais abonné au PSG de 14 à 20 ans, ça fait un moment déjà. J’ai 30 ans de plus et c’est peu dire que le club a changé. Je n’ai jamais autant taillé un club que le PSG parce que c’est un club insupportable à suivre au quotidien.
Le football fait souvent l’objet de critiques de la part des médias sportifs. Le sport français est-il jaloux de la place du football dans les médias ?
Bien sûr surtout le rugby que je trouve d’une insupportable condescendance envers le foot. Depuis Knysna on entend souvent dire « ici ce n’est pas le foot ». Mais les récentes mésaventures du hand feraient bien d’interpeller tout le monde et de fermer des bouches.
La politique a toujours fait partie du football. Celle-ci semble prendre de plus en plus de place dans l’analyse d’un club ou d’un match, notamment depuis l’arrivée du projet parisien. La dimension de ce nouveau PSG a-t-elle changé l’approche de votre métier ?
Pas du tout et je suis catégorique.
Vous considérez-vous encore comme journaliste ?
Je n’ai jamais considéré le fait d’être journaliste comme un Graal donc je m’en fous.
Le pronostic fait-il parti du métier de journaliste ? Pour le grand public, n’existe-t-il pas une confusion entre ces deux activités ?
Il existe toujours une confusion dans ceux qui cherchent les poux. De toute façon il ne se passe pas une journée où on ne me demande pas un prono sur un match. Pour les gens c’est la base de l’expertise.

L’arrivée des paris en ligne n’accentue-t-elle pas cette confusion ?
Dans l’écrasante majorité des cas, les sommes engagées dans les paris sportifs sont insignifiantes. On est très loin du poker.
Un grand merci à Pierre Ménès d’avoir joué le jeu et répondu à nos questions et lui souhaitons bonne continuation dans la suite de ses différents projets.
JM
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